Alain Gérard est chercheur à l’Université de Paris-IV-Sorbonne. Il a également fondé le Centre Vendéen de recherches historiques. Cet ouvrage représente un travail colossal regroupant 600 pages d’analyses et de textes issus des Archives de la Révolution Française ; et plus particulièrement de la période située entre 1792 et 1794, concernant la Terreur puis…, la Grande Terreur.
Alain Gérard, pour caractériser le Crime de masse Vendéen, parle d’Extermination de masse. Un autre grand spécialiste de la Vendée, Reynald Secher, parle lui de : « Génocide Vendéen Franco-Français » (confer ses travaux pionniers sur le sujet : « Vendée du Génocide au Mémoricide : Mécanique d’un crime légal contre l’humanité » ; « La Vendée-Vengé : Le génocide franco-français » ; et « La guerre de la Vendée et le système de dépopulation »). Mais on pourrait tout aussi bien caractériser ce Crime de masse de : Crime contre l’Humanité. Cependant, je trouve que la thèse de Reynald Secher quant à l’analyse de l’Extermination Vendéenne, en tant que : Génocide, me paraître particulièrement bien étayée… En fait, comme l’explique fort bien Jean-Baptiste Jeangène Vilmer dans son formidable ouvrage : « La guerre au nom de l’humanité : Tuer ou laisser mourir », toutes ces terminologies relèvent de définitions juridiques, mais ne donnent pas de critères spécifiques liés à l’intensité de la barbarie exercée, ou du nombre de victimes, pour caractériser un Crime de masse. De toute façon, quelque soit l’intitulé donné à un Crime de masse, cela ne change absolument rien pour les victimes assassinées ; et cette caractérisation relève plutôt du débat d’experts !
En revanche, au-delà de la terminologie, Alain Gérard et Reynald Secher s’accordent sur le fait crucial que, depuis plus deux 200 ans, de nombreux historiens ont, au minimum, cherché à minimiser ce Crime, voire pour certains, ont carrément NIÉ la volonté d’Extermination du Peuple Vendéen. Or, les Archives pléthoriques et particulièrement explicites, parlent d’elles-mêmes. Ces curieux comportements de la part d’historiens portent une grave atteinte à la Mémoire des victimes de cette région Française, sauvagement martyrisées ; et plus largement à toutes les victimes de la Révolution Française. Reynald Secher parle même dans son prodigieux ouvrage de…, « Mémoricide » !
La Révolution Française engendra donc, dès ses débuts en juillet 1789, une foultitude d’actes de barbarie innommables comme, entre autres, les tristement célèbres visions d’horreurs de : têtes, diverses organes (notamment génitaux) et restes humains, exhibés aux bouts de bâtons, de piques et de fourches, par la population Française, dans les rues de Paris et en province. Malheureusement, ce n’était que les prémisses d’une violence inouïe qui allait être décuplée à travers notamment : les Massacres de Septembre 1792 dans les prisons parisiennes ; puis lors de la Guerre Civile en 1793 ; et enfin dans l’apogée de son Inhumanité, lors de l’Extermination de masse (ou Génocide) Vendéen de la fin 1793 à la fin 1794. Une violence Étatisée et Institutionnalisée sous la Terreur du Comité de Salut Public dirigé par les Jacobins et Robespierre .
Ce premier type de violence constaté dès les débuts de la Révolution Française en 1789, est très bien décrit par Patrice Gueniffey dans son ouvrage : « La politique de la Terreur : Essai sur la violence révolutionnaire, 1789-1794 ». Il s’agit d’une violence Populaire, improvisée, spontanée, non-idéologisée et faisant partie d’un phénomène de Foule, dans le déroulement de la Révolution Française (confer Gustave Le Bon : « Psychologie des Foules »). Ce qui n’explique absolument pas l’aspect particulièrement intense et barbare de cette violence, qui nous saisi d’effroi lorsque l’on constate que des êtres humains ordinaires peuvent soudainement, et dans un contexte particulier, se transformer en criminels, capables d’une sauvagerie indescriptible…
Mais laissons donc à la conscience humaine, le soin de juger les innombrables actes de barbarie perpétrés par des citoyens Français, dans le cadre Révolutionnaire. Précisons toutefois et encore une fois que, ces actes de barbarie ont été commis dès juillet 1789, parallèlement à la mise en place des nouvelles lois et décrets dont : les Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789.
Intéressons-nous donc au sujet qui nous occupe dans ce formidable ouvrage, à savoir : l’élaboration de la Terreur de masse par le Comité de Salut Public et la Convention…
Alors que la Révolution Française suit sont cours chaotique en se débarrassant des vestiges de l’Ancien Régime, avec la mise en place d’Institutions, de lois et de décrets ; dans le même temps, les massacres individuels et de masse se poursuivent, notamment à Paris. C’est alors que se produit entre le 2 et 6 septembre 1792, le massacre de masse que l’on nomme depuis : « les Massacres de Septembre » (pages 38, 40, 44 et 57) :
« Si les massacres parisiens frappent par leur ampleur, quelque 1 300 victimes dans les principales prisons, ils mettent en œuvre une procédure spontanée susceptible d’éclairer ceux que nous venons d’évoquer. Comme à La Rochelle, les massacreurs sont des artisans et des boutiquiers dépourvus d’antécédents judiciaires, parfois sous l’uniforme des volontaires, les fédérés, accourus de toute la France avant de se porter aux frontières. Même dûment informées des tueries en cours, ni l’Assemblée ni la Commune ne mobilisent la force armée : tout au plus délègue-t-on quelques observateurs.
(…) L’horreur des massacres de Septembre culmine dans ce qu’on hésite à qualifier de dérives. Lors du procès qui sera tenté beaucoup plus tard à quelques-uns des assassins, le vinaigrier Damiens sera accusé d’avoir ouvert le côté de l’adjudant-général Delaleu pour lui arracher les poumons, un autre d’avoir prélevé sur un cadavre un cœur qu’il a voulu faire embrasser : deux actes qui paraîtront si peu invraisemblables au tribunal qu’il expédiera les deux inculpés au bagne. Le boucher Godin aurait aussi été vu brandissant » de la chair humaine au bout d’une pique ». Ce sont pourtant deux femmes qui sont l’objet des pires sévices. Jacques-Charles Hervelin, tambour des canonniers de la section de la Halle est accusé par les citoyennes de son quartier « d’avoir participé à l’assassinat de la princesse de Lamballe, d’avoir promené sa tête, ses parties génitales et mangé son cœur, qu’il a fait griller sur un fourneau chez un limonadier ». De son côté, Roch Marcandier, ancien secrétaire de Camille Desmoulins, rapporte que la foule aurait coupé la tête et les seins de l’amie intime de la reine, lui aurait arraché le cœur, et l’un de ses bourreaux lui aurait coupé « la partie virginale » pour s’en faire des moustaches. Quant à Marie Gredeler, la boutiquière du Palais Royal coupable d’avoir émasculé son amant lors d’un accès de jalousie, son supplice est inracontable.
Ainsi, du 2 au 6 septembre, cinq longues journées durant, une foule d’artisans, de boutiquiers et de fédérés, tous Français moyens, dépourvus d’antécédents judiciaires, vident consciencieusement les principales prisons parisiennes, massacrant quelque 1 300 détenus.
(…) Au total, des massacres parisiens des 2 au 6 septembre 1792, à la création du Tribunal révolutionnaire le 10 mars suivant, on assiste à l’irruption d’une Terreur populaire bientôt relayée par ce qui est déjà de la Terreur étatique. Sans que quiconque se sente responsable. L’ère des massacres démocratiques s’ouvre, qui fabrique des victimes sans coupables : plus que le nombre de morts, c’est cela qui est le plus neuf. Paradoxalement, la Terreur résulte moins d’un excès de pouvoir, que du renoncement à la responsabilité personnelle qui seule rend un pouvoir légitime.
(…) De septembre 1792 à mars 1793 s’opère bien davantage qu’une mutation politique : le basculement de la Révolution dans une logique purificatrice. Hier l’adversaire, l’ennemi même pouvait être seulement vaincu. Désormais le Mal devra être éradiqué, et la mort sera le prix de la défaite. »
Puis, c’est essentiellement la levée, la conscription des 300 000 hommes les 23 et 24 février 1793, officiellement destinée à guerroyer en Europe, qui est considérée par le Peuple Français comme particulièrement injuste et arbitraire, et qui engendre des soulèvements partout en France, se transformant en Guerre Civile à la fin du mois d’avril 1793.
Le 10 mars 1793, Jean-Baptiste Carrier propose aux extrémistes de mettre en place une Institution parfaitement anti-Constitutionnelle, bafouant les principes élémentaires juridiques du Droit, totalement anti-Démocratique et Liberticide, à savoir : le Tribunal Révolutionnaire, permettant de : « condamner à mort, sans recours et sous 24 heures, les ennemis de la Révolution ». Danton valide alors cette sinistre proposition.
