Blog: Passion-romans
Tout d’abord, merci à mon ami Jacques Teissier pour sa confiance et ainsi d’avoir accepté de me compter parmi les chroniqueurs de « Un polar« . Je vous invite d’ailleurs à visiter et découvrir ce site « blog » qui regroupe une dizaine de chroniqueurs de romans policiers, principalement, avec des articles d’une grande qualité, objectivité et pertinence.
Je le remercie aussi pour m’avoir procuré, par le biais de son roman, cette sensation que j’ai lorsque je lis un bon polar, plus vrai que nature, un polar qui me prend aux tripes! Et je peux franchement affirmer que c’est plutôt rare…
« Le cauchemar de Spinoza » m’a donné cette émotion et cela va être dur pour moi de le commenter. Plus l’oeuvre me touche, moins je trouve les mots pour la décrire. Allez savoir pourquoi…
Le cauchemar de Spinoza… Comme vous le savez peut-être, ou pas, Baruch Spinoza est un philosophe néerlandais influent né en 1632. Je stoppe déjà ici la biographie de ce personnage plein d’idées car Spinoza c’est surtout le surnom du capitaine David Kellerman qui vient d’intégrer la police criminelle de Montpellier. Et oui, chaque membre de la brigade a hérité d’un surnom qui lui est propre. Comme pour sa coéquipière esseulée Agnès Deutsch qui porte fièrement son sobriquet la Diva.
Le premier point que je vais relever concerne les personnages. Celles et ceux qui suivent mes chroniques remarqueront que j’attache une importance particulière pour cet aspect-là. Jacques Teissier m’a remarquablement bluffé par la profondeur, le côté réel, vivant et touchant des personnages de ce polar. A commencer par le capitaine David Kellerman – Spinoza – le narrateur principal. Je dis principal car une partie de l’oeuvre est exposée directement par les propos de Spinoza mais elle est aussi racontée de l’extérieur, avec un narrateur dit observateur. Dès lors, plusieurs points de vue s’offrent au lecteur.
David Kellerman est un flic tourmenté, poursuivi par des démons incontrôlables. Toujours le même cauchemar, chaque nuit, depuis de longues années. Toujours cette scène de violence, le corps d’une jeune femme découpé, les morceaux éparpillés un peu partout, toujours dans le même ordre. La tête posée sur une table semble le regarder. Pourquoi ce cauchemar récurrent, répétitif? David cherche des réponses en suivant des thérapies, mais n’arrive pas à définir quelle est la source de ce qui le hante depuis si longtemps. Où faut-il aller chercher?
Son ancienne compagne, jeune étudiante à l’époque où David était encore professeur de philosophie, s’est suicidée après leur rupture et cet évènement s’accroche à lui en permanence, comme une sangsue, et ne le quitte plus. La dépression lui tombe dessus comme un rhinocéros lâché du haut des 76 mètres de la cathédrale de Fribourg. Il porte cette mort sur la conscience, évidemment. Un homme devenu bien seul par la force des choses et salement perturbé par son passé, avec sa part d’inconscience. Mais c’est aussi un flic intelligent, malin, perspicace et adroit.
Je ne vais pas vous présenter chaque personnages de ce roman, ce n’est pas le but, mais je dois admettre que l’auteur a su leur donner à tous un caractère, une image, une sensibilité et une finesse incomparables. A l’image de la coéquipière de Spinoza, la Diva – Agnès Deutsch, qui porte lourdement sur ses épaules les séquelles d’une affreuse agression sexuelle ainsi que sa solitude qu’elle doit affronter chaque jour lorsqu’elle quitte son boulot.
Jacques Teissier nous emporte brillamment dans l’intimité des personnages, dans leurs secrets et leurs douleurs. On s’y accroche et peut-être même qu’on s’y identifie… L’auteur relate le passé de certains protagonistes de l’histoire à des moments bien choisis, ce qui permet au lecteur de les connaître un peu plus et de les suivre plus intensément.
