On le sait, en littérature – comme en beaucoup de domaines – les Français, du quidam au critique, aiment bien ranger les auteurs dans des tiroirs. Or donc Laurent Guillaume, flic de surcroît, est un « polardeux » : il en a commis trois et en prépare un quatrième. Mako (prix VSD du Polar 2009) et Le Roi des crânes, excellents et très remarqués tant par ses pairs que par le public et, dès le 5 septembre de cette année, un troisième sera sur les tables : Doux comme la mort, à La Manufacture de livres.
Alors, par Jupiter, que vient-il s’aventurer dans l’empire de Trajan ?
Eh bien, sachez-le : pour intenses qu’ils soient, ces polars ne sont qu’amours secondes. Les premières plongèrent dans la fange de Subure, l’un des quartiers les plus malfamés de la Rome antique. Il m’avait été donné de lire – dans une vie antérieure – ce premier roman de Laurent Guillaume et j’avais été impressionné par la rigueur de la documentation non pas dans un, mais dans deux domaines : l’apogée de l’empire romain et la complexe civilisation des Goths. Car se croisent dans ce roman deux personnages aux antipodes l’un de l’autre : un jeune officier de l’armée romaine, entraîné malgré lui dans un complot contre l’empereur, et le chef à peine adulte d’une tribu « barbare », parti sur les traces de l’épée magique et fédératrice de sa horde.
La principale caractéristique du travail de Laurent Guillaume, ici, est l’utilisation prépondérante de la magie. D’ordinaire, le traitement romanesque réservé à la Rome de cette époque privilégie un cartésianisme censé expliquer la prépondérance de l’empire sur le monde connu : la rigueur des légions, l’administration des provinces, etc. Or, rien n’est plus plaqué, artificiel, projeté. Les Romains – et au-delà, leurs contemporains – étaient au contraire pétris d’occultisme et de croyances ésotériques parfaitement articulées sur des panthéons complexes qui faisaient la part belle au fabuleux, et donc aux protagonistes qui l’accompagnent : sorciers, devins, nécromanciens…
Et, à bien lire La Louve de Subure, l’épine dorsale du roman n’est pas tant Falco le Romain, ni même Andaric le Goth – qui tous deux nous entraînent dans une aventure échevelée –, mais bien Médée, l’esclave mystérieuse et envoûtante venue de Thessalie. Mais l’est-elle vraiment, esclave ? Et de qui ?
Enfin, permanence de l’œuvre de Guillaume révélée dès ce premier roman, l’épaisseur des personnages et la solidité de la construction. Car toujours chez lui, les individus sont au faîte de l’intrigue, et l’intrigue est menée tambour battant.
Notons qu’une sortie début août est peu commune, courageuse de la part de l’éditeur… mais est-on pas obligé de bronzer idiot?
La Louve de Subure, Laurent Guillaume
Critique de Nicolas Grondin le 16 août 2011
Roman
Un exploit de se lancer ainsi sans aucune publicité. Oui, c’est un bon livre!… mais il faudra que l’auteur apprenne à condenser son texte.