Dans la foulée, le 19 mars 1793 est voté la loi de sang (pages 47 et 76) :
« Invraisemblable coïncidence : le 19 mars 1793, le jour même où pour la première fois, comme nous venons de le voir, une véritable armée, celle de Marcé, se fait étriller à Pont-Charrault par les Vendéens, à Paris la Convention, sur la base de nouvelles alarmantes mais floues en provenance de l’Ouest, adopte une loi terrible, une loi de sang qui va transformer ce qui n’est encore qu’une révolte populaire, en la plus inexplicable des guerres civiles. Une loi pourtant si peu justifiée par le rapport de forces aux yeux de ses propres initiateurs, que le 10 mai, alors que l’insurrection est partout victorieuse, l’Assemblée décide qu’elle ne s’appliquera qu’à ses seuls chefs. Une loi dont cependant Turreau se réclamera pour justifier l’extermination de la population du début de 1794, complétée il est vrai par celles du 1er août et du 1er octobre, qui prescrivent de transformer la Vendée en un vaste désert.
(…) Si les massacres de Machecoul, tels que contés par les maximalistes, autorisent ceux-ci à détruire, un nom du Peuple, le peuple réel de la Vendée, réputé monstrueux ; si la loi de sang du 19 mars permet de mettre à mort, dans les 24 heures et sans possibilité d’appel, tout suspect de s’être insurgé ou d’avoir arboré un signe de rébellion ; en revanche la destruction du pays, telle qu’elle sera mise en œuvre par les colonnes infernales dans les premiers mois de 1794, n’a pour l’instant pas été systématisée. C’est l’objet de la loi du 1er août 1793, dont précisément Turreau se servira pour se couvrir, et qui, nous allons le constater, est le fruit d’une extraordinaire mystification.
Nous avons vu comment, le 19 mars, les Montagnards ont enferré les Girondins dans une guerre civile. Le but était de les abattre, et c’est donc chose faite avec le coup d’État du 2 juin. Désormais débarrassés des « hommes de gouvernement », Robespierre et ses affiliés sont les maîtres de la Convention. Dès le 10 juillet, au Comité de salut public, Danton et Cambon laissent place à deux durs, Prieur de la Marne et Thuriot, tandis que l’Incorruptible se prépare à y entrer le 27 juillet. »
Après une précision fondamentale d’André Gérard, sur la nature « Proto-Totalitaire » (selon l’expression de l’historien Stéphane Courtois) du Comité de Salut Public, voici donc les articles particulièrement révélateurs du contenu à caractère Terroriste de la loi de sang du 19 mars (pages 54, 55 et 56) :
« Autrement dit, ils seront tués non pas pour un acte qui leur serait reproché, mais pour le crime d’être ce qu’ils sont, dès lors qu’ils habitent le territoire insurgé. Un article dont Turreau fera l’usage que l’on verra.
« [La Convention vote la loi de sang du 19 mars : Comme d’ordinaire, les députés commencent par entendre diverses lettres.]
(…) « Cambacérès lit un projet de loi qui est adopté en ces termes : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation, décrète ce qui suit :
Art. Ier. Ceux qui sont ou seront prévenus d’avoir pris part aux révoltes ou émeutes contre-révolutionnaires qui ont éclaté ou qui éclateraient à l’époque du recrutement dans les différents départements de la République, et ceux qui auraient pris ou prendraient la cocarde blanche, ou tout autre signe de rébellion, sont hors de la loi. En conséquence, ils ne peuvent profiter des dispositions des lois concernant les procédures criminelles et l’institution des jurés.
II. S’ils sont pris ou arrêtés les armes à la main, ils seront, dans les vingt-quatre heures, livrés à l’exécuteur des jugements criminels, et mis à mort après que le fait aura été reconnu et déclaré constant par une commission militaire formée par les officiers de chaque division employés contre les révoltés. Chaque commission sera composée de cinq personnes prises dans les différents grades de la division.
III. Le fait demeurera constant, soit par un procès-verbal revêtu de deux signatures, soit par un procès-verbal revêtu d’une seule signature, confirmé par la déposition d’un témoin, soit par la déposition orale et uniforme de deux témoins.
IV. Ceux qui, ayant porté les armes ou ayant pris part à la révolte et aux attroupements, auront été arrêtés sans armes, ou après avoir posé les armes, seront envoyés à la maison de justice du tribunal criminel du département. Et après avoir subi interrogatoire, dont il sera retenu note, ils seront dans les vingt-quatre heures livrés à l’exécuteur des jugements criminels et mis à mort, après que les juges du tribunal auront déclaré que les détenus sont convaincus d’avoir porté les armes parmi les révoltés, ou d’avoir pris part à la révolte ; le tout sauf la distinction expliquée dans l’article VI.
V. Les moyens de conviction contre les coupables seront les mêmes pour les tribunaux criminels que pour les commissions militaires.
VI. Les prêtres, les ci-devant nobles, les ci-devant seigneurs, les agents et domestiques de toutes ces personnes, les étrangers, ceux qui ont eu des emplois ou exercé des fonctions publiques dans l’ancien gouvernement ou depuis la Révolution, ceux qui auront provoqué ou maintenu quelques-uns des révoltés, les chefs, les instigateurs, et ceux qui seraient convaincus de meurtre, d’incendie et de pillage, subiront la peine de mort. Quant aux autres détenus, ils demeureront en état d’arrestation, et il ne sera statué à leur égard qu’après un décret de la Convention nationale sur le compte qui lui en sera rendu.
VII. La peine de mort prononcée dans les cas déterminés par la présente loi emportera la confiscation des biens, et il sera pourvu sur les biens confisqués à la subsistance des pères et des mères, femmes et enfants qui n’auraient pas d’ailleurs des biens suffisants pour leur nourriture et entretien. On prélèvera en outre, sur le produit desdits biens, le montant des indemnités dues à ceux qui auront souffert de l’effet des révoltés.
VIII. Les biens de ceux dont il est parlé dans la première partie de l’article VI, et qui seront pris en portant les armes contre la patrie, seront déclarés acquis et confisqués au profit de la République, et la confiscation sera prononcée par les juges du tribunal criminel, sur le procès-verbal de reconnaissance du cadavre.
IX. Les commandants de la force publique feront incessamment publier une proclamation à tous les rebelles de se séparer et de mettre bas les armes. Ceux qui auront obéi et seront rentrés dans le devoir, aux termes de la proclamation et dans le délai de vingt-quatre heures, ne pourront être inquiétés ni recherchés. Ceux qui livreront les chefs ou auteurs et instigateurs des révoltes, dans quelque temps que ce soit, avant néanmoins l’entière dispersion des révoltés, ne pourront être poursuivis, ni les jugements rendus contre eux être mis à exécution. Les personnes désignées dans la première partie de l’article VI ne pourront profiter des dispositions du présent article, et elles subiront la peine portée par la présente loi.
X. La loi portant établissement du Tribunal criminel extraordinaire sera exécutée, sauf les distractions d’attribution déterminées par la présente loi ».
Le Moniteur. »
C’est donc le 6 avril 1793 qu’est constitué officiellement le Comité de Salut Public.
En pleine Guerre Civile, le Comité de Salut Public menace alors d’amplifier le processus de Terreur de masse sur l’ensemble du territoire Vendéen, ce qu’il fera en rendant, mensongèrement, la Vendée, responsable de tous les problèmes. Le Comité de Salut Public incite donc les insurgés, partout en France, à se lancer dans le terrorisme de masse contre la population Vendéenne. D’ailleurs, sous la pression des Jacobins l’Assemblée promulgue la Terreur par décret, le 5 septembre 1793 ; puis, la loi des suspects instaure le Terrorisme d’État, le 17 septembre 1793 (pages 94 et 95) :
« [1er octobre 1793. Rapport sur la Vendée, au nom du Comité de salut public :]
Citoyens, l’inexplicable Vendée existe encore, et les efforts des Républicains ont été jusqu’à présent insuffisants contre les brigandages et les complots de ces royalistes. La Vendée, ce creuset où s’épure la population nationale, devrait être brisé depuis longtemps, et il menace encore de devenir un volcan dangereux […].
(…) C’est donc à la Vendée que nos ennemis devaient porter leurs coups. C’est donc à la Vendée que vous devez porter toute votre attention, toutes vos sollicitudes. C’est à la Vendée que vous devez déployer toute l’impétuosité nationale et développer tout ce que la République a de puissance et de ressources.
