« La vérité sur l’affaire Harry Quebert », de Joël Dicker

Critique de le 17 décembre 2012

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (23 votes, moyenne: 4,39 / 5)
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Roman

Un très bon livre, une puissante histoire, une solide maîtrise de style et d’écriture; c’est certain. Un chef-d’oeuvre, voir un best-seller, à voir. Un tel battage médiatique suite à la sortie de ce roman, je trouve cela quand même un peu excessif. J’ai lu tant de puissants bouquins de « petits » auteurs qui mériteraient tellement que les projecteurs se tournent un peu vers eux afin de mettre en lumière le travail qu’ils ont entrepris.

Mais ce rayon qui pourrait les mettre un peu plus en avant est-il réservé à une certaine élite? Et c’est basé sur quoi au juste? C’est bien là la question que je me pose. Ce projecteur mériterait d’être dégrippé un peu pour qu’il puisse pivoter plus facilement sur lui-même et ainsi éclairer davantage d’écrivains.

Mais à présent attention, tout ce que je viens de dire n’est évidemment pas à interpréter d’une manière trop hâtive et ainsi penser que ce roman ne mérite pas le succès qu’il a engendré; ce livre est vraiment bon, c’est incontestable, et tout particulièrement pour son dénouement; j’y reviendrai d’ailleurs. Quel dilemme d’effectuer cette chronique! J’ai apprécié, vraiment bluffant, mais tout en gardant une certaine réserve. Et je n’arrive pas vraiment à la déceler précisément, cette contrariété. Peut-être le rythme qui s’essouffle à un certain moment de la lecture. C’est du moins ce que j’ai ressenti.

Quelle est cette histoire…

1975, ville d’Aurora, dans le New-Hampshire, Nola Kellergan, 15 ans, disparaît sans presque laisser de trace.

2008, Markus Goldman, 30 ans, écrivain, savoure sa célébrité après avoir sorti un roman à succès; un best-seller que tout le monde s’arrache. Mais voilà, la célébrité est éphémère et si elle n’est plus alimentée, elle meurt, elle disparaît et vous écrase au moment même où vous êtes le plus vulnérable. Cet homme va en faire les frais et une page va s’éterniser longtemps devant ses yeux, alors qu’il s’apprête à écrire son deuxième roman. Une page abominablement dure à contempler; une page continuellement blanche.

Markus Goldman n’a plus d’inspiration, les idées lui manquent, le feu sacré le lâche, sa maison d’édition menace également de le lâcher s’il ne sort pas un bouquin dans les six mois. Désespéré, il se tourne alors vers son maître qui lui a tout appris de l’art d’écrire – mais aussi de l’art de la vie – le professeur Harry Quebert, son ancien professeur d’Université qui vit à Aurora, une petite ville située au nord des États-Unis.

Un solide point commun relie ces deux hommes; Harry Quebert a également connu son heure de gloire dans le passé, en sortant un puissant best-seller, un chef-d’oeuvre qui a secoué l’Amérique par sa perfection et sa beauté, un roman intitulé « Les origines du mal« .

Markus va passer un mois chez son vieil ami qui va tenter de le motiver, de le secouer pour que son inspiration totalement noyé refasse enfin surface. Un jour, alors qu’Harry se trouve à l’Université, Markus, peut-être un peu trop curieux, va tomber sur un lourd secret que son ami garde depuis bien longtemps.

Markus retourne à New-York et le drame survient quelques temps après; le monde entier apprend par la presse que le vieux et célèbre Harry Quebert vient d’être arrêté pour un odieux crime commis il y a plus de 30 ans. Le reste d’un corps est retrouvé enterré dans son jardin; celui de Nola Kellergan, âgée de 15 ans lors des faits. Plusieurs éléments à charge l’accablent méchamment, à l’image du manuscrit de son roman « Les origines du mal » qui est découvert à côté du corps de la petite Kellergan.

