Paul Verlaine.

 

Romances sans paroles.

 Alors Verlaine s’en alla.Il s’en allait, suivant Rimbaud, ou le précédant. Se coulant dans son déhanchement, faisant de ses poèmes de la poésie boiteuse. Le considérable passant porté par son désir de dérèglement astucieux et raisonné de tous les sens emportait Paul Verlaine dans son malstrom. Et ce dernier allait ainsi jusqu’au bout de lui-même, de son œuvre, faisant subir aux mots un essorage qui estompe la surface, potentialise les couleurs. Emporté dans l’errance, Verlaine perd les repères que le comfort nous donne habituellement. Sur la route, on the road, les mots se vivent autrement, sur un autre mode. Le mode musical par exemple. Romance : chanson sentimentale. Et comment peut-elle être sans paroles ?En vaporisant le mot. En ces textes, le vocable ne présente pas que sa part de sens, il offre aussi, surtout, une part de sons. Et l’ensemble devient musique. L’harmonie ne sera pas donnée d’emblée. Elle se construira, se reconstruira dans le mouvement, par lui. Tout est mouvant dans ce recueil,Tournez, tournez, bons chevaux de bois. Et le tournis s’impose dans la syntaxe ; la construction des phrases est tordue au gré des vers :

Dans l’herbe noire  Les Kobolds vont. Le vent profondPleure, on veut croire.  Quoi donc se sent ? L’avoine siffle, Un buisson gifle L’œil au passant.   La poésie travaille ici dans les profondeurs. Comment dire l’indicible, ce qui échappe et relève du vertige ? la vie ne vaut que si elle gomme les structures, les certitudes installées dans la langue par le monde officiel. Verlaine avance dans ce déchirement douloureux mais nécessaire, indispensable pour qui veut vivre. S’atteindre, atteindre la vibration forte des émotions.Alors, peut s’installer, précairement et d’une façon absolument éphémère la douceur splendide de l’accord réalisé :Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches Et puis voici mon cœur qui ne bat que  pour vous. Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanchesEt qu’à vos yeux si beaux l’humble présent soit doux.  Yves ughes,Pour critiques-livres.fr (2040 signes, espaces compris)  

Romances sans paroles, et le mot, avec Verlaine, se fait musique,