Détruisez la Vendée, Valenciennes et Condé ne sont plus au pouvoir de l’Autrichien. Détruisez la Vendée, l’Anglais ne s’occupera plus de Dunkerque. Détruisez la Vendée, et le Rhin sera délivré des Prussiens. Détruisez la Vendée, et l’Espagne se verra harcelée, conquise par les méridionaux joints aux soldats victorieux de Mortagne et Cholet. Détruisez la Vendée, et une partie de cette armée de l’intérieur ira renforcer l’armée du Nord, si souvent trahie, si souvent travaillée. Détruisez la Vendée, et Lyon ne résistera plus ; Toulon s’insurgera contre les Espagnols et les Anglais ; et l’esprit de Marseille se relèvera à la hauteur de la révolution républicaine. Enfin, chaque coup que vous porterez à la Vendée retentira dans les villes rebelles, dans les départements fédéralistes, dans les frontières envahies. La Vendée, et encore la Vendée, voilà le charbon politique qui dévore le cœur de la République française. C’est là qu’il faut frapper. C’est là qu’il faut frapper d’ici au 15 octobre, avant l’hiver, avant les pluies, avant l’impraticabilité des routes, avant que les brigands trouvent une sorte d’impunité dans le climat et les saisons.
Le Moniteur. »
Dans la deuxième quinzaine d’octobre, le Comité de Salut Public se félicite de l’avancement de l’Extermination de la Vendée (pages 98 et 99) :
« [21 octobre 1793, Bourbotte, Louis Turreau, Choudieu et Francastel au Comité de salut public, d’Angers :]
(…) La Convention nationale a voulu que la guerre de la Vendée fût terminée avant la fin d’octobre, et nous pouvons lui dire aujourd’hui qu’il n’existe plus de Vendée, encore bien que tous les rebelles ne soient pas entièrement exterminés. Une solitude profonde règne actuellement dans le pays qu’ils occupaient. On ferait beaucoup de chemin dans ces contrées avant de rencontrer un homme et une chaumière, car à l’exception de Cholet, de Saint-Florent et de quelques petits bourgs où le nombre des patriotes excédait de beaucoup les contre-révolutionnaires, nous n’avons laissé derrière nous que des cendres et des monceaux de cadavres. Nous allons poursuivre cette horde fugitive et épouvantée partout où elle sera. »
SHD, B5/7, original et copie authentifiée par Billaud, Carnot, Hérault, Prieur et Robespierre. »
Des rapports d’extermination affluent de toute la Vendée (page 101) :
« [11 novembre 1793. Le général Rossignol au Comité de salut public :]
L’ennemi commence à évacuer Fougères. Il occupe Antrain et Dol. Il est fort de trente mille hommes au moins. On sonne le tocsin, comme dans la Vendée. Je fais tous mes efforts pour détruire tout ce qui attente à la liberté, mais il y a encore des hommes humains, et en révolution c’est un défaut, selon moi. […]
P.S. Il serait à désirer pour le bien, en mesure générale, que l’on envoyât près cette armée le citoyen Fourcroy, membre de la Montagne, pour nous aider de ses lumières et enfin parvenir à la destruction de ces brigands. C’est le sentiment d’un de vos collègues qui connaît son talent en chimie.
Note : Rossignol pensait, comme Santerre, qu’il fallait avoir recours aux ressources de la chimie pour terminer cette guerre. (Voir la lettre de Santerre du 22 août [: Des mines !… des mines à force !… des fumées soporatives ! et puis, tomber dessus…])
Savary, t. II, p. 331-332. »
(…) « [27 novembre 1793. Le général Westermann, de Rennes, au Comité de salut public :]
Il demande, pour en finir avec les rebelles, qu’on leur envoie 6 litres d’arsenic dans une voiture d’eau-de-vie. »
SHD, B5/7. Analyse. Original manquant. »
(…) « [27 novembre 1793. L’adjudant général Rouyer à Bouchotte, de Rennes:]
Il ne paraît pas moins certain qu’une amnistie, si elle était compatible avec la dignité du peuple souverain, produirait une défection presque universelle [parmi les Vendéens], et que d’un autre côté nos soldats se battraient avec bien plus d’intrépidité si l’on faisait des prisonniers. Mais je ne sais si ces mesures sont compatibles avec les égards qu’un peuple souverain se doit à lui-même. Il est de fait qu’eux-mêmes demandent que l’on fasse des prisonniers, au point que malgré que nous fusillions tout ce qui tombe sous notre main, prisonniers, blessés, malades aux hôpitaux, ils nous ont renvoyé de nos malades que nous avions été forcés de laisser derrière nous, mais je conçois aisément que ce n’est qu’une politique de leur part. »
SHD, B5/16. »
Le représentant, Laplanche, de la première troupe (qui sera bientôt nommée « colonne infernale »), proclame sa volonté exterminatrice (page 102) :
« [28 décembre 1793, Laplanche, de Saint-Malo :]
Il part pour marcher avec la colonne du Nord dans ces odieux départements [de la Vendée]. Il demande une autorisation expresse ou un décret pour brûler toutes les villes, villages et hameaux de la Vendée qui ne seront pas dans le sens de la Révolution. »
Arch. nat., AF/II/269, 1er dossier, nivôse, pièce 23, analyse. Lettre originale : SHD, B5/14. »
Les écrits décrivant les massacres monstrueux adressés au Comité de Salut Public sont innombrables, de la part des responsables Terroristes (pages 134 et 135) :
« [Louis Turreau, Prieur de la Marne et Bourbotte, au Comité de salut public, du Mans :]
À force de courir après la horde infernale des brigands, nous les avons enfin atteints hier sous les murs du Mans. […] Des chefs, des marquises, des comtesses, des prêtres à foison, des canons, des caissons, des carrosses, des bagages de toute pièce, un nombre considérable de fusils, tout est tombé en notre pouvoir, et des monceaux de cadavres sont les seuls obstacles que l’ennemi opposait à la poursuite de nos troupes. Les rues, les maisons, les place publiques, les routes en sont jonchées et, depuis quinze heures, ce massacre dure encore. Toute l’armée court après cette horde. Notre cavalerie est sur elle, déjà presque tous ces canons, caissons, sont pris depuis qu’elle est sortie du Mans. »
SHD, B5/16, 13 décembre 1793. »
[Maignan au Comité révolutionnaire de Saumur, depuis Le Mans :]
« Frères et amis, Nous tardons beaucoup à vous donner des détails sur la grande affaire du Mans que vous savez déjà sans doute, mais nous attendions l’issue du combat pour vous en faire part. De plus, mes chasseurs étaient au combat, comme nous, et nous ne pensions guère en ce moment à écrire. […]
Mon camarade et moi partîmes de La Flèche avec nos chasseurs, à neuf heures du matin, suivis de la colonne de Sepher. Tout le long de la route nous ne voyions que cadavres épars çà et là, que la cavalerie avait sabrés. […]
Le feu a duré continuellement depuis sept heures du soir jusqu’à minuit. Après ce temps, il n’a pas été si suivi. Tant d’efforts devaient être couronnés par la victoire. À cinq heures on s’acharna, et l’action fut si chaude, qu’à six heures les brigands furent mis totalement en déroute.
Alors, l’artillerie volante, la cavalerie, où j’étais avec mon camarade, se portèrent sur eux. Ils avaient pris la route de Laval et nous les suivîmes. Je n’avais point encore vu de carnage comme celui-là. La route est jonchée de cadavres. Tout a été criblé par l’artillerie, le fusil et l’arme blanche. Femmes, prêtres, moines, hommes et enfants, tout a été livré à la mort. Je n’ai fait grâce à personne, j’ai également fait mon devoir, il y a du plaisir à venger sa patrie. […]
Le nombre des morts du côté des brigands, dans cette journée, doit être de près de 2 300. Nous n’avons perdu qu’environ 100 hommes, mais nous avons eu au moins 400 blessés. […] Si on veut, la Vendée est finie. […]
Adieu, frères et amis, je vous embrasse. Vive la République ! »
Arch. dép. Maine-et-Loire, 1 L 1223, 14 décembre 1793.
« [Lettre officielle de Bénaben, commissaire du Maine-et-Loire, du Mans, le 13 décembre 1793 :]
Toutes les rues sont couvertes de cadavres. Nos braves défenseurs, à la tête desquels je dois mettre Westermann, Marceau, Tilly, Delaage et Carpentier, sont à la poursuite de l’ennemi, qui voudrait se porter sur Laval. Toute cette route est jonchée de morts à la distance de trois ou quatre lieues. »
Adressée au directoire du Maine-et-Loire, SHD, B5/7. Copie certifiée. Également Affiche, Arch. dép. Maine-et-Loire, 1 L 866, 13 décembre 1793. »
Le 23 décembre 1793, la Guerre Civile prend fin avec l’importante défaite militaire Vendéenne à Savenay.