Le second point que je veux mettre en évidence, c’est la précision et la qualité de l’enquête de police. Là Jacques, tu m’as totalement impressionné. Nous nous retrouvons rapidement dans l’action avec ce meurtre de Louis Gallach, dirigeant influent d’une entreprise de Travaux Publics. Homme puissant avec des appuis politiques solides qui ne s’est pas fait que des amis. Un homme mauvais, sadique et dur en affaire qui a été empoisonné puis étranglé. Les ennemis ne manquent pas, autant dans le milieu professionnel que dans le cadre familial. Louis Gallach avait également des penchants plus que douteux.
Les premières mesures prises par Spinoza et son équipe sont précises, logiques et justes. Au niveau purement technique, l’auteur nous en met plein la vue! Les interrogatoires sont pertinents, adroits, subtiles et bien conduits. Le hasard n’a rien à faire dans cette enquête et c’est brillant. Les moyens scientifiques utilisés sont rigoureusement bien présentés et expliqués d’une manière professionnelle, ce qui manque d’ailleurs dans bien des polars. Les moyens de preuves et les indices recueillis sont judicieux, appropriés et donnent ainsi une constance et un suivi logique dans l’enquête. Les pièces s’assemblent, le puzzle se construit petit à petit avec cohérence, avec méthode et sans laisser une seule place aux coïncidences. Les coïncidences sont présentes dans les mauvais romans policier lorsque l’auteur ne sait plus comment faire pour se dépatouiller! Jacques Teissier semble bien documenté sur le sujet…
Soit dit en passant, l’auteur ne semble pas s’être documenté que sur les procédures policières. Dans le cadre de l’enquête de Spinoza sur l’empoisonnement de Louis Gallach, nous avons droit à une présentation précise, drastique et minutieuse sur la botanique! Ou alors Jacques Teissier aurait-il simplement la main verte?
Je reviens sur l’histoire qui va prendre une toute autre dimension. Alors que Spinoza continue son enquête difficile sur l’assassinat de Gallach, il va découvrir dans son appartement le corps de sa jeune voisine de palier qui s’occupait de nourrir Lilith – son chat – durant son absence. L’adolescente est retrouvée éparpillée sur le sol, en morceaux, la tête posée sur la table de la cuisine. Le cauchemar de Spinoza.
Prémonition? David Kellerman n’y crois pas une seule seconde. Ce deuxième assassinat va l’amener à fouiller dans son passé, sa famille, son enfance et ce qu’il va découvrir pourrait bien ébranler le cours de sa vie. Est-ce qu’un évènement dur, marquant et traumatisant pourrait revenir sans prévenir comme un cauchemar?
J’ai apprécié l’écriture de Jacques Teissier, que je qualifie de fluide et sans accrocs. Par sa plume bien acérée, il garde le lecteur dans une tension passablement soutenue et l’accompagne sans ménagement vers un aboutissement intolérable où il en profite pour nous achever. Quelques touches d’humour tout de même, toujours subtiles et bien placées.
« … Ses yeux verts me semblèrent assez grands et profonds pour y faire un double saut périlleux carpé avec vrilles et y rester en apnée pendant plusieurs minutes. »
Les évènements se déroulent dans la région du Languedoc, respectivement à Montpellier et ses alentours. Jacques Teissier nous décrit les endroits avec moult détails croustillants, ce qui donne au lecteur la possibilité de se créer une image parfaite des coins, recoins, rues et paysage de l’environnement de l’intrigue. Ah les Cévennes, Jacques… Tu les aimes non…? Pas besoin de répondre, cela se remarque lorsque tu décris ce chemin caillouteux qui mène péniblement vers un col que tu sembles bien connaître… avec au bout une magnifique petite maison isolée. Bonne lecture…
« Le cauchemar de Spinoza », de Jacques TeissierÉtiquettes : Cauchemar de Spinoza, Jacques Teissier