Au début de l’autre siècle, vit à Wieshalle Max Schulz, fils de la très grosse Minna Schulz qui travaille comme servante dans la maison du fourreur juif Abramowitz. Il s’estime aryen pur souche du côté de sa mère. Et il a cinq pères potentiels un boucher, un serrurier, un apprenti maçon, un cocher et un majordome qui semblent tous aryens de manière irréfutable. Pourtant Max n’est pas blond aux yeux bleus, mais brun aux yeux noirs de grenouille et est doté d’un nez busqué de surcroit. Dans la maison voisine, celle de Chaïm Finkelstein, coiffeur juif propriétaire du salon le plus réputé de la ville, nait deux minutes et 22 secondes après lui son fils Itzig qui est circoncis huit jours plus tard, le 23 mai 1907. Minna tente d’en faire autant à Max, mais celui-ci ne se laisse pas faire. Il se débat comme un beau diable pour ne pas abandonner le plus petit morceau de prépuce. Mais bientôt Minna est renvoyée par son patron qui estime que cinq amants pour une seule femme, même de composition robuste, cela fait trop désordre. Ne sachant où aller, elle s’installe avec Max chez Slavitsky, le coiffeur concurrent du salon Finkelstein, mais en nettement moins chic. Max devient ami d’Itzig, intelligent, blond aux yeux bleus et nez parfaitement droit. Il l’imite en tout au point d’apprendre à parler yiddish, à chanter avec lui à la synagogue et même à faire partie de l’équipe de football juive de la ville. Mais l’arrivée d’un dictateur moustachu va changer toute la donne…
« Le nazi et le barbier » est un roman picaresque et drolatique sur un thème particulièrement douloureux, celui de la Shoah, celui de la destruction des Juifs d’Europe et de leur émigration vers la Palestine après guerre. L’auteur nous présente un anti-héros, presque un monstre « sympathique » qui semble pris dans des évènements sur lesquels il n’a aucune prise et qui fait en toutes circonstances tout ce qu’on lui dit de faire, même les pires horreurs. C’est aussi et surtout une sorte de crétin, d’imbécile heureux qui passe miraculeusement à travers toutes les gouttes des averses les plus denses. SS sans pitié qui ne sait même pas combien de Juifs il a trucidé, il se reconvertit en patriote juif membre de premier plan de la Haganah et se met à zigouiller presque autant de Britanniques pour libérer son pays d’adoption. Le barbier allemand se mue sans problème en barbier juif et même en héros du sionisme sans aucun problème jusqu’au jour où… (Mais ne déflorons pas la fin de cette histoire surprenante quoiqu’un brin invraisemblable). Le style est très vivant grâce à un langage parlé et de nombreux dialogues. Dans la première partie, le lecteur est embarqué dans un récit plein d’humour, de dérision et de truculence. Cela ralentit nettement dans la seconde. Avec l’arrivée en Palestine, plus de rigolade, de pastiche, de second degré, mais nettement plus de réflexion et de sérieux. Une fin en pirouette philosophique, précédée d’une autre plus psychologique rattrape le tout. Comme quoi on peut rire de tout, même des histoires les plus dramatiques. L’humour peut très bien amener à la réflexion.
4/5
Détails sur Le nazi et le barbier (Edgar Hilsenrath)
Auteur : Edgar Hilsenrath
Editeur : Points
Nombre de pages : 490
Format : 11X15
Isbn : 9782757828533