Pourtant les plus grands massacres de masse n’ont pas encore commencé, nous ne sommes qu’au début de la Terreur en Vendée… En effet, en guise de Pacification le Peuple Vendéen allait subir, entre autres, les 12 colonnes incendiaires dites « infernales », de Turreau, qui devaient s’ébranler au début de l’année 1794, afin de détruire tout ce qui se trouvait en Vendée : êtres humains (enfants, femmes, vieillards, hommes), nourriture (récoltes agricoles), habitations, etc.. Et tout cela sur la base des infâmes décrets d’extermination des 1er août et 1er octobre 1793 (pour plus de détails sur ces décrets, confer les ouvrages de Reynald Secher. L’Extermination de masse est déjà devenue une routine pour Robespierre, le Comité de Salut Public et la Convention Nationale… (page 139) :
« [19 décembre 1793. Garnier de Saintes à la Convention :]
Le succès de la journée du Mans est tel, citoyen collègue, qu’avec les dix mille hommes qui nous arrivent aujourd’hui du Nord, nous avons tout lieu d’espérer que, dans quinze jours, nous serons entièrement débarrassés de cette horde exécrable de brigands. Notre victoire leur coûte au moins dix-huit mille hommes, car dans quatorze lieues de chemin il ne se trouve pas une toise où il n’y ait un cadavre étendu.
On nous amène des prisonniers par trentaines. Dans quatre heures, on les juge. La quatrième on les fusille, dans la crainte que ces pestiférés, trop accumulés dans la ville, n’y laissent le germe de leur maladie épidémique […] On les chasse comme des bêtes fauves, et le nombre de ceux qu’on tue équivaut à ceux qu’on fait prisonniers. »
Le Moniteur, séance du 22 décembre 1793. »
Justement, très récemment, en 2010, les archéologues ont découvert un charnier de la bataille du Mans (pages 142, 143 et 145) :
« [Archéologie de la bataille du Mans. Si, du côté révolutionnaire, on compte officiellement moins de 100 victimes, on en dénombre entre 2 et 5 000 côté vendéen, dont 400 malades ou blessés achevés à l’hôpital, sans parler des quelque 10 000 tués sur la route de Laval. Les fouilles menées en 2010 ont permis de mettre au jour neuf charniers regroupant environ 159 victimes, probablement des combats du centre ville, soit 38 femmes, 70 hommes, 28 adultes de sexe indéterminé, et 23 enfants ou adolescents :]
De nombreux corps portent les stigmates osseux de violents combats à l’arme blanche, mais aussi d’impacts d’armes à feu. Les armes utilisées sont variées (tranchantes ou perforantes) et entraînent des blessures différentes, qu’il convient de caractériser afin de les classifier. Pour les armes à feu, certains projectiles sont fichés dans les chairs et retrouvés lors de la fouille. Ceux-ci montrent l’emploi de fusils, pistolets (balles de différents calibres) mais aussi de pièces d’artillerie (grenaille à base de clous, boulets type biscaïen). La variété des blessures montre plusieurs faciès de combats : corps à corps, charges de cavalerie, canonnades… […]
Les cadavres sont déposés sans ménagement dans les fosses et empilés sur plusieurs couches, sans distinction d’âge ou de sexe (le plus jeune sujet est âgé de 3 à 4 ans, si on exclut le fœtus retrouvé in utero). Les fosses creusées sous forme de tranchées rectangulaires varient en dimension, et surtout en profondeur. Une seule fosse globalement circulaire se détache du lot : fouillée lors du diagnostic de 2009, elle contenait les corps d’adultes uniquement et majoritairement masculins (une seule femme). Les corps sont disposés tête bêche et dans un souci de préservation d’un certain rituel funéraire. Cette différence de traitement a donné lieu à diverses interprétations, dont aucune n’est satisfaisante. Corps de républicains ou de Manceaux ayant bénéficié d’un respect particulier ? Cependant, aucun élément pertinent ne vient confirmer ces faits. Il peut aussi s’agir d’une fosse creusée au début ou à la fin des inhumations, quand l’urgence de l’enfouissement n’était pas aiguë. […] Pour tous les autres charniers, la présence de rares éléments vestimentaires (tissus sous forme d’empreintes conservées dans la chaux, boutons vestimentaires et d’uniforme, cuir et boucles de bronze), indique que les corps sont encore partiellement habillés lors de l’inhumation. Les textes parlent d’un dépouillement des cadavres, cependant certains effets de valeur sont toujours associés à leurs propriétaires et montrent que si dépouillement il y a eu, celui-ci n’a pas été aussi systématique. Parmi les effets de valeur, on peut citer une bourse contenant des monnaies (louis) et une croix ciselée en or. La condamnation des fosses par une forte épaisseur de chaux rend compte de la peur des épidémies… […]
La majorité des projectiles issus de fusils ou de pistolets, de même que les boulets biscaïens, ont été retrouvés dans le charnier 5 ; ils sont accompagnés de nombreux éléments métalliques associés à de la mitraille. La fosse 9 a livré de nombreuses balles aussi. Dans certaines fosses (charnier 8 par exemple) seuls des traces de coups tranchants ont été notés, assénés sur le crâne ou les jambes, ils sont majoritairement portés par l’arrière. »
Élodie Cabot, Pierre Chevet, « Le Mans, Quinconce des Jacobins. Archéologie de la bataille du Mans (12-13 décembre 1793) », Rapport provisoire Institut national de recherches archéologiques préventives. »
Voici un très intéressant courrier daté du 3 novembre 1793 adressé à Robespierre et retrouvé après sa mort, par un capitaine révolutionnaire de l’armée de Mayence, un certain Bouverey, qui approuve la répression lors de la Guerre Civile en 1793 contre la Vendée (position déjà plus que contestable) ; mais qui condamne, en revanche, fermement, la violation des lois qui, pour lui, porte atteinte aux principes même de la Révolution (page 279) :
« (…) Oui, la cruauté ne fait que des lâches, la vertu seule fait les héros.
Que dans aucune guerre, aucun soldat ne mette à mort un homme hors du combat. Que dans aucune guerre, aucun soldat ne s’arroge d’effets sans une distribution légale. Voilà comme devrait débuter le code militaire d’un peuple libre et de tous les peuples. Si tel homme a mérité la mort, si tel autre doit être privé de ses possessions, pourquoi abandonner un point aussi important au caprice de chacun, tandis que la loi peut le décider ? Ô Français, donnons l’exemple ! Que ces deux articles soient consacrés dans nos lois ! Français, défendons la liberté, mais rendons-nous en dignes par nos vertus !
