Nina Gary, le nom de la narratrice de ce joli roman, est le pseudonyme choisi par Rachel Khan pour sa carrière d’actrice (elle figure notamment au générique de la série « Dix pour cent »). Mais il ne va pas être question de cinéma ici. Nina va plutôt s’attacher à nous raconter sa vie d’avant. Celle d’une fille qui grandit dans une petite maison du 20e arrondissement à Paris, au sein d’une tribu hétéroclite : «Donc, on vit à trois générations sous le même toit, ce qui est un vrai modèle de développement durable. On est une famille responsable et rassurante parce que, chez nous, on trouve toujours plus vieux que soi, ou plus petit, ou plus blanc, ou plus noir. Excepté pour ceux qui sont aux extrémités, comme mon père qui est le plus noir, ou comme Yoram qui a la peau et les cheveux blancs et qui est aussi le plus vieux. Mon frère et moi, on est bien planqués au milieu.»
À l’âge où il faut se construire un avenir, elle choisit d’explorer le passé, de comprendre quel a été la succession de hasards qui ont conduit un Africain depuis sa Gambie natale à croiser une Polonaise, quasi seule rescapée de la famille prise dans les tourments de la solution finale.
«Ma mère m’a faite noire pour que je m’en sorte toujours, pour que ma cachette à moi, ce soit la couleur de ma peau. Mon père m’a faite blanche pour que je n’aie pas à prendre le bateau à fond de cale et que j’aie des papiers en règle. Je n’ose pas leur dire que je n’ai rien à voir avec leurs histoires…»
Les rêves de France métissée et fraternelle de ses parents se heurtent à une réalité beaucoup moins rose. Nina va devoir se confronter au racisme et mettre un terme à ses rêves de devenir danseuse et à l’antisémitisme et oublier sa carrière universitaire. Car si on enseigne le droit à Assas, on y distille aussi un fiel nauséabond.
Fort heureusement, il y a Dorothée, étudiante sportive qui va l’entraîner au stade. Dès le premier entrainement, son potentiel est détecté. Elle choisit alors de s’inscrire dans un club d’athlétisme. Une belle école de la vie : «En athlétisme, ce n’est jamais fini. Il faut toujours faire plus, passer à une autre étape, puis encore à une autre. Il y a la saison d’hiver puis la saison d’été, les championnats départementaux, puis les régionaux, les interrégionaux, les championnats de France, les championnats d’Europe, puis les championnats du monde et les jeux Olympiques.»
Où s’arrêtera Nina ? Elle aurait pu baisser les bras après un épisode traumatisant dans les vestiaires, lorsqu’elle croise des lanceurs de marteau éméchés. Elle aurait aussi pu arrêter les frais après une blessure. Mais les blessures et les bleus à l’âme n’auront pas raison de sa volonté. D’autant qu’elle croise Karim et qu’elle va choisir de l’aimer, histoire d’ajouter un musulman au sein de la tribu.
C’est avec un réel plaisir que l’on suit Nina qui ira même, petit clin d’œil à Olivier Bourdeaut, à se prendre pour Nina Simone et entonner «My Baby Just Cares For Me» tout au long de ce sprint glorieux, sorte de rite de passage.
«Mon père me regarde. « Il y a les grandes et il y a les petites choses » me dit-il doucement, comme à chaque étape décisive de notre vie.»
Ma collection de livres
Étiquettes : Antisémitisme, Athlétisme, Gambie, paris, pologne, Racisme, shoah