Voilà ce que l’on pourrait appeler un roman de circonstances, car il a pour sujet de départ le débat entre les deux postulants au poste de président de la République, entre les deux tours de la présidentielle. D’un côté le président Debanel qui brigue un second mandat, porté par des sondages euphoriques alors que quelques mois plus tôt, il battait des records d’impopularité, et d’autre part son adversaire de l’opposition, dont la pugnacité, l’agressivité est presque du pain bénit pour le sortant, calme et olympien. Mais un petit grain de sable va venir enrayer la machine. Soudain, pris de panique, le Président dérape et va perdre, face à des millions de téléspectateurs, toute chance de s’assurer un second mandat. Une jeune journaliste flaire alors le scoop : « Pour la première fois de ma médiocre carrière, j’avais une intuition, un indice, et la conviction d’en avoir été l’unique témoin. J’ai tiré les fils, patiemment, jusqu’à reconstituer le puzzle. Après des mois passés à écouter tous les acteurs de cet affreux quoique jouissif naufrage, celui d’un président, en voici le récit. »
Chacun se souviendra de ces joutes et de ces petites phrases qui ont, paraît-il fait l’élection « Vous n’avez pas le monopole du cœur » assené par Giscard d’Estaing à Mitterrand ou encore le « Je vous regarde dans les yeux et je vous le répète, vous êtes un menteur » de Mitterrand face à Chirac. On pardonnera à Virginie Roels d’avoir ici forcé un peu le trait et d’avoir, tout au long du livre, ajouté quelques scènes qui tiennent plus de l’invraisemblable que de la fine analyse politique, car ce premier roman sait d’une part entretenir le suspense et d’autre part nous entraîner dans les arcanes d’un pouvoir qui exacerbe d’autant les passions que chacun sait qu’il est éphémère, qu’il y a des centaines de personnes qui lorgnent une place sous les lambris de la République.
David Joli est l’un d’eux. Il a su gravir un à un les échelons jusqu’à devenir celui un sherpa du Président, rédigeant ses discours. Ou plutôt profitant de sa double casquette de prof pour faire plancher ses élèves, sans qu’ils le sachent, sur les thèmes qu’il doit développer. Pris par le temps, il donne même tel quel le texte de l’un de ses élèves, Julien Le Dantec, au ministre qui le lui réclamait d’urgence, le président ayant choisi de modifier son emploi du temps. Ce texte, qui rend leur dignité aux ouvriers de Micelor, permet au Président de regagner des points. Au fil de ses déplacements, y compris à l’étranger, sa Plume fait des merveilles.
David Joli grimpe les échelons jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir tout en jouant avec le feu. Car Julien Le Dantec va flairer l’entourloupe.
L’enquête de la journaliste va lui permettre peu à peu de dénouer les fils d’une intrigue qui va bientôt mêler les services de renseignements, le viol d’une enfant, une filière djihadiste, et les plus hautes personnages de l’Etat dans le financement occulte de leur campagne.
Mais arrêtons-nous là pour souligner les vertus de ce roman, à commencer par celle de nous ouvrir les yeux sur ces jeux de pouvoir ou l’angélisme n’a pas cours, ou l’éthique est bafouée par l’appât du gain, ou la morale est balayée d’un revers de main pour assouvir une soif inextinguible de pouvoir. Pour un peu, je dirais que cela me rappelle bien quelqu’un…
Au moment où la France se choisit un nouveau Président, voilà en tout cas une satire qui donne à réfléchir. Bienvenue et peut-être salutaire !
La plume