Signé Bouverey, capitaine de la huitième compagnie du deuxième bataillon de la Haute-Saône, de l’armée de l’Ouest, division de Mayence, actuellement à Angers. »
Rapport […] de l’examen des papiers trouvés chez Robespierre […], par E.-B. Courtois […], janvier 1795, p. 248-260. »
Quant à Carrier, il répondrait certainement à Bouverey que, lui, ne fait qu’appliquer les ignobles lois à caractères Terroristes et Totalitaires du 19 mars, du 1er août, du 1er octobre 1793, etc.. D’ailleurs, un autre courrier est également digne d’intérêt : il s’agit justement de celui écrit par Carrier à l’intention du Comité de Salut Public, en date du 11 décembre 1793, dans lequel il démontre la preuve de sa propre responsabilité dans l’Extermination de la Vendée. Dans le même temps, en prévenant le Comité de Salut Public de ses intentions criminelles massives, il implique implicitement et directement le plus haut sommet de l’État (pages 277 et 278) :
« [11 décembre 1793. Carrier au Comité de salut public, de Nantes :]
Vous voyez que mes mesures s’accordent parfaitement avec les vôtres. Je ne fais que les devancer, je suis aussi intéressé que vous à la prompte extermination des brigands. Je crois que vous pouvez, que vous devez même compter sur moi. J’entends, oui, j’entends aujourd’hui le métier de la guerre. Je suis sur les lieux. Restez donc tranquilles, et laissez-moi faire. Aussitôt que la nouvelle de la prise de Noirmoutier me sera parvenue, j’enverrai sur-le-champ un ordre impératif aux généraux Dutruy et Haxo de mettre à mort, dans tous les pays insurgés, tous les individus de tout sexe qui s’y trouveront indistinctement, et d’achever de tout incendier. Car il est bon que vous sachiez que ce sont les femmes qui, avec les prêtres, ont fomenté et soutenu la guerre de la Vendée, que ce sont elles qui ont fait fusiller nos malheureux prisonniers, qui en ont égorgé beaucoup, qui combattent avec les brigands et qui tuent impitoyablement nos volontaires, quand elles en rencontrent quelques-uns détachés dans les villages. C’est une engeance proscrite, ainsi que tous les paysans, car il n’en est pas un seul qui n’ait porté les armes contre la République, dont il faut absolument et totalement purger son sol. »
SHD, B5/7. »
C’est alors que l’on voit apparaître les premières noyades collectives, qui préfigurent ce qui deviendra la « spécialité » de Louis Carrier à Nantes et ailleurs, les mois suivants… (page 145) :
« [26 décembre 1793. Lettre de Bénaben au directoire de Maine-et-Loire :]
Je vous avais écrit [le 23 décembre] qu’on avait fusillé à Savenay plus de douze cents brigands, mais par des renseignements que j’ai pris depuis et que je ne puis révoquer en doute, il paraît qu’on en a fusillé plus de deux mille. On appelle cela envoyer à l’ambulance. Ici [à Nantes] on emploie une toute autre manière de nous débarrasser de cette mauvaise engeance. On met tous ces coquins-là dans des bateaux qu’on fait couler ensuite à fond. On appelle cela envoyer au château d’eau. En vérité, si les brigands se sont plaints quelquefois de mourir de faim, ils ne pourront pas se plaindre au moins qu’on les fasse mourir de soif. On en a fait boire aujourd’hui environ douze cents. Je ne sais qui a imaginé cette espèce de supplice, mais il est beaucoup plus prompt que la guillotine, qui ne paraît désormais destinée qu’à faire tomber les têtes des nobles, des prêtres et de tous ceux qui, par le rang qu’ils occupaient autrefois, avaient une grande influence sur la multitude. »
Arch. dép. du Maine-et-Loire, 1 L 866.3
Durant la Terreur Jacobine, le monstrueux Crime de masse consistant à noyer en grande quantité les victimes, se généralise à une échelle « industrielle » (pages 156 et 157) :
« [Fin décembre 1793, Félix, président de la Commission militaire et Millier, à la Commune de Paris, d’Angers :]
Le nombre des brigands est incalculable. Les fusiller, c’est trop long, on dépense de la poudre et des balles. On a pris le parti de les mettre, un certain nombre, dans de grands bateaux au milieu de la rivière, à une demi-lieue de la ville. On coule le bateau à fond. Cette opération se fait continuellement. Angers, Saint-Florent et autres endroits sont pleins de prisonniers, mais ils n’y restent pas longtemps. Ils auront aussi le baptême patriotique. »
Journal de la Montagne du 2 janvier 1794, lettre lue en séance de la Commune de Paris le 31 décembre 1793. »
Cet autre compte rendu de ce Terroriste de Félix se passe également de tout commentaire (page 158) :
(…) [2 avril 1794, Félix, président de la Commission militaire, au président de la section des sans-culottes, pour être lu séance tenante :]
On brûle tous leurs repaires, on tue tout ce qui se trouve sur la rive gauche de la Loire, parce qu’il ne peut ni ne doit y avoir que des brigands, d’après les mesures prises pour tous les réfugiés patriotes.
Les représentants du peuple Francastel et Hentz, qui voudraient voir le dernier des brigands expirant, parcourent dans ce moment la Vendée, pour passer le grand balai républicain sur cette terre trop longtemps souillée par les coquins de nobles, les scélérats de prêtres et tous leurs prosélytes, assassins de l’égalité et de la liberté. Je crois pouvoir affirmer que dans un mois, cette contrée de la République sera purgée de tous les monstres qui l’infestaient, et qu’ils sera possible d’y envoyer des jeunes républicains et républicaines pour la repeupler. On ferait peut-être très bien, pour ne pas dégarnir nos armées, de donner aux braves défenseurs de la patrie, blessés dans la Vendée ou ailleurs, 15 à 20 arpents de terre pour leur récompense. Ces terres sont très bonnes, et peuvent facilement se passer de fumier, vu la grande quantité de brigands qui les engraisse.
Depuis trois mois que nous sommes stationnés à Angers, 200 scélérats ont porté leur tête sur l’échafaud, et environ 2 000 ont été fusillés. 4 à 500 vont l’être ces jours-ci, et il y a encore dans les maisons d’arrêt de cette commune environ 2 000 prisonniers. Je ne sais comment nous nous en tirerons, car au fur et à mesure que nous jugeons, toujours les prisons contiennent le même nombre de détenus. »
(…) SHD, B5/8, copie XIXe. »
Les fusillades et noyades se multiplient partout en Vendée. Et c’est donc Carrier qui devient le « mettre d’œuvre » des noyades à grande échelle, mais aussi des déportations de masse ; tout particulièrement en ce qui concerne les prêtres réfractaires. Voici quelques passages effroyables, mais significatifs (pages 193, 194, 195, 198, 201, 208, 211, 212, 213, 215 et 216) :
« [7 octobre 1793. Carrier au Comité de salut public, de Nantes :]
Nous avions appelé auprès de nous, à Rennes, le citoyen Héron, officier de marine à Saint-Malo. Notre intention était de lui confier la déportation des prêtres réfractaires, des antiques nonnes et de l’évêque détenus à Rennes. Je connais ce brave officier. Nous lui donnâmes le mot d’ordre, avec mon collègue Pocholle. Il l’eût très bien exécuté, mais il nous objecta qu’il lui était impossible de sortir de la rade de Saint-Malo sans s’exposer à être pris par les bâtiments anglais. Quel dommage ! Il a fallu nous désister de notre salutaire projet. Nous en avons conçu un nouveau : nous faisons conduire tous les êtres malfaisants, que nous avions d’abord désignés à une déportation radicale, au Mont-Saint-Michel. »
Arch. nat., AF/II/185.3
(…) [17 novembre 1793. Carrier à la Convention, de Nantes :]
Toutes les autorités constituées ont été ici régénérées, une Société anti-populaire dissoute, les conciliabules clandestins appelés Chambres littéraires, dispersées. Les fédéralistes, les feuillants, les royalistes sont sous la main de la justice nationale, ainsi que les accapareurs. Des commissaires révolutionnaires exercent la vigilance la plus active et la justice la plus prompte contre tous les ennemis de la République.
L’apostolat de la raison éclairant, électrisant tous les esprits, les élève au niveau de la Révolution. Préjugés, superstitions, fanatisme, tout se dissipe devant le flambeau de la philosophie. Minée, naguère évêque, aujourd’hui président du département, a attaqué, dans un discours très éloquent, les erreurs et les crimes du sacerdoce, et a abjuré sa qualité de prêtre. Cinq curés ont suivi son exemple, et ont rendu le même hommage à la raison.
Un événement d’un autre genre semble avoir voulu diminuer le nombre des prêtres. Quatre-vingt-dix de ceux que nous désignons sous le nom de réfractaires étaient enfermés dans un bateau sur la Loire. J’apprends à l’instant, et la nouvelle en est très sûre, qu’ils ont tous péri dans la rivière. »
Le Moniteur, Lettre lue en séance du 28 novembre 1793, datée par erreur du 7 novembre.
(…) Pierre Berthé (43 ans), charpentier de bateaux, a vu le premier bateau qui a servi à la noyade des prêtres. À chaque côté, il y avait deux trous carrés, par où l’eau entrait. Il a encore vu plusieurs autres gabarres échouées, et toutes construites de même, et on en voit encore plusieurs sur la Loire. »
Bull. du Trib. révol., séance du 5 novembre 1794.
(…) [Goullin, membre du Comité révolutionnaire de Nantes, témoigne :]
J’assure que Carrier m’a ordonné de faire construire des bateaux pour noyer les gens suspects, en me disant que les circonstances exigeaient ces mesures de rigueur, et qu’il a chargé Lamberty de diriger toutes les noyades. »
Bull. du Trib. révol., séance du 3 décembre 1794.
(…) [10 décembre 1793. Carrier à la Convention, de Nantes :]
Citoyens mes collègues, voici la huitième victoire que les troupes de la République viennent de remporter sur la rive gauche de la Loire, contre la bande des brigands commandés par Charette […]
Mais pourquoi faut-il que cet événement ait été accompagné d’un autre, qui n’est plus d’un genre nouveau ? Cinquante-huit individus, désignés sous le nom de prêtres réfractaires, sont arrivés d’Angers à Nantes. Aussitôt, ils ont été enfermés dans un bateau sur la Loire. La nuit dernière, ils ont été tous engloutis dans cette rivière. Quel torrent révolutionnaire, que la Loire ! »
Le Moniteur, Lettre lue en séance de la Convention le 15 décembre 1793.
(…) Jean-Baptiste-Nicolas Crespin (38 ans), perruquier, négociant en vin, membre de la Compagnie Marat, convient avoir été commandé pour la noyade de cent vingt-neuf détenus au Bouffay, et avoir assisté à cette expédition. J’étais, dit-il, sur la gabarre. J’ai vu ces malheureux passer leurs bras et leurs mains à travers les fentes. J’ai vu Grandmaison sabrer ces malheureux : je l’ai vu plonger son sabre dans une des fentes, et j’ai entendu l’un des prisonniers s’écrier : « Ah ! Le scélérat, il me perce ! »
Tous, à fond de cale, jetaient les plus grands cris, et disaient : « Est-ce donc des Républicains qui se conduisent aussi cruellement ? ». »
Bull. du Trib. révol., séance du 3 novembre 1794.
