A Detroit, Emerson Vale, un journaliste de renom, accuse les constructeurs automobiles de tout faire pour empêcher l’arrivée sur le marché des voitures propres (à propulsion électrique ou à vapeur) et d’en rester aux véhicules polluants pour des raisons bassement mercantiles. Les responsables des trois majors, General Motors, Ford et Chrysler, n’apprécient pas d’être ainsi dénoncés dans les medias. Matt Zaleski, ancien pilote et héros de l’US Air Force pendant la Seconde Guerre Mondiale, maintenant sous-directeur, doit intervenir sur une chaîne de montage au bord du débrayage suite à un incident dû au racisme ordinaire et quotidien. Adam Trenton, le directeur des services de recherche, est si occupé par le lancement de l’Orion, le tout nouveau modèle, qu’il en néglige sa femme Erica, laquelle ne tarde pas à aller voir ailleurs…
« Detroit » est un roman réaliste et social sur le monde de l’automobile analysé dans la capitale de son empire, son lieu le plus mythique et le plus emblématique, surnommé d’ailleurs « Motor City ». En apparence, tout semble imaginaire et romancé, mais pourtant tout est vraisemblable et même solidement basé sur une enquête d’investigation quasiment journalistique. Le résultat donne un livre foisonnant, plein de personnages hauts en couleur et bien pétris d’humanité. Il s’en passe des choses bizarres à tous les niveaux de cette pyramide ! Depuis le sommet, avec ses dirigeants qui, du haut de leurs luxueux bureaux, prennent des décisions capitales et engagent des sommes si énormes « qu’on joue plus gros jeu à Detroit qu’à Las Vegas », jusqu’à la base où l’on embauche d’anciens taulards fort peu fiables pour travailler sur des chaînes inhumaines et abrutissantes en passant par toutes les strates intermédiaires, celle des concessionnaires, véritables margoulins qui arrivent à rouler le client tout autant que le constructeur ou celle des sous-traitants pris entre le marteau et l’enclume. Avec en toile de fond, les problèmes de racisme, les adultères de luxe, les femmes richement entretenues, sans oublier le plus terrible et le plus insupportable, le fardeau de l’omniprésente mafia qui règne par la terreur, l’appât du gain ou la corruption et qui organise les jeux, le trafic de drogue et jusqu’au pillage systématique des stocks de pièces détachées du constructeur. Tous les aspects et tous les problèmes de cet univers très particulier sont traités avec finesse, intelligence et sans la moindre complaisance. Du roman-vérité de grande qualité tel celui pratiqué par un certain Tom Wolfe et d’un niveau stylistique équivalent, c’est dire ! La traduction de Max Roth est impeccable. Ce livre qui, bien que paru en 1972, n’a pas pris une seule ride, apprendra bien des choses à qui veut en savoir un peu plus sur la vie dans ce milieu très particulier.
4,5/5
Detroit (Arthur Hailey)