Au début du livre j’avais déjà tout vu. Je ne disais rien. J’imagine que j’aurais pu écrire une seule lettre, un mot, mais rien. Je disais : C’est ce vertige-là, sans fin, celui de l’absence, celui de cette impression qu’il ne se passe rien, qui a fait que j’ai décidé de rédiger un livre. Ce n’est pas parce que je ne voulais pas parler que j’écris maintenant, que j’ai essayé d’ouvrir les choses, un maximum, toujours. Je crois plutôt qu’à l’intérieur de moi il y avait toute une continuité des êtres qui avaient vécu ça, qui étaient morts là et qui n’avaient rien dit. Après, les jours se suivaient monochromes. Je passais mon temps à lire et à penser. L’image de la rue était devenue insupportable. Je crois que je ne supportais plus rien, plus personne. Les couples et les enfants d’abord. Je ne sais pas pourquoi. C’était comme une haine viscérale, chevillée au corps, disparue depuis, mais vivante, avant.
Je veux dire aussi que c’était le vide. Que c’était comme d’habiter dans le rien-dit. Dans quelque chose qui, en apparence, n’avait guère d’importance. Je n’entendais plus que le silence de la pièce. Ce qui ne se disait pas. Ce qui n’avait pas été exprimé.
Cet homme qui a tout vu au début du livre