Rue de la soif… mon livre refuge…quand des abrutis de souche me cassent les pieds, je me tire avec Lebrun chez Carmen. Là au moins les grossiers ne me retrouveront pas. Sans rien dire, Carmen m’apporte une chopine de vin de Fronton. Rapide plongée dans une défonce d’enchantement vinassière. Hilare, j’ouvre mon vieux bouquin, le caresse des yeux, le hume, le lirote dans le calme du café-bar de l’Espérance, me ballade de page en page dans un éthylisme bon enfant, nimbé par la chaleur des libations entre potes.
Carmen renouvelle mon carafon quand il est vide, et j’ai du mal à garder mon équilibre quand je vais délivrer ma vessie. Hallucination… après quelques chopines et cachetons de tramadol, j’entends une espèce de boloss réclamer à Carmen un imperméable qu’un certain LE BARON lui aurait pris par distraction « Il vient de partir à l’instant. » répond Carmen, et moi je retourne pisser, et dans les gogues je découvre le même graffiti dénonciateur d’une tare ancestrale que dans le livre de Michel Lebrun, et je me dis que pour en avoir le cœur net, pour connaître la tare de Le Baron, il me faut siffler un nouveau gorgeon dans un autre troquet, et j’arrive au Rouquet, Boulevard Saint Germain, et des gens tracent devant moi, mais je ne les calcule pas.
Rue de la soif… livre vrai… ma journée… vraie journée…
Et l’intrigue du livre se mêle à ma vie de ce jour…
Et je demande à la patronne si elle a vu Le Baron ?
« Il vient de partir à l’instant »
Même question et même réponse au Café des fous, et je m’enfile un vieux rhum de Barbencourt et comme il est aussi dur dans la vie de rester sur sa soif que Michel Lebrun et François Guérif dans la fameuse rue de la soif, je répète encore plusieurs fois dans quelques bars du coin « Patron remettez moi ça… garçon, renouvelez…je continue d’explorer les toilettes… toujours la même dénonciation de cette tare familiale mystérieuse des Le Baron qui remonte au 13ème siècle.
J’ai beau patauger dans les balyures les plus excrémentielles des latrines du quartier, comme autrefois Monsieur Folentin, aucune de ces fétides croupissoires ne me livre le secret de cet abruti de souche de Le Baron.
Le lendemain, comme je ne sais plus vraiment ce qui s’est passé, je reprends la lecture de Rue de la soif et je retrouve le résumé de ma journée, tout en savourant la soif de vivre.
Rue de la soif, Michel LebrunÉtiquettes : François Guérif, ivresse, Michel Lebrun