Difficile de sortir indemne de cette trilogie qu’est « Léviathan ». D’ailleurs, avons-nous vraiment envie d’en sortir? Pas sûr. Premier tome (chronique) en 2011, second tome (chronique) en 2012, et cette apothéose qui vient de sortir; quel rythme! Et heureusement car ce final, cet achèvement, cette explication ultime, je l’attendais franchement impatiemment. Et pour cause.
Lionel Davoust, avec un rythme bien maîtrisé dans le premier acte, avec cette allure qui nous donne envie d’aller toujours plus loin dans le second tome, a remarquablement bien mis en place son dernier acte. Je ne veux pas dire par là que c’était gagné d’avance, car il y a encore une sacré matière à découvrir et à traverser dans ce final! Une traversée dans les eaux froides de l’antarctique, toujours là, toujours présent, toujours aussi magistral et inquiétant à la fois; ou plutôt intriguant.
Et oui, voici enfin le dernier tome, la dernière escale de ce voyage que j’ai choisi de réaliser en compagnie de personnages époustouflants (!!), cette traversée franchement houleuse par moment, mais aussi un peu plus calme parfois, peut-être un peu trop à mon goût de temps en temps, à travers ces pages qui se froissent méchamment sous ce vent tempétueux et froid qui nous glace le sang depuis maintenant 2011.
Les amateurs du genre – mais les autres aussi! – vont apprécier cette oeuvre car je le répète à présent pour la 3ème fois, Lionel Davoust mêle les sciences occultes, le « concret » et l’aspect scientifique avec un dosage subtil et astucieux; je voudrais même dire intelligent! Et ce que j’apprécie grandement, c’est la manière avec laquelle il arrive à nous transmettre sa passion, son admiration, son amour (?) pour le monde marin.
L’océan, le froid, l’antarctique, la puissance, l’ardence, la magie, la gauche et son opposée, le yin ou le yang (?), l’amour, la protection ou la haine, l’envie, la jalousie, la douleur, la torture absolue, le mensonge, le vrai ou le faux, la manipulation, la trahison, l’égoïsme, le cheminement, le Pouvoir. Des mots en vrac qui me viennent spontanément à l’esprit lorsque je fais défiler le cours de l’histoire dans ma tête; totalement déboussolant lorsque j’y reviens un peu en arrière. Le Pouvoir… Qu’est-ce que le Pouvoir absolu? Qui peut l’atteindre?
L’auteur nous donne le fin mot de l’histoire, – son histoire de fous! – mais une histoire humaine, voir surhumaine; quoique… Néanmoins, il nous révèle enfin tout ce que nous avions besoin de savoir pour mettre un point final à ce récit encore une fois fou et relativement déstabilisant, car profond; et oui… Philosophique? Très certainement.
Je ne vais pas vous faire un « bête » résumé de l’histoire, car de toute manière, bien que l’auteur nous donne pas mal d’info sur les précédents actes, il faut avoir lu – à mon sens – les deux premiers tomes. Pour les deux précédents romans, je vous invite à parcourir mes chroniques dans lesquelles je ne vous révèle absolument rien mais je vous dis absolument tout!
Ce qui est intéressant avec une trilogie, c’est que nous avons l’occasion de suivre l’évolution des personnages, mais également celle de l’auteur. Et évolution il y a! Finesse, maîtrise et raffinement, c’est évident.
Nous retrouvons évidemment les personnages que nous avons laissés en plan durant quelques mois, dont celui qui nous intrigue depuis le début – bien malgré lui -, soit Michaël Petersen, notre biologiste marin. Cet homme qui, au fil de l’histoire, se « métamorphose » étrangement et qui peut-être, sans le savoir, redevient ce qu’il était à l’origine; mais peut-être pas.
Quoiqu’il en soit, cet homme, pourtant totalement inoffensif et même un peu naïf, va être obligé de prendre le large – c’est peu dire – pour fuir cette étrange Organisation, puissante et surprenante, en tout les cas destructrice, que vous apprenez à bien connaître dans les deux premiers tomes, la Voie de la Main Gauche. Ces Mages un peu fous, imbus de leur personne, qui livrent une guerre permanente et ancestrale contre la Voie de la Main Droite, qui défend et représente l’inquisition et l’Église d’abord, l’Église de nos jours, donc dieu. Mais qui livrent également une guerre entre eux, à la recherche du pouvoir, de la maîtrise totale, de la puissance absolue. (C’est juste un petit résumé!)
Des combats mémorables entre guerriers poussés par leur ardence et leur connaissance vous dresseront les poils – si vous en avez – et vous poursuivront jusque dans vos rêves! Qui n’a jamais rêvé de ça? 😉
Une longue et subtile machination est donc mise en place avec rigueur et détermination pour placer en permanence des oeillères sur le « regard » de Michaël Peterson. Pourquoi dérange-t-il autant? Qui est-il finalement? Que ne doit-il absolument pas découvrir?
