Une introduction assez dure et cruelle, qui est accompagnée d’un affront direct contre la Suisse, ceci dès la deuxième page. Attention André Blanc! Bon d’accord, tu n’y es pour rien, c’est un personnage qui s’exprime, et pas toi. Tu as eu de la chance pour cette fois. 😉
Le soleil ne va pas vous éblouir durant cette lecture. Nous sommes à Lyon, l’hiver approche – ou nous y sommes déjà, je ne sais plus -, il fait moche, il fait gris et froid; il ne pleut pas vraiment, mais il ne neige pas vraiment non plus. Un de ces fameux entre-deux qui n’est pas à placer dans le top 10 des merveilles de la météo.
Un temps qui ira bien avec le contexte, bien entendu.
L’auteur ne traîne pas beaucoup pour nous dérouler son histoire. Cela va vite, on avance, dans une ambiance aussi froide que le temps qu’il fait sur Lyon, avec un ton aussi froid que la météo.
Nous comprenons rapidement que nous aurons à faire à des personnages qui ne font pas dans la dentelle, au franc-parler, aux caractères forts. Je dois admettre que c’est un vrai régal, je ne m’en lasserai jamais.
Nous découvrons justement une belle brochette de personnages. Le commandant Guillaume Farel, évidemment, de la police judiciaire de Lyon. Jean Le Han, psychiatre spécialisé en psychocriminologie. Charles Vobslinger, dit le Vobs, journaliste local qui n’hésitera pas une seule seconde à déterrer de la merde bien enfouis pour la servir aux citoyens, sur un plateau.
Une petite équipe soudée qui se retrouve tous les mercredis au bistrot pour discuter, faire le point, pour en apprendre un peu ou pour donner des renseignements. Le monde politique lyonnais est souvent mis sur le tapis, un univers de girouettes, de menteurs, de faux-cul ou encore d’opportunistes. Un univers assez standard finalement. Il manque peut-être encore Marc, mais je ne vous en dirai pas plus.
Le commandant Farel, vous le connaissez déjà si vous avez lu le premier roman d’André Blanc, « Tortuga’s Bank ». Voilà comment j’avais décrit ce personnage dans ma chronique de ce premier roman:
« … Un chef de groupe que chaque brigade voudrait sans doute avoir à son actif. Extrêmement observateur, intuitif, perspicace et très à l’écoute envers les personnes qu’il côtoie, mais surtout envers les suspects ou témoins qu’il interroge. Une force de persuasion assez remarquable. Mais Farel, c’est aussi un ex-commando ayant oeuvré dans la jungle africaine, notamment, … »
Ce personnage me fascine énormément; tout un roman à lui tout seul! Lorsque je mentionnais des personnes au franc-parler, c’est certain que celle-ci en fait partie! Un type intègre, très juste, qui ne supporte surtout pas les petits loosers prétentieux et malhonnêtes qui, pourtant, occupent des places non négligeables. Il n’hésitera pas, pour certains, à leur envoyer quelques belles franchises dans la gueule.
Honnête, courageux et incorruptible; j’aime ce personnage qui souhaiterait nettoyer le monde et éliminer toute la merde qui s’y trouve et qui, d’une certaine manière, sait qu’il n’y arrivera jamais. L’espoir fait vivre non?
Nous rencontrons à nouveau Maud, la compagne de Farel, qui bosse à Interpol et qui n’arrive plus vraiment à faire face à cette violence permanente. Une sordide – évidement! – affaire de pédophilie, trois ans auparavant, impliquant probablement du haut gratin régional ne l’a pas aidée à remonter la pente, bien au contraire. D’autant plus que certaines personnes ont réussi à rester dans une ombre protectrice, histoire de passer entre les gouttes de la machine judiciaire. Lamentable.
Farel va nous emmener sur une scène de crime particulière, soit la chambre d’un grand hôtel lyonnais. Une femme a été retrouvée asphyxiée sur son lit, sac en plastique scotché sur la tête, liens aux pieds et aux mains. Une longue agonie, si on se réfère au petit trou qui a été fait dans le sac en plastique, pour cette nymphomane aux mœurs plutôt particulières. Une première relation sera faite avec la « vieille » affaire de pédophilie; l’enquête va-t-elle reprendre un nouvel élan? Pour Maud, peut-être une bonne thérapie.
L’affaire sera traitée par le groupe Farel, un ensemble de personnes qui, encore une fois, sont toutes d’une épaisseur remarquable et muni d’un caractère relativement fort, je dois dire. Chacun avec sa propre personnalité, ses propres atouts ou encore ses propres qualités face à une enquête de police.
