Blog: Passion-romans
Du grand Art. Ce roman m’a marqué, ce qui est plutôt rare. Un mélange de fantastique, d’historique, avec les ingrédients d’un bon thriller. Suspense, tensions (non permanentes, heureusement, pour reprendre son souffle…).
Carlos Ruiz Zafon a trouvé les mots pour nous emmener dans un récit émouvant, profond, mais aussi dur et sans pitié pour le lecteur. Désolé pour ces adjectifs contradictoires mais c’est tout cela en même temps. L’auteur nous entraîne dans une Barcelone de l’époque ravagée par la guerre civile. Chaque page nous plonge un peu plus dans cette ville espagnole, dans ses recoins, ses rues, ses établissements, avec ses habitants décrits d’une main de maître. Carlos Ruiz Zafon plante une ambiance profonde, intense où il est impossible de s’échapper. Il aime cette ville qu’il connaît par-coeur, c’est indéniable.
Les personnages accentuent cette ambiance déjà bien marquée, avec leurs profondeurs et leurs forces. L’auteur a su leur donner un dynamisme, un tempérament et une émotion solides. On les vit dès le début du livre, on s’y attache, toujours un peu plus jusqu’à se retrouver profondément impliqué. Carlos Ruiz Zafon nous a gâtés au niveau des personnages. J’en dénombre une cinquantaine, tous avec leurs particularités, leurs qualités et surtout leurs défauts. L’auteur a également réussi le pari de balancer le lecteur entre le présent et le passé de certains personnages, sans nous larguer, sans nous lâcher, mais en nous tenant en haleine et dans un état de curiosité constante. Le passé, ses secrets, qui n’aime pas…
D’ailleurs toute la trame de ce roman se joue là dessus. Un voyage dans le temps, une exploration dans l’âme. Carlos Ruiz Zafon déplace le lecteur dans un passé de familles inondé de jalousie, de secrets, de non-dits, de violence, de mort et d’amour. Nous sommes agréablement confrontés à un récit dans un récit. C’est formidablement amené et intrigant. J’ai lu certaines critiques qui parlent de ce roman en reprochant les nombreux détails superflus et inutiles. A mes yeux, ce sont justement ces détails bien construits et précis qui donnent une vie et un dynamisme à cette oeuvre!
L’histoire:
Comme je l’ai mentionné plus haut, ce roman historique se déroule dans la région de Barcelone, durant la période de l’après-guerre civile (guerre d’Espagne). Cette guerre s’est déroulée de juillet 1936 à avril 1939, entre le camp des nationalistes et celui des républicains. La défaite des républicains permis l’établissement de la dictature dirigé par Francisco Franco. Cette misérable guerre eut des conséquences désastreuses sur le plan social, économique, culturel et politique.
Voici dans quel contexte évolue le narrateur de l’histoire, Daniel Sempere, petit garçon barcelonais qui vit avec son père, modeste libraire de livres d’occasion. Sa mère est morte durant la guerre et le petit garçon en rêve encore souvent, avec le peu de souvenirs qu’il lui reste.
Année 1945. Un matin, son père décide de l’emmener dans un endroit privilégié, une bibliothèque mystérieuse appelée « le Cimetière des Livres Oubliés ». Il explique alors à son petit bonhomme qu’il est temps pour lui de participer à un étrange rituel qui se transmet de génération en génération. Daniel va découvrir un lieu magnifique qui regroupe des dizaines de milliers de vieux livres qui sont devenus « orphelins ». Son père demande alors à son fils de parcourir cet antre de littérature, ce labyrinthe d’ouvrages, et de choisir un livre, juste un seul, et de l’adopter. Le petit garçon va rapidement se sentir attiré par un volume intitulé « L’ombre du vent », de Julian Carax.
Daniel va grandir, devenir adolescent, et vouer un intérêt majeur pour cet auteur quasi inconnu et impopulaire qu’est Julian Carax. Il va tenter d’en connaître son passé, en enquêtant méticuleusement, en faisant presque une fixation, sans même savoir pourquoi. Il va tenter d’assembler les pièces du puzzle qui vont permettre de reconstruire la biographie de Julian Carax. Plus les pièces vont s’assembler, plus les secrets vont s’acroître et moins il va en savoir. Il tombera sur des arcanes bien enfouis, bien gardés. Mais pourquoi? Qui aurait intérêt à ce que le passé reste où il est? Qui est cet homme, cette silhouette sans visage qui tente de récupérer à tout prix le roman de Daniel « L’ombre du vent »? Qui est cet homme intrigant qui brûle sur son passage tous les romans publiés de Julian Carax, jusqu’à mettre le feu à un entrepôt?
Daniel est un jeune homme tenace, accrocheur mais aussi un peu naïf. Dans sa quête, il va être aidé par le vieux Fermin Romero de Torres, SDF, futur compagnon de route que Daniel arrachera à la rue pour l’embaucher dans la librairie de son père. Fermin, personnage malin, cultivé, mais aussi beau parleur et rusé, saura tromper les gens pour venir en aide à Daniel et s’approcher toujours un peu plus vers le passé de Julian Carax. Grand séducteur et aimant la « chair fraîche », Fermin va aussi apprendre à Daniel, adolescent inexpérimenté, comment se comporter avec les femmes, comment les comprendre et les séduire. Un personnage qui m’a beaucoup marqué. Un homme déchu, torturé, mais bon et généreux, avec un passé plus que troublant. Mais bon, le passé c’est le passé…
Il y a aussi ce personnage qui se nomme Fumero (ça me fait penser à fumier, ce qu’il est). Ce représentant de la police criminelle, ripou, corrompu jusqu’au fond des culottes et tueur de sang-froid, va s’avérer être un protagoniste redoutable face à Daniel et Fermin. Mais pourquoi?
En ouvrant ce livre intitulé « L’ombre du vent », sans le savoir, Daniel a également ouvert une énorme brèche sur un passé qui n’aurait peut-être jamais dû refaire surface.
« L’ombre du vent », de Carlos Ruiz ZafonÉtiquettes : Carlos Ruiz Zafon, L'ombre du vent