A Miles City (Montana), quelque part dans les grandes plaines de l’Ouest américain, le temps n’est plus à la grande ruée et aux sanglantes fusillades. Les guerres indiennes sont terminées depuis longtemps. Les trappeurs comme Bartle Bone et Jim Ragg se désolent car ils trouvent de moins en moins de castors. Les bisons ont presque tous disparu des vertes prairies et les chercheurs d’or ne trouvent plus la moindre pépite dans le sable des rivières. L’Ouest en est réduit à vivre sur son passé qui devient peu à peu légendaire surtout depuis qu’un certain William Cody, dit « Buffalo Bill »promène son incroyable cirque, le « Wild West Show », à travers tout le pays et rencontre un franc succès. Il prépare même une tournée en Angleterre qui devrait être triomphale. Dora, une agréable blonde dans la quarantaine, tient un hôtel de passe dans la ville. Elle y a recueilli Calamity Jane (de son véritable nom Martha Jane), une paumée aussi caractérielle qu’alcoolique qui s’habille en homme, vit comme un cow-boy, jure comme un charretier et commence à scandaliser les bourgeoises. Autour d’elles, transitent quelques autres personnages hauts en couleurs comme Annie Oakley, une championne de tir ou Pas-d’Oreilles, un vieux Sioux naïf et attachant.
« La ballade de Calamity Jane » est un joli roman un peu nostalgique et désenchanté sur le quotidien d’une brochette de petites gens pas très ordinaires mais plein d’humanité. Le lecteur ne devra y chercher ni le souffle de l’épopée des grands livres racontant la Conquête de l’Ouest ni l’esprit pionnier et aventurier des westerns des années cinquante mais plutôt une forme de blues et de compassion très réaliste, un regard tendre sur un rêve brisé, une époque révolue, une vie jadis exaltante tombée dans la banalité, la sécurité et une certaine forme d’ennui. Beaucoup de personnages et même de héros sont âgés, fatigués, usés. Les femmes n’ont que peu de perspectives dans cet environnement particulier : prostituées ou fermières se tuant au travail et mères de familles nombreuses risquant de mourir à chaque accouchement. Malgré les lettres qu’elle ne cesse d’envoyer à sa fille, Calamity Jane n’est pas tout à fait ce qu’elle fait croire qu’elle est et pas non plus vraiment le personnage principal de ce livre dont le titre original était « Buffalo Girls », c’est à dire « Les filles de Buffalo », ce qui avait le mérite d’être plus clair. Il n’en demeure pas moins que cet ouvrage très agréable à lire est passionnant et fort bien écrit, l’auteur ayant d’ailleurs obtenu un prix Pulitzer pour « Lonesome Dove ». Une référence.
4/5
La ballade de Calamity Jane (Larry McMurtry)