Blog: Passion-romans
Décembre 1992. Braquage d’anthologie à la Banque de France. 146 millions de francs sont dérobés. Dix-huit ans après, l’essentiel du butin reste introuvable.
« Le hasard, qui sait parfois être bon avec les romanciers, m’a fait rencontrer deux hommes: Marc et Manu. De leur histoire hors du commun, j’ai tiré ce récit. Il m’a transporté dans le monde des braqueurs, dont je connais les pensées et le mode de vie. En revanche, je ne m’étais jamais, jusque-là, placé du côté des victimes. Ce fut pour moi un bouleversement. En choisissant, pour narrer cette histoire, de croiser les regards de Manu, vigile pris en otage lors d’un casse, et de Marc, cerveau présumé du hold-up, j’ai voulu montrer qu’il n’existe pas une vérité et une seule. Je tenais à les remercier pour leurs témoignage. » Jean-Claude Kella.
Note sur l’auteur
Originaire du Mourillon à Toulon, Jean-Claude Kella, surnommé « Le Diable », a suivi l’ascension classique du petit délinquant (casses, prison pour mineurs, braquages…) avant de monter sur Paris et de rejoindre le Milieu (French Connection). En 2009, est paru son livre de souvenirs, « L’Affranchi », aux éditions du Toucan.
Mon entretien avec Jean-Claude Kella, c’est ici
Le récit
Jean-Claude Kella, ancien braqueur, nous emmène dans le monde du grand banditisme en nous rapportant des faits survenus en décembre 1992, soit l’impressionnant braquage de la Banque de France, à Toulon. Professionnalisme, minutie, casse perpétré avec soin, avec rigueur, sans omettre (presque) aucun détail, du travail de précision. Peut-on dire brillant? C’est juste une question…
L’auteur, pour nous raconter cette attaque, a décidé de réunir les témoignages de deux protagonistes, Manu, vigile à la Banque de France, pris en otage lors des faits, et Marc, le cerveau du braquage, le preneur d’otage. Le lecteur aura donc droit à deux visions différentes de ce fait divers tout de même bouleversant, celle de la victime et celle du braqueur. Nous serons, tout au long de ce récit, balancés entre les mains de ces deux personnages, leurs émotions respectives, leurs façons de vivre cet évènement, et je dois reconnaître que Jean-Claude Kella nous présente cette « méthode » d’écriture avec brio, clarté et encore une fois, émotions.
Le récit se lit évidemment d’une traite. La tension est quasi permanente et l’auteur ne nous laisse franchement aucun répit. Balloté entre victime et auteur du casse, le lecteur n’a pas le choix de subir un suspense constant, avec des faits parfois durs à encaisser, mais il faut admettre que lorsque nous nous lançons dans un tel récit, nous en assumons les risques et les conséquences. Je me suis senti totalement emporté et plongé dans cet antre du grand banditisme, tellement les personnages que Jean-Claude Kella couchent sur son papier sont profonds, décrits d’une manière précise et habile. Que cela soit du côté des victimes ou des auteurs de cette machination infernale.
Tout commence au bistrot
Marc est un repris de justice tenant un petit bistrot-salle de poker à La Ciotat, près de Marseille. Bandit en mode tranquille… Nestor, un des ses amis vient un jour le déranger dans son établissement pour le mettre sur un gros coup. Rapidement, il va faire la connaissance d’un couple bien déterminé, Hélène et Gino, qui vont lui proposer le casse du siècle. Deux amateurs dans le milieu du banditisme mais riches en renseignements. En effet, Hélène est comptable à la Banque de France et connait tous les filons pour s’introduire dans l’établissement. Elle en fait part à Marc, grand expert dans les braquages, qui va accepter la proposition bien qu’il soit un peu mitigé. Tout le monde s’épie, se tâte, se teste. Marc doute, méfiant. L’appât du gain va tout de même l’emporter. Hélène lui explique comment elle compte procéder et l’informe qu’un vigile de la Banque, Manu, sera pris en otage. Nous en apprendrons également sur la motivation des divers personnages, pour certains « respectables », mais certainement hypocrites…
La préparation
Marc prend les commandes des opérations et réuni sa petite équipe de pros. Fred, braqueur play-boy discret, Didier, le vieux de la bande, intelligent, Patrick, loyal et courageux, Philippe, parano et mélancolique et Hervé, raisonnable et plein de charisme. Ils vont mettre en place leur méthode, commander et essayer leurs armes, reconnaissance des lieux, « pedigree » des employés de la Banque, leurs habitudes, horaires, situation de leurs domiciles privés. Un travail d’horlogerie. L’équipe est prête.