Markus Goldman, consterné et choqué, ne crois pas à la culpabilité de son vieil ami, ne peut pas y croire. Poussé par l’amitié et la confiance totale qu’il accorde à cet homme à présent démoli, Markus Goldman va s’installer dans cette petite ville d’Aurora et reprendre l’enquête sur la disparition et l’assassinat de cette jeune fille en 1975. L’écrivain va nous emmener avec lui pour décortiquer le passé, le comprendre et peut-être pouvoir changer le cours des choses. Pas à pas, il va devoir remuer des épisodes qui n’ont plus bougés depuis des dizaines d’années, à plaire ou à déplaire.

Markus Goldman, pressé par son éditeur newyorkais, va faire encore un peu mieux que ça, soit de coucher sur papier le déroulement de son enquête qui deviendra – l’espère-t-il – toute la vérité sur l’affaire Harry Quebert. L’écrivain va devoir faire face à une petite ville tranquille où souffle tout de même un vent de non-dits, de honte, de jalousie ou encore de haine.

Mais paradoxalement, il va être amené à interroger des personnes que nous aurions soupçonné être plutôt coriaces, ne donnant pas facilement le renseignement. Étant adepte de polars, c’est sur ce point que je reconnais être quelque peu déçu. Joël Dicker a grandement facilité le travail d’enquêteur de Markus Goldman en le plaçant face à des personnages pas spécialement durs à cuir. Bon, on va dire que c’est tant mieux pour lui… Il faut avouer qu’il est écrivain et non flic.

Néanmoins, notre homme absolument déterminé et têtu va faire preuve d’une analyse plutôt pointue et efficace pour avancer dans ce passé pas si simple. Markus Goldman va déranger, et lorsqu’on dérange, ça bouge et forcément ça avance. Un bulldozer notre Markus!

Joël Dicker m’a offert deux choses dans ce roman qui me sont particulièrement chères au niveau de l’écriture et de la structure.

Tout d’abord la grande dextérité dont il fait preuve pour faire voyager le lecteur à travers le temps. Ce périple temporel est accompli avec une grande adresse ainsi qu’une solide maîtrise. Entre passé et présent, Joël Dicker nous transbahute entre deux époques en nous larguant bien des fois; attention je n’ai pas dit lâcher, mais larguer. Il a cette capacité d’assembler, de bâtir et de monter un édifice tel un architecte consciencieux et méticuleux, pour ensuite endosser le rôle d’un démolisseur et ainsi déconstruire tout ce qu’il avait érigé, pour finalement repartir sur une nouvelle construction. Et nous lecteurs, bien évidemment, on le suit les yeux fermés.

Cela s’appelle bien sûr des rebondissements et Joël Dicker nous en offre une très grande quantité sur la dernière partie du roman. Une accélération qui était pour moi essentielle pour éviter un « stand-by » qui commençait à m’engourdir les jambes. Mais finalement, à sa décharge, je n’ai pas vraiment eu le temps de piétiner très longtemps car lorsque l’auteur accélère, il ne le fait pas dans la demi-mesure! Le rythme va s’accrocher dans un solide engrenage qui ne va plus s’arrêter de tourner. Tel un bon vieux moteur Diesel, fallait juste être patient.

Pour celles et ceux qui voudraient jouer au Sherlock Holmes en lisant cette oeuvre, je vous dis tout simplement bonne chance, Dicker sera bien plus fort que vous sur ce coup-là. Sur le dénouement, l’auteur nous largue totalement, nous plante sans état d’âme dans de la glu et nous le voyons se retourner vers nous pour nous conter ce final époustouflant, alors que nous tentons encore de ramper hors de cette colle qui nous a empêcher d’avancer, de le rattraper et d’y voir plus clair.

Il nous a pourtant placé quelques jalons en cours de route, difficilement perceptibles, c’est vrai, mais qui auraient pu nous aiguiller la moindre. Le problème, c’est que ce subtile balisage est là autant pour nous faire avancer que pour nous dérouter.

