« Tar Heel Psychose », de David Combernous

Critique de le 24 septembre 2014

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (1 votes, moyenne: 4,00 / 5)
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Psychologie Roman

Tar Heel PsychoseIl s’agit du premier roman de David Combernous, un gars qui est né à Vevey, en Suisse, près de chez moi, et qui a capté toute mon attention lorsque je l’ai entendu, par hasard, parler de son livre à la radio. La trame du roman, telle qu’il l’a décrite lors de ce passage, m’a semblé originale. Etant donné que c’est ce que je recherche, – l’originalité -, je n’ai pas hésité longtemps pour contacter ce jeune écrivain – 25 ans! -.

Merci à lui pour le roman, et surtout pour son histoire.

Nous prenons une grande bouffé d’air chaud dans le visage en entrant dans ce livre, soit en débarquant dans une petite bourgade de la Caroline du Nord, Weddington. Une ville conservatrice relativement petite; pour preuve, tout le monde se croise et se connaît. L’auteur a choisi comme terrain d’écriture les Etats-Unis, lieu qu’il semble connaître relativement bien. Etant de la région, il aurait pu nous concocter une histoire se déroulant par chez nous, en Suisse ou près de la Suisse mais, finalement, après lecture, je dois admettre que le contexte géographique choisi ici est merveilleusement bien adapté à l’histoire.

Quelle histoire au fait? Fred Lindley, écrivain dans la trentaine, vit dans ce bled depuis toujours, et toujours seul. Un solitaire qui ne supporte pas vraiment de l’être; on ne choisit pas toujours sa destinée.

Pas mal de romans à son actif, dont un best-seller. La suite sera assez logique, presque inévitable; baisse de tension positive, moins d’engouement pour le roman, qui fera place à une autre tension, nettement moins intéressante, une tentions plutôt nerveuse qui perturbera fortement l’ego et surtout le porte-monnaie de sa maison d’édition. Résultat, il faut absolument écrire à nouveau, et pondre un best-seller, cela va de soi!

Mais pour Fred, cela va débuter difficilement; et oui, le syndrome de la page blanche a décidé de s’abattre sur lui. Démotivation, alcool, perte de confiance, alcool, manque d’inspiration et… beaucoup d’alcool. Mais une nuit, c’est la révélation. Son nouveau roman, il semble déjà être marqué au fer rouge dans sa tête d’écrivain débordant d’imagination.

Fin de chapitre, nous quittons Fred pour un bon bout de temps, respectivement pour quelques centaines de pages, et nous découvrons un nouvel univers, une panoplie de nouveaux personnages, dont Andrew Hills. Par contre, nous transpirons toujours à grosses gouttes, le soleil menacerait presque de faire fondre le bitume; oui, nous sommes toujours à Weddington.

Andrew Hills a 16 ans – en tout cas au début de l’histoire -, fils d’agriculteur, c’est dans la campagne de la Caroline du Nord qu’il vit avec ses parents. Lycéen relativement brillant, c’est dans les bras des filles de la famille Young, les voisins, qu’il se sent bien. Les membres de cette famille, dont le père est également agriculteur, sont bien plus que des voisins, c’est une famille de cœur, je crois qu’on peut dire les choses comme cela.

Nous serons les témoins d’une belle histoire d’amour, de vie, de famille; le bonheur semble rayonner un peu partout autour de lui, la recherche de cet état d’esprit semble même illusoire, il parait être là depuis longtemps et pour longtemps. Andrew Hills deviendra même un grand écrivain. Presque trop beau?

Deux choses relient Fred Lindley et Andrew Hills. Les deux hommes sont écrivains, cela vous l’avez compris, et la seconde chose est assez surprenante, Andrew Hills est le personnage principal du dernier roman de Fred Lindley. Qu’est-ce qu’il y a d’étonnant à cela allez-vous me dire?

Fred Lindley va apercevoir un soir son personnage Andrew Hills derrière la porte de son domicile. A partir de là, Fred Lindley va être dirigé vers plusieurs endroits clés, vers plusieurs personnes, sous l’impulsion apparemment hasardeuse de son personnage, pour des raisons peu claires. Est-il en train de perdre la boule? La plupart de ces personnes semblent bien le connaître, l’apprécient pour certains; mais pour lui, rien que des inconnus. Fred Lindley a un sérieux problème avec sa mémoire qui semble avoir établi des sélections.

La relation entre Fred et son personnage est relativement troublante, évidemment. Est-ce réel, donc surnaturel, ou alors est-ce la conscience de Fred qui lui joue des tours. La question ne sera pas si importante, c’est finalement le message qui compte. Un message vital, bouleversant, qu’Andrew Hills essayera de faire passer à son créateur. Fred Lindley n’est visiblement pas prêt à entendre la vérité sur un pan important de sa vie.

Mais voilà, tout ce que j’ai écrit ici concernant cette histoire, ce n’est peut-être pas encore ce qui se passe réellement. Et oui, David Combernous nous envoie un bon coup de bluff!

