L’histoire nous est racontée par le personnage principal, que je ne nommerai pas, car je ne sais pas comment il s’appelle. Pourquoi pas. Ne pas le savoir donne une dimension intéressante et, surtout, je me rends compte que de le savoir ne rapporterait rien de plus.
Par contre, ce que l’on sait, ou que l’on croit savoir, c’est qu’il a tué un homme, un jour, – coup de poignard -. Cela nous le savons, il ne le nie même pas, par contre il ne nous dira pas pourquoi.
Le corps a été retrouvé dans un étang asséché, pas de bol.
Notre personnage se retrouve derrière les barreaux, pour vingt ans. Et là, il nous raconte tout, ou presque: ses visites, ses pensées, ses emmerdes, ses magouilles aussi pour manipuler le psy de la prison. A ce stade, je dois déjà admettre que l’auteur maîtrise les mots et le rythme, c’est certain. Le constat est assez clair, Jacques Bablon sait raconter une histoire, une « putain » d’histoire qui est écrite sur des pages très sombres et froissées par la rage.
Puis c’est rapidement la liberté; rebondissement dans l’enquête, on va dire cela comme ça. La liberté oui, mais pas dans l’âme. Ce qu’il va apprendre par son avocat va l’enfermer à nouveau, mais dans sa propre tourmente cette fois-ci. Culpabilité.
Le problème? Et bien le problème c’est qu’il va y en avoir plein d’autres pour notre mec sans nom. Et pas des moindres. S’enfoncer et patauger dans la merde, c’est tout un art!
L’auteur nous brosse le portrait d’un homme haineux, colérique, qui garde une grande souffrance au fond de lui. Un type perdu, pas franchement intelligent, qui n’a pas tout reçu à la naissance, au départ d’une vie plutôt merdique. Pas intelligent, c’est vrai, mais capable de faire de bonnes réflexions plutôt pertinentes.
Cela se lit vite, l’écriture est brute de décoffrage, froide, vulgaire et sans chichi; l’aspect vulgaire étant évidemment attribué au personnage. Jacques Bablon va à l’essentiel, tout comme le héros du livre. Nous observons ses journées qui se suivent et qui ne se ressemblent pas; ça s’enchaîne et ça file. Les emmerdes, les amours, les amis et les coups dans la tronche, on les vit avec le personnage et on esquive comme on peut.
La morale, on l’oublie le temps d’un bouquin. Notre personnage sans nom n’a pas le temps et les moyens de se pencher sur cet aspect-là. Niveau contact humain c’est très spécial aussi, nous en aurons l’exemple sur le plan familial. Et quel exemple!
Quelques révélations plus loin, notre vision de l’intrigue change mais le ton reste le même. Cela s’enchaîne tel un kaléidoscope qui s’emballe et qui part dans tous les sens. Les images éclatent…
Le rythme, les mots et la noirceur, c’est ce que je retiendrai de ce roman. Quelques passages d’une violence assez extrême. Il faut bien l’admettre: nous sommes témoins de gestes qui pourraient en troubler plus d’un.
Pas vraiment d’intrigue à démêler, ce n’est pas le but ici, pas vraiment de rebondissements qui nous éclatent au visage, mais plutôt des scènes qui détonnent devant nous et qui se brisent. Ce qui est appréciable dans ce roman, c’est l’épatant exercice de style et personnages qui évoluent autour de notre héros sans nom. Finalement, il faut juste lire, tourner les pages et se laisser emporter dans ces grands espaces!
Bonne lecture.
Détails sur « Trait bleu », de Jacques Bablon – noir, très noir!
Isbn : 9791092016888