Ce roman est le premier polar de Jacques Olivier Bosco; actuellement trois à son actif:
– « Le Cramé », édité en 2011 chez Jigal – ma chronique
– « Aimer et laisser mourir », édité en 2012, également chez Jigal – ma chronique
Je retrouve ici la marque de fabrique de Jacques Olivier Bosco, une histoire dont les dénominateurs communs sont encore une fois l’honneur, la confiance, la parole, mais aussi la rage, la haine et surtout la vengeance. L’auteur nous emmène encore une fois dans le milieu du grand banditisme, avec comme somptueux décor Nice, une ville qui, ici, est rigoureusement gérée et contrôlée par la pègre. De gros bolides italiens ou allemands qui défilent dans les rues en faisant vrombir leurs moulins, de belles femmes aguicheuses et charmeuses sculpturalement agréables à contempler, des montagnes de coke qui pourraient facilement remplir d’énormes bacs à sable. En parlant de bac justement, cela serait plutôt celui du Champagne qui coule à flot, remplissant de nombreuses flûtes de Krug à ne plus savoir qu’en faire. Éventuellement à s’en servir de pelle pour reprendre un peu de poudre afin de s’en saturer les naseaux…
Et bien sûr il y a les armes, les bains de sang, les bout de cervelles qui giclent sur les murs et les morts qui s’entassent les uns derrière les autres. Vous l’aurez compris, le récit est violent, cru et cruel, mais en même temps il s’équilibre avec une grande part d’humanité (quand-même) et des valeurs importantes qui sont scrupuleusement bien respectées. C’est paradoxale – c’est vrai – mais cet équilibre est important pour garder une cohérence, et c’est absolument le cas ici.
Mais Jacques Olivier Bosco, cette ville – SA ville – il en peint également un tableau admirable, sa plume – ou plutôt son pinceau – ne pouvant évidemment pas s’empêcher de nous dévoiler que son utilisateur semble avoir une grande admiration pour cette région. Une toile resplendissante ponctuée de nombreuses teintes de noirs, tout de même. Cela se ressent et toute la qualité des descriptions de cet endroit s’en ressent à son tour. Nous nous imprégnions rapidement de ce coin de la Côte d’Azur, avec ses boîtes de nuit, ses bistrots et grands restaurants. Mais aussi une diversité de lieux splendides; la promenade des Anglais, la place Garibaldi, le cours Saleya, mais aussi cette mer turquoise avec sa Baie des Anges, inondée d’un soleil bienveillant. Mais j’avoue que dans cette histoire – à part le soleil – il n’y a pas grand monde de bienveillant…
Les personnages sont extrêmement bien présentés; des hommes dotés de codes d’honneur puissants, mais aussi des femmes qui ont une place importante dans ce récit. La voix de la raison pour certaines, mais aussi peut-être la représentation de la faiblesse pour d’autres; des femmes qui ont une place privilégiée dans le coeur des hommes, mais alors absolument pas dans le centre de leurs affaires. Jacques Olivier Bosco, il faut le dire, ne véhicule pas une excellente image de la femme dans ce roman. Par sa plume, il leur attribue un caractère intense et coriace, mais ne les place pas franchement sur un piédestal.
Mais dans tous les cas de belles femmes aux caractères bien trempées, c’est – je crois – le moins que je puisse dire. Ici, la femme qui représente la voix de la raison, du bon sens et de la sagesse est un personnage qui aurait éventuellement dû être écoutée avec un peu plus d’attention… Une mère, une épouse, c’est quelquefois la voix de la raison et de la lucidité qui nous parle – on s’en rend compte parfois un peu tard. La fierté…
Les chapitres se succèdent avec une grande ingéniosité. L’auteur a décidé de bien les séparer, à savoir offrir l’illusion à chaque chapitre de suivre une petite histoire qui nous imprègne ce qu’il faut pour connaître chaque personnage, chaque endroits ou encore pour s’imbiber de cette atmosphère lourde et humide qui y règne. Ce procédé nous permet de vivre le récit, d’une manière claire et surtout précise. Pourquoi une illusion? Car évidemment ces petites histoires n’ont font qu’une.
Jacques Olivier Bosco a cette capacité de nous faire surgir des émotions fortes que nous gardons tous au fond de nous. Ici, c’est un sentiment de vengeance qui nous prend, qui nous gagne, qui jailli du plus profond de nos tripes. La situation extrême qui apparaît devant nos yeux dans ce récit nous accapare de tout notre être; Jacques Olivier Bosco nous prend par les sentiments pour encore mieux nous manipuler, et ça marche! La puissance et la dangerosité d’un des personnages principaux, sa sensibilité et sa soif de vengeance viscérale donnent un rendu fort et prenant; cette vengeance, nous n’avons qu’une seule envie, la détenir pour le plaisir de la ressentir encore plus intensément. Et c’est ce que nous faisons, automatiquement, et ça fait du bien.
Nous sommes donc à Nice, nous suivons une famille calabraise influente dans le milieu des « affaires », un puissant clan ayant pignon sur rue dans le domaine de la restauration, des boîtes de nuit, notamment. Une famille très solide dont le patriarche, FrancoRanzotti, tient d’une main de maître, respectivement d’une main ferme. Cet homme, qui a été élevé à la dure avec ses deux frères, maîtrise le milieu à la perfection, en usant de pas mal de violence et d’intimidation, tout en respectant des codes, des valeurs qui ne se doivent d’être violées. Cette famille est craint, est largement protégée et soutenue par les grands pontes de la mafia, bref, elle est respectée au plus haut niveau.
