Blog: Passion-romans
Mon entretien avec Franck Thilliez juste avant la sortie de « Vertige », ICI
Vous pensez peut-être que Franck Thilliez vous a déjà tout dit? Vous imaginez qu’il vous a déjà tout légué de son art de vous faire frémir, de vous faire tressaillir? Bande de naïfs… Si vous croyez cela, c’est terriblement mal le connaître! Pardonnez-moi pour mon agressivité, mais je sors de ce huit-clos un peu tendu et troublé… Il ne sera donc jamais à court d’idées!
L’auteur, cette fois-ci, a mis de côté ses deux enquêteurs fétiches pour nous plonger, nous immerger et surtout nous absorber dans un huit-clos dans lequel nous allons devoir endosser le rôle – malgré nous – d’un observateur totalement démuni. N’hésitez surtout pas à regarder une dernière fois à l’extérieur de chez vous avant de sombrer dans cette lecture…
Franck Thilliez va utiliser une arme qu’il ne connaît que trop bien; la captivité. Encore une fois, l’auteur va exploiter et manipuler les moindres recoins de votre cerveau et explorer tous les méandres de votre centre nerveux à la recherche de vos phobies les plus enfouis. Il les trouvera une fois de plus.
330 pages d’obscurité, de ténèbres, d’isolement, de froid et d’abandon. Comment ne pas devenir fou en sachant que vous plongerez dans un aven menaçant, glacé, et que vous disparaîtrez au fond d’un gouffre hostile dès la première page? Et ne comptez surtout pas sur l’auteur pour vous remonter à la surface. Cela aussi, c’est mal le connaître…
Imaginez… Imaginez juste quelques secondes comment vous réagiriez si vous saviez pertinemment que vous allez mourir. Je dis bien pertinemment, sans cette petite lueur d’espoir que nous gardons tous en nous lorsque nous savons que la fin est proche. Que se passerait-il dans votre cerveau? Comment réagiriez-vous si d’autres personnes seraient dans la même situation que vous à vos côtés?
Cela fait beaucoup de questions. Mais des questions que Jonathan Touvier et deux autres personnes n’auront pas besoin de se poser car ils vont être dans cette situation abominable! Jonathan Touvier, père d’une jeune fille prénommée Claire – en opposition avec obscure? – et époux de Françoise, mourante. Une leucémie. Il se retrouve au fond d’un gouffre, dans le noir, impuissant. Pourquoi?
Jonathan Touvier est entravé au poignet par une chaîne. Son espace est donc indubitablement contrôlé. Un deuxième individu, Farid, jeune arabe, est également entravé par une chaîne, mais à la cheville. Un troisième homme, Michel, se trouve aussi dans cet antre glacial, mais libre de ses mouvements. Enfin, pas tout à fait… Il porte un masque d’acier qui explosera s’il s’éloigne des deux autres personnes. Pourquoi?
Le lecteur remarquera dès cet instant qu’il va passer beaucoup de temps avec ces trois personnages, à se demander de quelles manières ils vont bien pouvoir s’en sortir. Ah j’oubliais, Pokhara, le fidèle chien de Jonathan Touvier se trouve aussi avec eux. Il aura peut-être son rôle à jouer.
En fait, pour être honnête, le lecteur constatera plutôt qu’ils ne s’en sortiront jamais… Un message ne va pas aider ces hommes à retrouver du courage…
« … Personne ne sait où vous vous trouvez, sauf moi, mais je ne pense pas vous être d’un grand secours quelconque, là où je suis. Et croyez-moi, on ne vous retrouvera jamais. Comprenez bien que vous allez tous mourir. Le tout est de savoir combien de temps vous tiendrez. Et pourquoi. »
Une question que ces trois personnes seront obligées de se poser au bout d’un moment; pourquoi prolonger la vie, la survie. Est-ce que cela en vaut la peine? Franck Thilliez va nous montrer à nouveau de quelle manière il maîtrise son sujet. C’est remarquablement effrayant. Imaginez ce qui se passe dans votre tête après avoir passé des heures, des jours dans la pénombre, quasiment sans ressource, à une température glaciale. L’auteur nous dévoile encore une fois d’une manière scientifique ce qu’il peut bien se passer dans ces conditions.
Trois hommes différents qui devront survivre ensembles. Est-ce que des termes tels que confiance, promesse ou entraide ont encore un sens lorsque votre vie est totalement en sursis? Ou alors il ne restera que de la méfiance, des doutes, des mensonges et des craintes… Qui est responsable de tout cela? Pour quelles raisons? Par son écriture scientifique et méthodique, Franck Thilliez nous révèle ce que notre cerveau est capable de faire dans l’extrême, que ce soit d’un aspect positif ou négatif… Brillant. Inquiétant.
Toutes les solutions seront les bienvenues pour survivre à ce froid constant et maudit, surtout lorsqu’un cadavre est découvert derrière des roches. A déguster sans modération:
« … Des chaussettes de peau humaine. Avec l’aiguille et le fil, il a cousu les extrémités entre elles au niveau des orteils, et le haut de chaque chaussette est cousu directement à son pantalon. Clairement, on devine que les bords ont été cisaillés par à-coups violents, acharnés, parce qu’ils sont en dents de scie. Il a dû couper avec la pierre tranchante, en tendant la peau comme on tend du papier cadeau. (…)
– Ce… n’est pas compliqué à faire. On réalise une incision au coude, l’autre à l’avant-bras, et on retire la peau avec la couche de graisse sous-cutanée. Ca s’enlève aussi facilement qu’un gant. »
Jusqu’où faut-il aller pour survivre. Et pourquoi?
Franck Thilliez ne s’arrêtera pas là pour nous surprendre. Il conclut son huit-clos d’une manière qui va vous abrutir et vous faire réfléchir encore longtemps après la lecture. Merci Franck, moi-même je me suis senti quelque peu ahuri en tournant la dernière page. Si vous êtes comme moi, je pense que vous allez relire cette œuvre… Juste pour vérifier certaines choses…
Celles et ceux qui ont été complètement bluffés par le dénouement de « Shutter Island », de Dennis Lehane, je vous préviens que vous n’avez encore rien vu… Personne ne va apprendre à Franck Thilliez comment surprendre ses lecteurs…
Si vous auriez un secret inavouable, seriez-vous prêt à mourir pour le garder…? Bonne lecture.
« Vertige », de Franck ThilliezÉtiquettes : Franck Thilliez, vertige