(…) [22 décembre 1793. Carrier du Comité de salut public, de Nantes :]
Carrier donne avis que tout le continent et les marais sur la rive gauche de la Loire sont au pouvoir de la République. […] Il ajoute un mot des miracles de la Loire, qui vient d’engloutir 360 contre-révolutionnaires de Nantes. »
Arch. nat., AF/II/269, analyse.
(…) Pierre Robert, batelier, domicilié à Nantes, déclare avoir été forcé de conduire son bateau pour l’exécution de quatre noyades, qui ont eu lieu l’hiver dernier, dans l’espace d’environ cinq semaines. Un nommé Affilé le somma, au nom de représentant du peuple Carrier, de tenir sa gabarre pontée vis-à-vis la cale Chorand.
La première noyade eut lieu sur cinquante-huit personnes attachées deux à deux. Huit jours après, huit cents personnes de tout âge, de tout sexe, furent conduites et noyées vis-à-vis Chantenay. La troisième noyade eut lieu huit jours après sur quatre cents individus liés deux à deux, les mains derrière le dos, aussi vis-à-vis Chantenay. Dix jours après, il y eut une quatrième noyade sur environ trois cents individus des deux sexes, de tout âge, qui furent conduits vis-à-vis Chantenay.
Les mariniers employés à ces quatre expéditions étaient sans cesse menacés, battus par les commandants pour aller plus vite. Ils n’ont été payés que pour le première expédition. »
Le Moniteur, séance de la Convention du 23 novembre 1794, déclaration du 22 octobre 1794 à l’invitation de Comité de surveillance de Nantes.
(…) Pierre-Martin Naudine (49 ans), ci-devant inspecteur de l’armée de l’Ouest, et à présent régisseur de fourrages, donne de nouveaux renseignements sur les noyades.
Étant un jour chez Carrier, dit ce témoin, Lamberty dit à plusieurs généraux qui étaient dans l’appartement de ce représentant, en leur montrant la rivière : Il y en a déjà passé deux mille huit cents. L’un de ces généraux demande ce que l’on entend par l’indication. Carrier répond : Eh bien, oui ! Deux mille huit cents dans la baignoire nationale (ce fait est du mois de nivôse [entre le 21 décembre 1793 et le 19 janvier 1794]).
J’ai vu aussi dans le même temps, continue le témoin, Lamberty et Fouquet conduire environ cinq cents hommes et deux cent cinquante femmes, tous attachés. On me dit qu’on les conduisait à l’eau. »
Bull. du Trib. révol., séance du 30 octobre 1794.
[Georges Thomas, officier de santé, dépose :]
Ayant reçu l’ordre de la Commission militaire d’aller constater la grossesse d’un grand nombre de femmes détenues à l’Entrepôt, je trouvai, en entrant dans cette affreuse boucherie, une grande quantité de cadavres épars çà et là. Je vis des enfants palpitants ou noyés dans des baquets pleins d’excréments humains. Mon âme était brisée. Je traverse des salles immenses. Mon aspect fait frémir les femmes : elles ne voyaient d’autres hommes que leurs bourreaux. Je les rassure, je leur parle de langage de l’humanité. Je constate la grossesse de trente d’entre elles : plusieurs étaient grosses de sept à huit mois. Quelques jours après, je reviens voir ces femmes que leur état rendait sacrées et chères à l’humanité.
(…) Quant aux noyades, mot nouveau qui (comme l’observé Tronson-Ducoudray dans son éloquent discours pour quelques-uns des quatre-vingt-quatorze Nantais) a servi à consacrer un forfait nouveau, Goullin avait trouvé plaisant d’appeler ces barbares expéditions des baignades. Ce mot était doux, il offrait une idée agréable, un contraste frappant entre le mot et la chose. Ces noyades s’appelaient encore immersions, déportations verticales : cette dernière dénomination était de l’invention de Carrier. »
Bull. du Trib. révol., séance du 19 octobre 1794.
(…) Victoire Abraham, femme Pichot (25 ans), demeurant à la Sécherie, près Nantes, est entendue. Je déclare, dit ce témoin, avoir vu, du 18 au 20 brumaire [8 au 10 novembre], des charpentiers faire des trous à une sapine, ou gabarre, et le lendemain j’appris qu’on avait noyé des prêtres. […]
Lorsqu’on effectuait une noyade, on faisait descendre de la galiote dans un chaland (espèce de bateau) ceux qu’on voulait expédier. Ces chalands avaient des trous pratiqués exprès, par lesquels l’eau s’introduisait et faisait couler le vaisseau. J’en ai vu plusieurs submergés de cette manière : il fallait un chaland pour chaque noyade. On a noyé à Nantes pendant deux mois.
Je vis un jour amener des prisonniers sur des charrettes. Ils venaient de l’Entrepôt : on les disposa dans une galiote où on les oublia pendant 48 heures. On avait eu la précaution de fermer le pont. Lorsqu’il fut ouvert, on trouva soixante malheureux étouffés. On les fit enlever par d’autres prisonniers qu’on venait d’amener. Robin, le sabre à la main, fit jeter ces cadavres dans la Loire. Cette opération finie, il fait mettre à nu tous les prisonniers, hommes, femmes et enfants, on leur lie les mains derrière le dos, on les fait entrer dans un chaland, où ils sont noyés.
Le président dit au témoin. Cette noyade s’est-elle faite de jour ou de nuit ?
Le témoin. Elle s’est faite en plein jour. J’observe que les noyeurs se rendaient très familiers avec les femmes, qu’ils les faisaient même servir à leurs plaisirs, lorsqu’elles leur plaisaient, et ces femmes, pour récompense de leurs complaisances, obtenaient l’avantage précieux d’être exceptées de la noyade. »
Bull. du Trib. révol., séance du 25 octobre 1794.
(…) Guillaume Girault (46 ans), matelot de la Durance [galiote prison], donne de nouveaux détails sur les noyades. Les expéditions dont il a été le témoin oculaire, étaient toujours de trois à quatre cents individus pour le moins. On y remarquait des jeunes femmes, d’autres enceintes. Il en est même accouché dans le navire destiné à engloutir et la mère et son fruit. »
Bull. du Trib. révol., séance du 6 novembre 1794.
Mathurin Lambert (33 ans), sculpteur à Nantes, a été témoin des noyades exécutées de jour et de nuit. J’ai vu, dit-il, les rives de la Loire couvertes de corps morts. J’ai vu, sur ces rives, des cadavres d’enfants de 7 à 8 ans. J’ai vu le cadavre d’une femme toute nue, qui serrait encore son enfant dans ses bras. J’ai vu des cadavres nus de jeunes filles et de jeunes garçons. »
Bull. du Trib. révol., séance du 1er novembre 1794. »
Voici des exemples de discours à caractères Terroristes, Totalitaires, et Génocidaires de Carrier envers le Peuple Vendéen (page 235, 237, 238, 245) :
« [13 décembre 1793. Lettre de Carrier à Haxo :]
J’apprends à l’instant, mon brave général, que des commissions du département de la Vendée veulent partager avec ceux du département de la Loire-Inférieure, les subsistances ou fourrages qui se trouveront dans Bouin ou dans Noirmoutier. Il est bien étonnant que la Vendée ose réclamer des subsistances, après avoir déchiré la patrie par la guerre la plus sanglante, la plus cruelle. Il entre dans mes projets, et ce sont les ordres de la Convention nationale, d’enlever toutes les subsistances, les denrées, les fourrages, tout, en un mot, de ce maudit pays : de livrer aux flammes tous les bâtiments, d’en exterminer tous les habitants, car je vais à l’instant t’en faire passer l’ordre. Et ils voudraient encore affamer les patriotes, après les avoir fait périr par milliers ! »
Bull. du Trib. révol., séance du 2 décembre 1794.
[Déposition de Simon Poulet, 25 ans, serrurier :]
Carrier est venu à Montaigu. J’étais avec le général Cordellier. On nous mit sous les armes. Carrier dit : « Braves défenseurs de la patrie, vous qui avez porté le nom d’armée infernale à l’armée du Nord, j’espère qu’ici vous vous ferez respecter de même. Exécutez les ordres. » Il dit qu’il ne fallait rien épargner, mettre le feu partout, n’épargner ni femmes ni enfants, tout fusiller, et le feu a été mis partout : Cholet, Tiffauges, Coron, une partie de ceux de Tiffauges fusillés, d’autres envoyés à Nantes, les femmes et les enfants, tous de même, fusillés. »
Arch. de la Préfecture de Police, AA/269, séance du 8 décembre 1794.