Michaël va rapidement se retrouver seul, livré à lui-même, toujours avec cette voix dans la tête – son Double? -, et va encore une fois s’apercevoir que d’étranges réflexes – l’instinct? – vont s’emparer de lui face à la pression, lorsque le danger est à son comble.
Livré à lui-même, le temps de se poser beaucoup de questions sur sa vie qui lui fait défaut, ou plutôt sa mémoire qui ne lui permet pas d’apercevoir ce qu’était sa vie avant 2004. Sa femme, son petit garçon, sa petite vie tranquille, mais avant? C’est comme un rêve que nous essayons désespérément de nous rappeler une fois réveillés… Peut-on manipuler une mémoire? Enfermer une personne dans une existence fictive?
Une quête sur soi-même, voilà de quoi nous sommes témoins en marchant dans le sillon de Michaël Petersen, désormais seul. L’auteur donne à son personnage l’occasion de se poser des questions fondamentales sur la vie avec, bien sûr, l’aide de quelques personnes qu’il va croiser – ou non – sur sa route jonchée de pièges et de barrages – de mirages?. Tout cela lui semble désordonné, il est perdu dans tous les sens du terme.
L’auteur, une fois de plus, nous laisse songeurs et interrogatifs sur la croyance, le sens même de la religion, sur l’existence de dieu, d’un dieu; soit le fondement même de notre monde. Qu’est-ce que le pouvoir finalement? La connaissance suprême de soi, de notre environnement, de nos limites et de notre force? Ou alors la croyance divine? Ce récit nous permettra de nous poser quelques questions sur cet aspect-là des choses, des questions que nous commençons déjà à nous poser dans le deuxième tome de Léviathan.
La Voie de la Main Gauche contre la Voie de la Main Droite. La croyance en nous-mêmes, à la volonté suprême, ou alors envers une puissance divine. Croire en dieu ou le devenir soi-même.
Des Mages approchant du pouvoir absolu en travaillant leur connaissance de soi, leur mental, leur force, et maîtrisant leur corps à la quasi perfection se livrent à une guerre ancestrale presque d’une manière euphorique! Le pouvoir est grisant, c’est certain. Et ce n’est même pas une guerre finalement, c’est le « Jeu Supérieur », leur jeu, sur un terrain assez vaste qui est notre planète.
Si on en croit la Bible, Léviathan peut-être considéré comme l’évocation d’un cataclysme terrifiant capable de modifier la planète, et d’en basculer l’ordre et la géographie, voir d’anéantir le monde. Lors de la lecture de cette oeuvre, vous remarquerez qu’il n’y a pas que lui qui est capable de tels actes, ou alors, le Léviathan n’est peut-être jamais très loin… (Je réfléchis et écris à haute voix, désolé…)
Les Mages de cette fameuse organisation occulte gardée bien secrète, pardonnez-moi le pléonasme, vont devoir affronter un ennemi inattendu; un ancien, un vieil ami? Michaël Petersen, notre zoologiste marin, n’est évidemment pas étranger à ceci.
Les personnages sont d’une complexité merveilleuse. Chaque protagoniste dégage une force – c’est le moins que l’on puisse dire – dans des registres bien distincts, à savoir le dédain, la folie, la soif de pouvoir, mais aussi le devoir de protection. Certains personnages, tellement complexes et imprévisibles, nous donneront bien du mal à nous déterminer sur leur vraie nature. Lionel Davoust pousse ses personnages jusqu’au rupteur et c’est splendide!
Finalement, ce qui est assez parlant, pour moi, concernant ces Mages de la Voie de la Main Gauche, c’est que ce sont des personnages qui dénigrent le profane – nous – le simple humain; mais si on réfléchit bien, il n’y a pas plus humains qu’eux!
Bref (si j’ose utiliser ce mot…), Lionel Davoust nous projette dans un récit où la réflexion est de mise, un cheminement qui nous pousse à revoir certaines de nos valeurs. En ce qui me concerne, j’en ai beaucoup appris et je garderai quelques notions qui me parlent…
Satisfait d’avoir pu approcher du point final; je dis approcher car Lionel Davoust laisse quelques points de suspension à son récit. Le livre se termine, mais les personnages qui y évoluent n’ont pas fini leur histoire et poursuivront leur chemin. Et j’espère qu’elle ne se terminera jamais, bien entendu.
Etre qu’une illusion, une sorte de façade, et s’en rendre compte, comment réagir à cela. Une sacrée moral dans cette histoire; faire ses choix, entre les pires et les moins bons, mais ceux qui permettront aux autres, à long terme, de vivre mieux. Etre digne, est-ce peut-être cela qui mène au pouvoir? Une sorte de nostalgie nous gagne au terme du roman, de cette trilogie, l’auteur nous a tellement enfouis dans l’âme des personnages, difficile d’en faire abstraction.
Je termine par ce que j’ai commencé; difficile d’en sortir indemne. Et c’est ça qui est beau!
Bonne lecture.
« Léviathan, le Pouvoir », de Lionel Davoust