Une nouvelle collection est parue aux Editions Prisma,« Prisma Noir, le souffle des polars d’ailleurs ». Trois romans font déjà partie de cette nouvelle collection, dont « Le lapin Blanc » de Nino Treusch.
Je ne manquerai pas de vous parler prochainement des deux autres romans; « La trahison de Rembrandt », de la britannique Alex Connor et « La vierge africaine », de HelleVincentz.
Les Editions Prisma sont spécialisés dans les ouvrages ayant pour thème la découverte, les voyages, à l’image de Géo ou encore National Géographic. Ces noms doivent certainement vous dire quelque chose. Avec cette nouvelle collection Prisma Noir, nous allons donc continuer à voyager, mais dans un tout autre registre; des excursions angoissantes, des périples inquiétants, sinistres et sombres.
En lisant Le lapin blanc, quelques questions s’imposent assez rapidement. Jusqu’où pouvons-nous nous permettre d’aller pour gagner ou garder un marché? Quelle barrière ne faudrait-il surtout pas franchir pour éviter de déraper au niveau éthique; quel palier vaut-il mieux éviter d’atteindre à moins de vouloir mettre sciemment des vies humaines en danger. Et surtout, à partir de quel moment est-il finalement trop tard pour faire marche arrière?
Nino Treusch répond à toutes ces questions dans ce thriller technologique effrayant dont le dénominateur commun est le téléphone portable. Un sujet qu’il maîtrise plutôt bien étant donné qu’il oeuvre dans cette branche en tant que dirigeant dans le secteur de la téléphonie mobile. Une question demeure tout de même sans réponse; quelle est la part de fiction et la part de réalité? Personne – même lui – ne peut répondre à cette question et c’est bien cela qui est alarmant dans ce livre!
L’auteur met en scène Jan Tes, 37 ans, marié, deux enfants. Belle maison, sympathiques voisins, et même un chien… Que demander de plus? Un homme heureux, épanoui, mais totalement insatisfait au niveau professionnel. Oeuvrant dans le domaine bancaire, Jan décide de tout lâcher et de se reconvertir, étant passablement déçu par ce domaine qui ne lui donne pas assez face à l’énergie qu’il déploie pour son job.
Aisé mais paradoxalement pauvre au niveau de sa satisfaction personnelle, il décide de prendre une toute autre direction. Être écrivain aurait été son rêve; mais maîtriser cet art n’est pas donné à tout le monde, malheureusement!
Jan quitte Milan, l’Italie, pour se rendre définitivement en Allemagne pour son nouveau job au sein d’une multinationale de téléphonie mobile. Par la même occasion, il renoue contact avec un vieil ami vivant à Munich, Andreas Weber, qui est chercheur et spécialiste dans le domaine des ondes électromagnétiques.
Une entrée en matière plutôt impersonnelle pour son nouveau boulot; accueil froid, aucune humanité, protocoles sur protocoles. Imaginez par-exemple que vous recevez unemail d’un gars qui se trouve dans le bureau juste à côté du votre… Aberrant? En y réfléchissant bien, je crois que c’est assez courant, finalement…
Notre homme va être quelque peu déstabilisé lorsqu’il captera un soir, peu avant une conférence, quelques mots échangés entre le directeur financier et le directeur général:« j’ai reçu le dernier rapport. Ils ont compris, maintenant! Ils savent qu’ils vont tous mourir. »
Parallèlement, nous sommes témoins d’un suicide en Inde; un jeune homme, Kumar, qui travaillait dans l’électronique.
Et c’est justement à Bombay que Yan Tes est envoyé dès son entrée en service. Sa mission, restructurer la filiale indienne; en d’autres termes, licencier plusieurs centaines de personnes qui bossent dans un secteur qui n’est plus assez rentable. Belle première mission…
L’auteur nous donne l’occasion de faire une petite visite de Bombay, ville aux nombreuses controverses; pauvreté, femmes humiliées et mise de côté, hôtels de luxe, bars et palaces, pollution et mendicité, restaurants chics et belle vie, pour certains. Notre personnage va évidemment en profiter, accompagné et guidé par Nigam, le patron de la succursale indienne de la boîte. Première nuit très mouvementée; Jan fait rapidement connaissance avec les us et coutumes locales, et pas des plus élogieuses! Entre remords, mauvaise conscience ou abandon des bonnes manières, le pas est vite franchi. L’ambiance de la rue à Bombay, ce n’est pas franchement la joie! Une agglomération de presque 22 millions d’habitants, il y a de quoi trouver quelques embrouilles…
Lors de la restructuration de la filiale indienne et la fermeture du centre de développement, Yan apprendra quelques vérités dures à encaisser. A partir de ce moment-là, il va se retrouver – bien malgré lui – au centre d’une machination qui semble être en cours de route depuis bien longtemps; une manoeuvre qui le dépasse et qui va l’emmener vers une direction plus que dangereuse.
Prenant sa mission très au sérieux, voulant prendre ses responsabilités jusqu’au bout, Jan veut savoir ce qui se passe réellement. Un peu de naïveté, quelques actions que lui-même n’aurait pas pensé être capable de faire, mais aussi quelques gaffes de sa part vont sérieusement le mettre en danger de mort.
Comme je vous l’ai dit au début, on voyage beaucoup. De l’Europe, à l’Inde en passant par la Chine; bienvenue dans le monde impitoyable du téléphone portable! L’auteur, qui travaille dans ce secteur, nous transmet son expérience et son savoir par le biais de ce roman dur, d’un froid clinique à vous glacer le sang par sa trame scientifique.
Une écriture mordante, appuyée, c’est droit au but. Chapitres courts, efficaces et sans fioritures inutiles. Le lecteur est poussé dans une pente raide et roulera sans pouvoir s’arrêter. L’auteur nous permet d’entrer dans l’antre d’une multinationale où tous les coups semblent être permis. Quelques personnes vont recevoir un magistral retour dans la gueule; lorsqu’on joue avec la vie des gens en tout impunité, forcément, il y a des risques.
Jusqu’où peut-on aller pour vérifier des faits scientifiques? Quel en est le risque? A qui profite ce risque? Cette dernière question est primordiale. Intérêts politiques, technologiques, développements, progrès, évolutions. Finalement, nous déambulons dans un monde de faux-culs où les intérêts en général mènent la danse, il n’y a pas photo. Tout cela va devenir un peu compliqué pour un seul homme qui, dès le départ, a un pied dans la tombe…
Nino Treusch a choisi une excellente trame pour son roman. Scientifiquement parlant, ses propos sont passablement inquiétants. Bien que romancé, le sujet suscite bien des débats, même à l’heure actuelle. La problématique des ondes électromagnétiques néfastes émanant des portables est un sujet qui n’est de loin pas clos. Bien malin celui qui est capable d’affirmer où nous en sommes au niveau scientifique.
L’auteur en a fait un roman; mythe ou réalité?
Et au fait, où est le lapin blanc dans tout cela? Vous verrez bien…
Bonne lecture. Et évitez de m’appeler sur mon portable pour le moment, je suis aux abonnés absents…
Détails sur « Le lapin blanc », de Nino Treusch – absolument inquiétant!
Isbn : 2810402426