L’enquête qui nous occupe, justement, sera dirigée par madame le juge Fournier. Une aubaine pour le commandant Farel. Un duo de choc appelé par la presse ou par certaines personnes, F2 (Fournier – Farel). Une association crainte à des kilomètres à la ronde, une alliance qui tape là où ça fait mal et, surtout, – c’est ça qui est merveilleux! – à tous les échelons de la société! Çà fait rêver, j’avoue. Une coalition, si j’ose dire, qui représente la vraie justice, le respect du droit pur et dur, une application de la loi contre toutes épreuves, point barre.
Cette enquête aura comme mot d’ordre; silence absolu. Trop de monde impliqué, tout secteur confondu; c’est navrant, mais c’est la réalité. Une enquête sensible, inquiétante, qui aura immanquablement des retombées non sollicitées, surtout dans le camp des enquêteurs, soit celui de la police, et peut-être aussi un peu dans celui de la justice. Lorsqu’on plante un pieu dans une haute sphère dirigeante, il y a forcément des bouts de déchets qui s’éparpillent un peu partout pour ainsi polluer l’atmosphère. Et là, cela devient forcément dangereux, autant concernant l’opinion publique que pour sa peau!
Un volet de l’affaire nous emmènera dans un centre pour enfants handicapés. Pour le commandant Guillaume Farel, ce pan de l’enquête sera douloureux et va beaucoup le bouleverser. Des souvenirs vont resurgir, il y a des choses qu’on n’oublie jamais. Certaines ardoises bien remplies attendent encore d’être effacées, et nous constaterons que Farel garde un chiffon dans sa poche depuis bien longtemps, histoire de nettoyer cette sale ardoise, une fois que tout le monde se sera acquitté de sa dette. Une dette envers qui? Vous le verrez bien.
Parallèlement, pendant qu’un grand projet immobilier bancal secoue un peu la mairie, l’adjoint au maire, responsable des travaux publics, va se retrouver dans une situation un peu périlleuse, dont il aura certainement du mal à s’en sortir. Mais finalement son compte sera vite réglé, pas le temps de se faire d’énormes soucis, il sera retrouvé mort. Mode opératoire? Le même que la femme de l’hôtel. Cette fois-ci, pour Farel, il n’y a plus de doute, des liens apparaissent.
Nous serons face à une affaire rassemblant tout ce qui se fait de plus dégueulasse, impliquant des enfants, orchestrée par des personnes aux fonctions plutôt inquiétantes. C’est clair que la pédophilie relie toutes les classes sociales, et cela ne date pas d’aujourd’hui!
Concernant le tueur qui semble échapper aux enquêteurs, froid et méthodique, il ne va pas se contenter de « simplement » tuer; d’une certaine manière, il va s’adresser directement à Farel. Un joueur? Peut-être pas. Il y a des choses, comme je le mentionnais avant, qu’on n’oublie jamais. C’est valable pour tout le monde.
Bref, je ne vais pas vous en dire plus sur l’histoire. Je voudrais encore dire que les dialogues, les interactions, sont gorgés et inondés de subtilités, de franchises et d’énergie. André Blanc semble absolument à l’aise pour diriger ses personnages. Pour les confrontations, les interrogatoires ou encore les propos entre collègues, l’auteur donnera juste le ton et l’impulsion, les personnages feront le reste.
Les dialogues, les fameuses confrontations, dans bien des situations, nous les attendons avec une grande impatience, curiosité et même une certaine excitation. L’épaisseur de la plupart des personnages en est la raison principale. Toujours ce franc-parler, je suis fan! C’est profond, direct, toujours avec une certaine sensibilité et subtilité.
Et je m’engage à dire aussi que l’auteur doit certainement accorder une grande importance – une valeur non négligeable – à l’amitié, la fraternité et, d’un côté professionnel, à l’esprit de corps; cela se ressent dans les personnages – Farel – et la manière d’exprimer les choses.
Concernant l’intrigue en elle-même, à son fil rouge, sa trame, c’est impeccable. Pour le dénouement, je n’ai pas été surpris, il est tel que je l’avais imaginé. Je pense même que l’auteur ne voulait pas forcément nous surprendre en nous dévoilant et démasquant une personne improbable, telle que dans les aventures de Scoubidou! Mais rassurez-vous, le charme du roman ne se trouve pas de ce côté-là, comme vous avez certainement pu le comprendre en lisant cette chronique.
Bonne lecture.
Détails sur « Farel », d’André Blanc – excellent polar aux personnages au caractère fort!
Isbn : 9791092016598