La seconde chose qui m’a particulièrement marquée – et d’ailleurs je me suis souvent demandé ce que cela pourrait donner comme résultat – c’est la structure de ce livre. Joël Dicker écrit un roman sur un écrivain, Markus Goldman, qui lui-même écrit un roman, ici, sur l’affaire Harry Quebert; tiens, un écrivain… Pour ma part, j’adhère totalement à cette « magie » du roman dans le roman, cela donne une dimension déconcertante, une atmosphère étourdissante.

Sur ce point-là, l’auteur mérite le respect car j’imagine qu’il a certainement dû suivre un plan drastique pour ces enchaînements d’évènements qui se déroulent à différentes époques. Nous sommes bousculés à gauche et à droite, avec pas mal de finesse, sans jamais nous perdre un seul instant; ou plutôt l’auteur nous déplace précisément là où il a choisi de nous planter. C’est finalement un peu se perdre, d’accord…

C’est un livre que vous apprécierez, je pense, également pour ces personnages. Joël Dicker, généreux, n’a épargné personne et un bon nombre d’entre eux – voir tous – sont d’une solide densité. Des personnages secondaires qui ne le sont plus vraiment sous la plume de Dicker, car il a réussi ce tour de force pas si simple – après coup je me demande encore comment il est arrivé à faire ça! – de leur attribuer à chacun une âme considérable et intense.

Des personnages évoluant en 1975 et que nous retrouvons bien sûr de nos jours, toujours dans cette petite ville d’Aurora. Une Amérique que Joël Dicker a su décrypter avec brio, celle de l’époque et celle de nos jours. Car l’Amérique a bougé en plus de 30 ans et l’auteur a su nous transmettre les valeurs, les spécificités qui caractérisaient celle de hier, puis celle d’aujourd’hui.

Encore un petit clin d’oeil à un personnage intriguant, attachant et agaçant à la fois; la petite Nola Kellergan, la victime. Tout gravite autour de cette fille que vous aurez beaucoup de mal à cerner, c’est certain, et l’auteur ne va pas vraiment vous aider pour y voir plus clair. Ce personnage troublant va immanquablement chambouler votre perception, jouer avec vos nerfs – vous charmer?- et vous remettre sans arrêt en question. Qui est-elle vraiment? Et surtout que s’est-il vraiment passé ce samedi 30 août 1975?

Finalement, cette contrariété que j’évoquais n’a  pas l’air si intense que ça. Je vais même cessé de tenter de l’identifier. C’est une belle histoire, bien racontée, avec des personnages magnifiques et un dénouement franchement impeccable et bluffant… (Je me vois encore couché dans la glu avec un bras désespérément levé vers Dicker qui me nargue, les doigts dans le nez, avec sa puissance de feu qu’il a utilisée pour l’apothéose de son histoire!)

Pour conclure sur une très belle note, un détail qui n’a pas le droit d’être négligé, c’est la magnificence de chaque début de chapitre, cette magie, cette complicité qui s’opère entre deux écrivains, celui qui apprend et celui qui enseigne, qui transmet son savoir. Chaque début de chapitre est un conseil offert à Markus Goldman par son maître Harry Quebert sur l’art d’écrire, l’art de développer un roman.

A chaque fois une petite parenthèse qui s’ouvre pour eux, et peut-être pour nous… Et ces conseils, ces recommandations d’auteur, par égoïsme, nous aurions presque envie de les prendre pour nous, lecteurs, afin de pouvoir rêver et nous dire qu’un jour, peut-être, c’est nous qui profiterons de ces magnifiques astuces pour écrire un roman. C’est beau de rêver, et en plus cela tombe bien, c’est permis!

Bonne lecture.

« La vérité sur l’affaire Harry Quebert », de Joël Dicker

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Un commentaire pour “« La vérité sur l’affaire Harry Quebert », de Joël Dicker”

  1. avatar Boschetto dit :

    Je suis à la deuxième page et ce qui m’a sidéré c’est l’absence d’utilisation du subjonctif imparfait au profit du subjonctif présent. Comment l’académie française a pu faire l’impasse ?
    C’est choquant.

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