L’inexpugnable citadelle d’Almenarc’h, perchée sur un piton rocheux entouré d’eau, vit une période de graves troubles. Des hordes sauvages l’assiègent de toutes parts. En voulant la défendre, Roch, le Grand Gardien, tombe dans une embuscade. Il est empoisonné puis noyé dans le lac. Alkar, l’indigne roi d’Almenarc’h, profite de son absence pour s’attaquer à Siham, son épouse. Sans aucune pitié, il lui crève les deux yeux. Pendant ce temps, Erkan, le fils de Roch, erre dans de lointaines étendues désertiques où il a été exilé, des sorciers l’ayant rendu amnésique. Arrivera-t-il à se venger ? Qui pourra empêcher Alkar, sous l’influence de l’ambitieux Cataxak et de ses maléfiques prêtres noirs, de mener à la ruine la citadelle ? Ulnhor, le roi déchu ? Telleran, le vieux sage ? Ou Milena, la reine actuelle, matriarche et stellamancienne ?
« Les Kerns de l’oubli » se présente comme le premier tome d’une saga de fantaisie ou de fantastique médiéval qui doit en comporter trois. Le lecteur est plongé dans un univers étrange, très dépaysant et particulièrement sombre. Influencé comme tant d’autres par l’immense Tolkien, l’auteur a su se créer un monde bien à lui mais si inquiétant et si inhospitalier que le lecteur a un peu de peine à s’y sentir à l’aise. Ambiance glauque, cruauté pour ne pas dire sadisme, situations angoissantes, batailles, combats, tortures, rien ne manque à l’appel. Les personnages aux caractères tranchés, rudes gaillards, francs coquins et sinistres ordures abondent. Ils sont d’ailleurs si nombreux qu’il faut parfois aller consulter un « Qui est qui » (« Who’s who) de quatre pages en fin de volume pour s’y retrouver. Même chose pour tous les néologismes, concepts imaginaires, pratiques étranges et autres monstres et chimères qui sont également décrits dans un « Glossaire du monde des Kerns » fort utile. L’intrigue est simple et efficace. Le style est bon et souvent recherché. Pourtant l’ensemble manque de rythme non à cause d’interminables descriptions mais en raison de la structure même du récit et de la manière assez originale de présenter les évènements. A chaque chapitre (il y en a 74 !), on change de narrateur et tous utilisent la première personne du singulier, ce qui présente l’action sous plusieurs angles, entraine des répétitions et souvent gène la compréhension. Le lecteur doit faire un effort d’adaptation pour se retrouver dans cette histoire pleine de magie, de sorcellerie, de rêves éveillés et autres voyages oniriques. Tous ces héros déchus meurent et revivent, sont empoisonnés et se désintoxiquent, passent d’une dimension à une autre, lévitent, volent et se rechargent en énergie par des moyens surnaturels. Il y a de quoi être déboussolé et même bluffé. A noter : un très beau travail de présentation de la part des Editions de L’Homme Sans Nom, graphisme de qualité, typographie très soignée (les polices de caractères changent en fonction des personnages) et cartes à l’ancienne. A réserver aux amateurs du genre qui devraient en apprécier l’originalité et la noirceur. Ames sensibles et cartésiens s’abstenir.
3,5/5
Les Kerns de l’oubli / L’exil (Feldrik Rivat)