(…) [31 décembre 1793. Lettre d’un Nantais, lue en séance de la commune de Paris :]
Le citoyen Minier donne lecture de la lettre suivante, qui lui est adressée par un de ses amis, de Nantes. Mon ami, je t’annonce avec bien du plaisir que les brigands sont enfin détruits. Les généraux, les représentants et l’armée qui étaient à leur poursuite doivent rentrer aujourd’hui en ville. Le nombre des brigands qu’on a amenés ici depuis huit jours est incalculable ; il en arrive à tout moment. La guillotine étant trop lente, et comme en les fusillant c’est aussi trop long et qu’on use de la poudre et des balles, on a pris le parti de les mettre en certain nombre dans de grands bateaux, de les conduire au milieu de la rivière, à demi-lieue de la ville, et là on coule le bateau à fond. Cette opération se fait continuellement.
On a amené ici les caissons et les canons qui restaient encore aux brigands. Tous les chefs sont presque tués. Il ne restera pas un seul brigand, car on ne fait grâce à aucun. Il y a encore quelques détachements de nos troupes qui fouillent tous les villages aux environs de Savenay, parce que l’on retrouve encore et des armes et quelques brigands qui se sont cachés dans les maisons. Mais il y en a peu, car il n’en est peut-être pas échappé 600, qu’on reprendra à Angers. Ancenis, Saint-Florent et autres endroits sont pleins de prisonniers. Mais ils n’y resteront pas longtemps, car sans doute ils auront aussi le baptême patriotique.
PS. Les brigands sont absolument aux abois, dissous, pris, exterminés. Il n’en reste plus qu’une poignée à Noirmoutier, qu’on doit chauffer aujourd’hui. Un fois Noirmoutier en notre pouvoir, ce qui ne peut être long, une battue comme l’on fait la chasse aux loups dans l’intérieur de la Vendée, et tout le pays sera entièrement délivré de cette race exécrable. »
Le Moniteur.
(…) [Laignelot, député de Paris :]
Avant que Carrier fût dénoncé, j’avais dit ce fait [les noyades] à plusieurs de mes collègues. J’allai voir Robespierre, qui était incommodé. Je lui peignis toutes les horreurs qui s’étaient commises à Nantes. Il me répondit : « Carrier est un patriote, il fallait cela dans Nantes ». »
Le Moniteur, séance de la Convention du 23 novembre 1794. »
Ainsi, les témoignages d’horreur de l’Extermination (Génocide) Vendéen s’enchaînent (page 259) :
« [Alexandre Mariotte, horloger :]
Pinard s’écartait de la route pour égorger les femmes et les enfants. Tout le monde connaît ces traits monstrueux. Il étayait sa férocité sur un arrêté qui, disait-il, ordonnait de ne rien épargner. Ainsi, des volontaires sans principes, sans mœurs, sans humanité, pilaient, massacraient, égorgeaient hommes, femmes et enfants. »
Bull du Trib. révol., séance du 19 novembre 1794.
[Verdict du Tribunal révolutionnaire condamnant Pinard à mort :]
Pinard est convaincu d’avoir commis plusieurs assassinats de femmes et d’enfants, d’avoir volé une somme de 4 000 livres à la famille Labauce, et d’avoir incendié plusieurs habitations, et qu’il l’a fait dans des intentions criminelles. »
Bull. du Trib. révol., séance du 16 décembre 1794. »
(…) [Georges Thomas, officier de santé :]
J’accuse le Comité révolutionnaire, en général, d’avoir fait noyer ou fusiller quatre à cinq cents enfants, dont les plus âgés n’avaient peut-être pas quatorze ans. Mainguet m’avait un jour donné un bon pour prendre et choisir dans l’Entrepôt deux enfants que je voulais adopter : j’en choisis un de onze ans, et l’autre de dix-sept ans. Le lendemain, plusieurs de mes amis, que j’avais engagés à nourrir et élever chez eux plusieurs de ces êtres infortunés, se rendent avec moi à l’Entrepôt pour les prendre. Ces petits innocents n’existaient plus, ils avaient tous été noyés. J’assure en avoir vu la veille dans cette maison plus de quatre à cinq cents.
Vaugeois, accusateur de la Commission militaire de Nantes […] déclare qu’il a écrit dix à douze fois à l’administration du district, qu’il s’est rendu plus de vingt fois au Comité [révolutionnaire] pour solliciter la remise de ces malheureux enfants et leur envoi dans une maison propre à les élever, et qu’il n’a rien obtenu. Il a en outre écrit au Comité de sûreté générale, qui ne lui a fait aucune réponse. Enfin il s’est hasardé d’en parler à Carrier, qui lui répliqua avec fureur : « Tu es un contre-révolutionnaire, point de pitié, ce sont des vipères qu’il faut étouffer… »
Le président de la Commission militaire [Bignon] rapporte qu’un citoyen de Nantes, s’étant rendu à l’Entrepôt, aperçut un grand monceau de cadavres. C’étaient des enfants, plusieurs palpitaient encore et luttaient contre les horreurs du trépas. Ce généreux citoyen cherche parmi ce tas de cadavres. Un enfant agitait ses bras, il le saisit, il l’emporte, et dérobe ainsi à la mort et à ses cruels ministres, l’une de leurs faibles et innocentes victimes. […] En vain la Commission militaire représentait-elle à Carrier et au Comité révolutionnaire, que les jeunes enfants déposés dans les prisons pouvaient être utiles aux armateurs, et qu’il fallait les leur livrer. Carrier avait prononcé l’arrêt de mort de ces enfants, il eut la barbarie de le faire exécuter. »
Bull. du Trib. révol., séance du 19 octobre 1794. »
Après avoir analysé le comportement et la responsabilité de Carrier dans l’Extermination du Peuple Vendéen, dans la première partie de son ouvrage, Alain Gérard s’intéresse à l’autre grand Criminel de masse de l’Extermination de la population Vendéenne : Louis Turreau. Comme nous avons déjà vu que Carrier a informé le Comité de Salut Public de ses agissements, le 19 décembre 1793, à la fin de la Guerre Civile, Turreau écrit également au Comité de Salut Public pour l’avertir de sa volonté de poursuivre l’extermination de la Vendée. Voici le début de son contenu particulièrement important et explicite (page 283) :
« [19 décembre 1793. Turreau au Comité de salut public, d’Angers :]
La guerre de Vendée n’a duré que trop longtemps. Elle doit toucher à son terme, et si en subvenant aux besoins des soldats que je commande, on les met à portée de seconder la pureté de mes intentions, j’espère justifier bientôt la confiance dont vous m’avez honoré. » […]
SHD, B5/7.
Puis il précise clairement ses intentions dans le courrier du 25 décembre (page 286) :
« [Fin décembre 1793. Analyse de la lettre du 25 décembre de Turreau au Comité de salut public :]
Turreau demande que le Comité approuve le plan qu’il a conçu de traverser la Vendée en 12 colonnes pour assurer l’anéantissement total des rebelles. »
SHD, B5/7. Manque. »
Le 17 janvier 1794, Turreau lance donc ses six premières colonnes infernales (page 302) :
« 17 janvier 1794. Ordre du général en chef [Turreau] : N°1er. Le général D[uval] prendra toutes les troupes qui se trouvent à Niort, Saint-Maixent et Parthenay, en formera deux colonnes, la droite un peu plus forte que la gauche.
(…) On emploiera tous les moyens de découvrir les rebelles. Tous seront passés au fil de la baïonnette. Les villages, métairies, bois, landes, genêts, et généralement tout ce qui peut être brûlé, seront livrés aux flammes.
Pour faciliter cette opération, on fera précéder chaque colonne par 40 ou 50 pionniers ou travailleurs, qui feront les abattis nécessaires dans les bois ou forêts, pour propager l’incendie.
Aucun village ou métairie ne pourra être brûlé qu’on n’en ait auparavant enlevé tous les grains battus ou en gerbes, et généralement tous les objets de subsistance. Et, supposant que l’enlèvement de ces objets éprouvât quelque retard et empêchât qu’on ne brûlât sur-le-champ les villages et métairies qu’on doit incendier, les colonnes les épargneront pour ne pas différer leur marche. Mais, quelque chose qui arrive, les chefs de chaque colonne ne pourront se dispenser d’être rendus le 27 janvier au dernier lieu qui leur est indiqué.