« Puisque tout le monde est d’accord, on enclenche la machine à fond. » Point de non-retour.
La prise d’otage, douloureux
Manu est un vigile tranquille, qui bosse pour faire vivre sa famille, soit sa femme et son petit garçon. Il n’a pas « choisi » ce job par vocation, mais pour avoir une situation stable. Sa vie bascule le jour où des inconnus le forcent à pénétrer dans son appartement. Sa femme et son petit garçon dorment encore. Pression, tests, quelques baffes, et Manu n’a plus le choix. Il collaborera malgré lui à ce braquage. La ceinture d’explosifs qu’il sera contraint de porter autour de sa taille va finir de le convaincre.
Sa femme et son fils vont être écartés le temps du « travail », et seront restitués si tout se passe bien. Jean-Claude Kella, par la voix de Manu, nous fait vivre une prise d’otage bouleversante, dure, avec un petit garçon qui ne comprend pas ce que font tous ces messieurs « déguisés » dans sa maison. Les braqueurs, équipés tout de même d’une âme (!), vont tout faire pour que l’enfant ne soit pas traumatisé. (Touchant?).
Le casse
Je ne vais pas vous présenter le déroulement du braquage, évidemment! Jean-Claude Kella le fait à merveille, avec minutie, comme le casse. Avec un peu d’égoïsme, je vais uniquement vous dire que c’est intense – prenez votre tension avant de vous y mettre – l’auteur sait de quoi il parle et nous plonge sans délicatesse dans cette Banque de France où le temps semble s’être arrêté. Là encore, nous vivrons cela de l’intérieur, avec les ressentis du braqueur et de la victime. Psychologiquement parlant, c’est bien amené. Jean-Claude Kella ne s’est pas uniquement borné à relater les faits, mais semble vouloir nous donner une approche d’un point de vue « ressenti » des personnages, d’un point de vue psychologique, et c’est brillamment réussi. Une approche peut-être morale? Vous verrez bien…
Quoi qu’il en soit, nous aurons affaire à des personnes déterminée qui vont peut-être, malgré elles, se faire dépasser par les évènements. Le braquage va peut-être réussir, mais « l’après-casse » est un point déterminant où il n’y a aucune place pour les faibles, pour les amateurs. L’appât du gain peut faire tourner la tête, la confiance qui régnait entre les truands peut se casser comme une branche sèche et une maladresse est vite arrivée. Marc va rapidement s’en apercevoir, lui qui ne la sentait déjà pas bien au début. Lorsqu’une telle machine est lancée, il n’est plus possible de l’arrêter. Va-t-il pouvoir redresser la situation?
Ce récit se lit comme un excellent polar, tous les ingrédients sont là! Pour le dénouement, j’aurais voulu que Jean-Claude Kella soit plus précis, plus de détails, notamment sur « l’après-braquage », sur l’enquête policière. Mais c’est largement compensé par le reste, touchant, bouleversant parfois, d’une grande rigueur sur un sujet franchement passionnant et maîtrisé. Bonne lecture.
Détails sur « Hold-up », de Jean-Claude Kelly, ancien truand
Isbn : 2359490451
Étiquettes : Hold-up, Jean-Claude Kelly