chaque soir, à vingt-deux heures et quarante-huit minutes, le lacrimosa du requiem de mozart fend le silence qui m’enveloppe tandis que, juché sur un siège de bar dans mon salon je me délècte de scènes pornographiques sur le réseau internet, ou que, plus rarement, je me trouve dans mon lit, seul ou plus rarement encore, accompagné. longtemps, j’y ai vu un signe annonciateur de ma mort prochaine, je me disais, ce soir je rejoins michael, et c’est tant mieux car le monde est devenu complètement dingue depuis son départ, ce soir je monte au ciel sur un arc en ciel magnifique escorté par quatre walkyries topless juchées sur d’immaculés petits poneys à la crinière pastel – j’ignore pourquoi je me figure ma mort comme un show gay, mais cela est. et puis un soir j’ai réalisé que le spectacle estival son et lumière organisé par la mairie de la ville où je demeure n’était pas étranger à ce phénomène, le requiem de mozart dans ma tête, chaque soir à vingt-deux heures et quarante-huit minutes. j’ai compris que je n’allais peut-être pas mourir, ou alors pas plus que tous les gueux qui assistaient audit spectacle sur la grand place. je ne cacherai pas avoir ressenti alors une légère déception car, évidemment, être le genre de type qui entend des musiques dans sa tête, ça vous place un peu à part, pour ne pas dire au dessus du commun des mortels qui lui meurt d’un coup comme ça, plop, et sans musique préalable, encore. avec quel aplomb n’ai-je pas, un soir, déclaré à la personne qui me jouxtait dans le lit j’entends le requiem de mozart c’est pour cette nuit, on vient me chercher, sois heureuse avec un autre même si je ne vois pas comment, maintenant. résigné, mais courageux. son silence qui en disait long, même ponctué de ridicules petits grognements, me confortait dans l’idée que j’étais bien le seul à entendre le lacrimosa, même si j’en viens désormais à penser que les boules quies de la belle, enfin la belle, comprenons-nous, y étaient pour beaucoup.
mais comme il n’y a pas de fumée sans feu, il n’y a pas de requiem sans décès, et ceci qu’il soit donné par la mairie de la ville ou qu’il ne résonne que dans ma tête, et c’est là que je souhaitais en venir : ce matin, ma chatte manquait à l’appel. elle n’a jamais manqué un seul lever de drapeau, ce petit rituel patriotique que nous avions choisi de respecter elle et moi, notre manière à nous de regretter la déliquescence de la société et d’honorer le souvenir de la france. j’ai crié son nom, hissé sur le rebord de la fenêtre, secoué son plat de croquettes, erré dans le parc. rien nada nothing nichts. à présent, j’ai beau penser au clavier d’ordinateur portable à deux mille cinq cent euros qu’elle a bouloté, à toutes les fois où elle a pollué sa caisse alors même que je tentais tant bien que mal de constituer une atmosphère romantique et jazzy avec une jeune ou moins jeune personne, aux nuits sans sommeil à lui courir après pour qu’elle cesse de jouer à rebondir contre les murs, aux petits tas de dégueulis au beau milieu du salon découverts au petit matin, aux poils sur mes onéreux vêtements, bref, tout ceci, je suis tout de même inquiet, avec cette histoire de requiem, parce que c’était elle et moi contre le monde entier, elle seule à mes côtés, comprenant mes souffrances. alors, peut-être qu’elle va revenir, ou peut-être pas, mais je sais que si elle ne revient pas, c’est qu’elle sera heureuse avec michael et les poneys immaculés à la crinière pastel.
requiem
Critique de spermy de spermito le 4 octobre 2009
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Rassurez-nous, elle est rentrée ?