Un roman qui fait plutôt froid dans le dos, qui nous neutralise complètement et par la même occasion nous électrise entièrement le système nerveux! Autant s’échauffer un peu avant d’ouvrir ce polar-thriller, c’est un sage conseil de ma part. L’auteur enchaîne coups de théâtre sur coups de bluffs ce qui donne un résultat remarquablement bien ficelé.
Et surtout cela va vite, très vite, et dès les premières pages. Une course rapide, soutenue et (positivement) expéditive – aucun temps mort – qui vous mènera au terme du roman en un rien de temps; vous aurez éventuellement juste le temps d’articuler, « ben merde alors… » (C’est mon cas). Par une tension constante voir crescendo, l’auteur nous embroche tel un vulgaire morceau de viande et, je vous rassure, ne nous décrochera plus, même au terme du roman! Je remarque que ma tournure est bien choisie car l’auteur, lui aussi, ne fait pas vraiment dans la dentelle! Et de toute manière, ne nous voilons pas la face, c’est cela qu’on aime et qu’on recherche!
Bien que la plume de Frédéric Ernotte soit très pointue et acérée – bien des trous ont certainement dû être faits dans son manuscrit -, elle réussit tout de même à rendre une écriture fluide, fondante – aucun accroc – et surtout addictive. On ne lâche pas comme ça. Plusieurs évènements s’enchaînent rapidement et je remarque que l’auteur a très bien préparé son coup; pas possible autrement! Au niveau architectural, c’est construit d’une manière précise, solide et surtout réfléchie. Frédéric Ernotte semble avoir pris le temps d’encastrer les pierres avec minutie, avec rigueur, afin d’obtenir un puissant édifice. Cet édifice, c’est l’intrigue. Franchement bravo.
Dans ce récit pervers, diabolique et sadique – n’ayons pas peur des mots – Frédéric Ernotte, d’une surprenante et remarquable manoeuvre, nous emmène dans un huis-clos pernicieux voir mortel. Un huis-clos dans lequel il deviendra difficile de s’échapper. Mais cet élément, bien entendu, n’est qu’une branche qui fait elle-même partie d’un enchevêtrement très astucieux et perspicace. Je vous l’ai dit avant, l’auteur – ayant un esprit tout de même tordu c’est certain! – maîtrise parfaitement sa manoeuvre, avec soin.
Les personnages – mon péché mignon! – sont soigneusement fouillés et épais comme il se doit. Encore une fois, je dis bravo – un peu trop? – car je sais que ce n’est pas facile de créer un être, et surtout de le rendre très présent et surtout vivant. Il ne faut pas oublier que tous les personnages d’un livre ont vécu avant le roman, et continueront de vivre après le roman; enfin… pour certains. Frédéric Ernotte rend ses personnages très complexes psychologiquement parlant. On apprend à les connaître, puis finalement on doute, une grande incertitude nous envahis – frustration immédiate et on se méfie, système de défense oblige – et finalement nous avons l’impression d’avoir à faire ou affaire (je ne sais jamais) à des inconnus. C’est vache de la part de l’auteur mais encore une fois, on apprécie ce coup de bluff, ce tour de force très bien apprivoisé.
Le personnage principal est l’inspecteur Jeff Marnier, un homme qui a vu la porte de son appartement se claquer devant sa femme qui a pris le large il y a quelques temps. Ce flic un peu détruit et dépassé par les évènements, amateur de Dire Straits et de grandes lampées de vodka, se démène avec une affaire délicate, médiatique, une sale affaire de morts violentes. Une affaire qu’il ne semble plus vraiment maîtriser. Mais Jeff et ses collègues de ce sud de la Belgique vont être davantage préoccupés et violemment inquiétés par des actes les touchants de très près; un personnage doté d’une perversité hors norme se donnant beaucoup de peine pour tuer des flics. Enfin tuer… plutôt déchiqueter et mettre en charpie. Une haine viscérale refoulée?
Le prédateur oeuvre sans aucun scrupule, tous le monde y passe, et use d’une méchante et efficace ingéniosité pour arriver à ses fins et faire le maximum de dégâts. C’est assez morbide. Jeff en prend indirectement plein la gueule, ce prédateur s’est approché d’un peu trop près de ses limites et de ses sentiments; une provocation pleinement dirigée. Jeff semble être la cible. J’ai bien dit semble… Je le répète, le doute est de mise dans ce roman.
Notre flic passablement à bout et dégoûté, qui ne récupère plus trop, va tomber sur un site internet un peu particulier lors de ses recherches sur le net. Un forum de discussion appelé « La boîte noire », une plate-forme regroupant des inspecteurs de police du monde entier. Plusieurs sujets sont traités; premier cadavre, grandes enquêtes, soit un endroit pour débattre et discuter entre collègues. Jeff en devient rapidement accroc et va y passer beaucoup de temps.
Jusqu’à ce jour où la proposition est faite par un membre responsable du forum d’organiser une rencontre. Huit personnes sélectionnées seront amenées à se côtoyer le temps d’un jeu étonnant, un jeu d’indices, qui aura lieu dans une vieille grange retirée. Jeff, très enthousiaste à cette idée, en fera partie. Prendre un peu le large après ce qu’il vient d’endurer peut être une bonne chose. Un prétexte? Une fuite? Quoi qu’il en soit, « C’est dans la boîte » prend dès lors tout son sens.
Ce fameux huis-clos, qui va prendre une tournure assez extrême, va enfin commencer. Et un petit conseil, gardez dans un coin de votre cervelle le début de l’intrigue, l’auteur va vous manipuler!
Ce qui est impeccable, dès cet instant, c’est que l’auteur, par le biais de ce huis-clos qui prendra une direction particulièrement angoissante, nous embarque et nous dirige dans plusieurs récits extrêmement bien soignés. Nous devenons des spectateurs de choix face à des affaires anciennes, dures et consternantes. Nous quittons à quelques reprises le temps d’un instant ces quelques personnes, cette petite assemblée de flics qui se situent dans cette grange au milieu de nul part, au milieu de la nuit, pour nous retrouver largués au milieu de récits racontés par l’un ou l’autre de ces inspecteurs ou inspectrices. Ce qui est habile de la part de l’auteur – et tout son art pour moi se trouve ici – c’est que chaque récits dégagent une âme forte à l’intrigue subtile et soignée.
L’ambiance de ce huis-clos est enjouée mais glauque à la fois; on ne sait pas vraiment qui tient les rennes de toute cette mise en scène. La nuit continue d’avancer, le jeu continu, quelques regards en biais de temps en temps, interrogateurs, et puis soudain ce doute!
Très belle manipulation M. Ernotte! Bonne lecture..