J’ai rapidement décelé une grande qualité sur un point bien précis, et pas des moindre – pour moi en tout cas -, soit les excellentes descriptions de ce qui nous entourent dans ce roman. Les villes, les petits patelins, l’atmosphère général, les habitations, la nature, et j’en passe. C’est un aspect que j’estime vital pour suivre et apprécier un bouquin. L’auteur le fait remarquablement bien; nous savons, nous sentons, nous ressentons à chaque instant où nous nous trouvons et, surtout, dans quel état d’esprit se trouvent les personnages. Décrire un lieu, c’est déjà bien, mais décrire un état physique ou psychique d’un protagoniste, c’est une belle performance.

C’est détaillé, sans trop de lourdeur, mais bien assez précis; un bon dosage qui me satisfait pleinement. Trouver ce bon dosage est pour moi un défi de taille, un défi qui a été brillamment relevé par l’auteur.

David Combernous semble être très à l’aise avec les mots, on sent qu’il aime l’écriture d’une manière intense, celle qu’il nous offre est riche, belle, légère et d’une grande sensibilité. Tout le début du bouquin n’offre aucune tension quant à un certain suspense éventuel, ce n’est d’ailleurs pas le but, mais l’envie d’avancer, de progresser et de tourner les pages est bien là. L’écriture est de qualité, agréable, je ne le préciserai jamais assez.

On vit l’histoire, tout simplement, et un bien-être s’installe. Cependant, attention de ne pas trop exagérer de ce côté-là, au risque d’établir une rupture avec, par exemple, un lecteur un peu moins motivé par la première partie du roman. D’ailleurs, l’auteur le dit lui-même à la page 139, par le biais de ses personnages:

« – Je crois que je veux écrire sur ces mêmes choses qui m’inspirent mes poèmes; l’amour, la beauté, la joie de vivre.
– Un petit peu eau de rose, tout ça. Pour accrocher un lecteur tu dois mettre du suspens, de l’intrigue et une réflexion, si tu veux vraiment que les lecteurs se souviennent de ton roman. Ils ne vont pas se coltiner des dizaines et des dizaines de pages sur la petite vie tranquille de monsieur et madame tout le monde. Tu dois faire preuve d’imagination et d’originalité, pour conquérir tes lecteurs. Et je sais que tu en e
s capable. »

Mais je vous rassure, et je me suis rassuré également, vers les 3/4 de l’histoire, le rythme augmente, la trame devient prenante, nous passons vraiment en mode thriller psychologique intense. L’approche est longue, c’est vrai, mais croyez-moi, elle est loin d’être inutile, bien au contraire. L’auteur, par le biais de son personnage Fred Lindley, nous donne une sacré claque en jouant sur les effets de la mémoire, ses subtilités, sa manière propre à nous préserver en effaçant quelques passages bien précis. Fred Lindley, homme apparemment sain d’esprit, équilibré, va partir en vrille, son cerveau lui jouant des tours de passe-passe toujours un peu plus inquiétants.

Ce personnage est psychiquement intéressant à suivre; l’écrivain qui sait écrire sur l’amour, sur la vie, avec passion, et qui se retrouve perpétuellement seul à traverser sa vie en passant par son psy, son domicile ou encore les lieux de ses promos. Mais tout ceci n’est peut-être qu’une illusion.

Les personnages sont bien construits, à l’image des descriptions des lieux que nous traversons tout au long du bouquin. En ce qui concerne Andrew Hills et les personnages qui gravitent autour de lui, soit l’univers du roman dans le roman, cela paraît presque un peu trop « gentil », limite naïf, mais je le dis encore une fois, c’est une légèreté qui fait du bien à lire, d’autant plus que c’est une écriture habile et, SURTOUT, je sais à présent que c’est le calme avant la tempête. L’auteur joue d’ailleurs un peu avec nos nerfs car lorsque nous allons enfin connaître l’élément clé qui nous manque, il trouve un moyen sadique pour repousser l’échéance.

Le dénouement, partie cruciale parfois difficile à établir, est surprenant. L’auteur a réussi à nous conduire exactement là où il le voulait, avec une grande habilité. Je me suis laissé surprendre et je ne crois pas que j’aurais réussi à faire autrement, même avec davantage de vigilance. Il n’y a pas l’effet coup de poing, mais tout arrive gentiment, crescendo, sans aucune pause possible.

L’auteur nous cède une belle histoire, extrêmement tragique, avec un aspect psychologique fort intéressant. Je pense que ce que nous observons dans ce roman, soit dans le comportement complexe du personnage principal, est tout à fait plausible, bien que cela surprenne énormément. Ce comportement est proche de la résilience, si ce n’est pas tout simplement ça. Cela fait tout de même réfléchir, c’est du moins mon cas, c’est plutôt bon signe!

Bonne lecture.

« Tar Heel Psychose », de David Combernous

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