Les Heures Souterraines, c’est d’abord l’histoire de Mathilde, veuve d’une quarantaine d’années, élevant ses trois enfants. Seule, très seule. Elle est cadre marketing dans une grosse boîte, elle est une battante, un atout pour sa société.Puis, un jour, tout bascule et son patron commence à enclencher un processus de harcèlement moral d’une violence inouïe.
Delphine de Vigan raconte avec une précision d’entomologiste cette prise qui se resserre, qui étouffe comme un boa constrictor sa proie. La paralysie qui gagne la victime, ses forces qui la quittent, le rejet par les collègues. J’étais tellement pris dans la force de l’histoire que j’avais envie de la secouer, de lui dire qu’il y a des recours (inspection du travail …). Mais le vice même du processus fait que quand on est dedans, on ne voit rien, on est anesthésié.En contrepoint, il y a l’histoire de Thibault, travaillant comme médecin-volant pour un SOS Urgences-like. Lui aussi partage cette solitude, il quitte une femme qu’il aime mais qui ne partage pas son amour. Il vole de patients en patients, fait de son mieux avec humanité (rappelant un peu le Sachs de Martin Winckler), passe de la laryngo-pharyngo-bronchio-otito-bobologie aux plaies de la solitude urbaine.La grande force de l’auteur est de décrire avec un réalisme pénétrant l’oppression et la solitude de la ville avec force de petits détails signifiants (les inscriptions cryptiques du RER tel ‘RIVA’, les files de droite et de gauche dans les couloirs du métro, …).
Un livre d’une grande force avec une fin dont je pressentais qu’elle allait me décevoir mais même pas !
‘Les Heures Souterraines’ de Delphine de Vigan