Tout se passe plus ou moins bien jusqu’au jour où Maria, la nièce de Franco, est retrouvée morte dans l’appartement de sa cousine, visiblement terrassée par une overdose à l’héroïne. Pour Franco, c’est un désastre, un affront à la famille Ranzotti; sa nièce, pour lui, a tout bonnement été assassinée. Pour cet homme, Maria est morte après s’être injectée dans les veines une héroïne trop pure, ou alors coupée avec de la merde. Franco, qui passe de la douleur, de la souffrance, en passant par la haine, finira par cultiver une vengeance sans nom. La vendetta va faire rage et pas mal de morts. Franco Ranzotti, avec l’aide de son clan formé de son fils, ses neveux, frères et quelques hommes de confiance, va tenter de remonter jusqu’à celui qui a fourgué cette saleté dans les veines de sa nièce.
Si on réfléchi bien, un acte passablement hypocrite lorsqu’on imagine que cette famille se fait pas mal de blé avec le trafic de drogue et que le neveu Tony se fourgue pas mal de poudre dans les naseaux. Mais bon, la règle est la règle, on ne touche pas à la famille. Mais sur ce coup-là, une réflexion avec la tronche et non avec les tripes aurait été de mise…
Beaucoup de valeurs émanant de Franco le patriarche, mais peut-être un peu trop de fierté, voir peut-être un manque total de remise en question vis-à-vis de sa famille, de sa descendance, ce qui aurait pu éventuellement éviter pas mal d’emmerdes. Mais chez lesRanzotti, on réagit d’abord avec les tripes et l’artillerie, plutôt qu’avec le bon sens et le cerveau; et forcément, cela crée quelques tensions. L’auteur nous décrit un homme qui représente le truand de haut-vol, celui qui est respecté, celui qui présente bien et qui protège sa famille contre toute hostilité. Mais à force de s’occuper de tout, il oubliera peut-être la base fondamentale du bien-être d’une famille, simplement aimer les siens pour se qu’ils sont et le démontrer. Ce « couac », il va s’en rendre compte, mais peut-être un peu tard.
Nous faisons également – et SURTOUT – connaissance avec Lucas Murneau, dit « Le Maudit », personnage que nous côtoyons longuement et pleinement dans le roman « Aimer et laisser mourir ». Le Maudit est une force de la nature, un homme qui a dû tout planter à Nice des années auparavant, à savoir sa femme, sa future fille qu’il n’a juste pas eu le temps de connaître, soit toute sa vie « d’avant ». Cet homme a dû quitter sa vie française pour se réfugier en Colombie, suite à un contrat. Lucas Murneau est un tueur professionnel et un puissant contrat l’a astreint à quitter la France pour éviter de graves représailles. Cette belle gueule de 180 cm, au regard froid comme l’acier, comme la mort, a poursuivi ses missions dans ce pays d’Amérique du sud. Son deuxième surnom que personne n’ose prononcer est assez révélateur; La Muerte, la mort.
Ce personnage qui m’a fasciné dès le début par sa complexité et son aura, fonctionne également avec beaucoup de valeurs, de respect et d’honneur. Mais évidemment, il ne faut pas se leurrer, il restera un tueur de sang-froid.
Ici, dans ce récit, c’est un Lucas Murneau émouvant et attachant que nous suivons, un homme qui retourne chez lui, à ses racines, soit à Nice. Un homme qui désire et qui a enfin l’occasion de voir sa fille qu’il n’a jamais pu rencontrer, mais aussi à présent sa petite fille de 3 ans. Un homme qui a besoin de retrouver son sang. Encore une fois, Jacques Olivier Bosco nous bouscule et nous dérange passablement avec ce personnage subjuguant et conquérant, troublant avec son côté sombre et en même temps qui nous séduit avec son côté humain plein d’émotion.
Et bien évidemment, notre homme et la puissante famille Ranzotti font être amenés à se rencontrer. Et là, débute une tragédie extrêmement poignante et déchirante. Pour moi, le roman commence à ce moment! Des membres de la famille Ranzotti vont commettre une énorme connerie, mais je pense la plus grosse connerie qui soit possible de faire. Par un acte d’imprudence, commandé par la haine et la vengeance, ils vont se mettre à dos un homme qui a la rage. C’est un Maudit qui n’a absolument plus rien à perdre que toute la famille Ranzetti va devoir affronter! Cette fameuse vengeance viscérale dont je vous parlais au début va changer de main, de côté, et se concrétiser par une descente punitive en bonne et due forme. Un face à face mortel subtile mais aussi sanglant!
Jacques Olivier Bosco utilise tous les codes qui nous permettent de ressentir et surtout ressortir des émotions puissantes. Il faut dire qu’il nous prépare le terrain d’une manière plus que minutieuse. Une belle histoire de truands – à l’ancienne j’ai envie de dire – s’appuyant fermement et violemment sur le thème de la vengeance. Le genre de récit que le lecteur ne souhaitera qu’une seule chose, que cela ne s’arrête jamais. Petite déception, le final est rapide, trop vite envoyé; j’aurais souhaité savourer davantage ce que j’attendais avec, tout de même, une grande impatience. La vengeance est un plat qui se mange froid; ici, un menu complet qui se savoure brûlant. « Et la mort se lèvera », c’est le moins que l’on puisse dire… Bonne lecture.
« Et la mort se lèvera », de Jacques Olivier Bosco — une vengeance pure et viscérale!