Seront exceptés de l’incendie général les communes et bourgs ci-après indiqués : Clisson, Saint-Florent, Montaigu, La Châtaigneraie, Sainte-Hermine, Machecoul, Chalonnes, Chantonnay, Saint-Vincent [-Sterlanges ?], Cholet, Bressuire, Argenton-le-Peuple, Fontenay-le-Peuple. »
Savary, t. III, p. 42-44, Arch. nat., W22, dossier 6, pièce 38, instruction nominative à Cordellier. »
« [18 janvier 1794. Turreau aux directoires des districts environnants, de Doué :]
Les brigands qui étaient répandus sur la rive droite de la Loire sont anéantis. Il ne reste plus qu’à purger le premier théâtre de leurs fureurs. J’ai donné les ordres nécessaires pour que la Vendée soit traversée par douze colonnes chargées de faire en tous lieux la fouille la plus scrupuleuse. Mais, malgré toutes les précautions que j’ai prises, quelques-uns de ces scélérats pourraient se soustraire en cherchant dans les départements voisins un asile, si vous ne secondiez de la surveillance la plus active les mesures que j’ai adoptées. »
Savary, op. cit., t. III, p. 46. »
« [18 janvier 1794. Objections faites à Turreau et réponse de celui-ci :]
Le 29 nivôse dernier [18 janvier], la majeure partie des généraux de l’armée de l’Ouest s’assemble à Doué, sur la convocation du général en chef Turreau qui arrivait des Pyrénées. Ce général propose le plan de tout incendier et tuer dans le territoire dit de la Vendée. Différentes réclamations furent faites par des généraux qui avaient fait la guerre avec succès, qui l’avaient terminée, car il ne restait plus que la bande de Charette et celle de La Rochejaquelein, dispersées et épuisées. Le général n’entendit rien, lui seul prononça […].
Rien n’arrêta le général en chef dans sa détermination. Son secrétaire lui fit une observation très sage. Il observa au général qu’il serait convenable de soumettre ce plan au Comité de salut public, aux représentants du peuple avant de passer à l’exécution, qu’ils pourraient avoir quelques réflexions à faire. Le général lui répondit que cela serait trop long et ne finirait pas, qu’il suffisait de leur transmettre l’arrêté pris. »
Arch. nat., W/22, dossier 6, pièce 19, rapport de Périot, premier conducteur de travaux publics de la division de Fontenay, du 5 octobre 1794. Également Arch. dép. Vendée, L 1365, f° 3, déclaration du même devant la Société populaire de Fontenay, même date. »
Se sentant quelque peu lâché par son entourage, Turreau, toujours dans un souci de se couvrir pour ses très grands Crimes, envoi un nouveau courrier au Comité de Salut Public pour confirmer son plan d’Extermination de la Vendée (pages 304, 305, 324, 325 et 326) :
« [19 janvier 1794. Turreau au Comité de salut public, de Doué :]
Je le répète, citoyens représentants, je regarde comme indispensable la mesure de brûler villes, villages et métairies, si l’on veut entièrement finir l’exécrable guerre de la Vendée. Sans quoi, je ne pourrais répondre d’anéantir cette horde de brigands, qui semblent trouver chaque jour de nouvelles ressources. J’ai donc lieu d’espérer que vous l’approuverez. Je vous demande la grâce de me répondre par le même courrier. J’ai d’autant plus besoin de votre réponse, que je me trouve dans ce moment-ci abandonné de vos collègues. Les représentants du peuple près cette armée, malgré mes sollicitations, ne sont point auprès de moi. Je vous envoie copie d’une lettre que je leur ai écrite [le 16] pour les y inviter. Vous verrez qu’on m’abandonne à mes propres forces, et cependant jamais général républicains n’eut plus besoin d’être étayé du pouvoir des représentants du peuple. »
Savary, op. cit., t. III, p. 48-50.
(…) 21 janvier 1794. Colonne n° 3 [Bourcet] à Turreau, de Maulévrier : Point de métairies, bourgs et villages sur la droite et sur la gauche à une lieue de Maulévrier, où je suis, qui n’aient été visités. Partout on y rencontre des grains et fourrages en quantité. Ne trouvant pas suffisamment de charrettes pour en faire l’enlèvement, je n’ai pu incendier. Je fais charger ici tous les grains, foins et subsistances qui, je crois, seront évacués demain. Je n’attends que ce moment pour incendier tout : en attendant, je purge le pays de tout ce qu’il peut y avoir de gens suspects, sans en ménager aucun. »
Savary, t. III, p. 59.
(…) [24 janvier 1794. Turreau à Bouchotte, ministre de la Guerre :] Douze colonnes parties de Parthenay, Bressuire, Doué, Angers, etc., sont en mouvement depuis trois jours. Tu connais les mesures que j’ai prises pour préserver les subsistances de l’incendie. Elles sont immenses et, malgré l’empressement que l’on met à les enlever et les porter sur les derrières, le nombre des voitures n’étant pas suffisant, la marche de nos colonnes en est un peu retardée, mais elles n’en seront pas moins rendues le 8 de ce mois [27 janvier] au point qui leur est indiqué dans l’ordre général.
L’on fusille tous les jours un grand nombre de brigands que l’on trouve éparpillés, mais je viens d’être instruit positivement qu’il y avait plusieurs rassemblements qui cherchaient à se réunir. J’espère que je les préviendrai. […]
J’apprends dans l’instant qu’un des chefs d’une des colonnes de droite en a fait fusiller hier 300, et qu’il y a à quatre lieues de moi un rassemblement de 3 000 hommes, qui ne sont cependant pas de l’armée de Charette. Tu vois, citoyen ministre, combien on en a imposé en disant qu’il n’existait plus de brigands. Cette race infernale semble renaître de sa cendre. Il n’y a pas de jour qu’on n’en tue 200. […]
Quelques moyens que l’on ait employés, on n’a pu parvenir à incendier les forêts, et cependant il faut absolument qu’elles soient détruites. […] Tu connais, citoyen ministre, mes sentiments pour toi et mon dévouement aux intérêts de la République. Salut et fraternité. »
SHD, B5/8.
[24 janvier. Turreau au Comité de salut public, de Cholet :]
J’ai commencé l’exécution du plan que j’avais conçu, de traverser la Vendée sur douze colonnes. Haxo, que j’ai prévenu de ce mouvement, a divisé ses forces en huit parties qui marchent à ma rencontre et qui viendront bientôt aboutir à mes deux extrémités. Ce qui reste de rebelles ainsi cernés, je ne crois pas qu’il en puisse échapper, c’est du moins le moyen le plus sûr de parvenir à leur parfait anéantissement. Mes colonnes de droite et de gauche, aux ordres des généraux [Bonnaire ?], Duval, Grignon, Boucret, Cordellier et Moulin, ont déjà fait merveille : pas un rebelle n’a échappé à leurs recherches. […] Enfin, si mes intentions sont bien secondées, il n’existera plus dans la Vendée, sous quinze jours, ni maisons, ni subsistances, ni armes, ni habitants que ceux qui, cachés dans le fond des forêts, auront échappé aux plus scrupuleuses perquisitions. Car, citoyens représentants, je dois vous observer que je désespère de pouvoir incendier les forêts, […]. Je vous invite, citoyens représentants, à vous occuper au plus tôt de l’arrêté à rendre à cet égard [abattre les futaies], de la réorganisation des autorités constituées, des indemnités à accorder à ceux dont les habitations sont incendiées, à charge pour eux d’aller habiter une autre contrée. Il faut qu’elles soit évacuée en entier par les hommes mêmes qu’on croit révolutionnaires, et qui peut-être n’ont que le masque du patriotisme. Vous serez sans doute étonnés de ce qu’il existe encore à faire pour terminer une guerre que depuis trop longtemps on vous a présentée comme une chimère. Je sais combien il est défavorable pour moi d’avoir à combattre des ennemis dont on s’acharne à nier l’existence, mais je ne consulte point ma gloire. […]
Voilà, citoyens représentants, la troisième lettre que je vous écris sans obtenir de réponse. Je vous prie de vouloir bien me dire si vous approuvez mes dispositions, et m’instruire par un courrier extraordinaire des nouvelles mesures que vous adopteriez, afin que je m’y conforme aussitôt. Je ne puis que vous donner ici l’extrait de mes idées sur les opérations à faire dans la Vendée. J’attends les représentants du peuple, qu’il est indispensable d’envoyer, pour leur en communiquer tous les détails. »
SHD, B5/8. »
Voici à présent, le terrifiant témoignage d’un autre témoin direct de l’implacable avancée exterminatrice des colonnes infernales de Turreau (pages 337 et 338) :
« [Janvier-février 1794. Témoignage de Jean-Baptiste Beaudesson ;]
Beaudesson, agent en chef des subsistances militaires à l’armée de la Loire […] après avoir prêté serment de dire la vérité entière, de parler sans haine ni crainte, [a] déclaré ce qui suit.
(…) C’était d’après ces seuls interrogatoires incompétents, qu’on ordonnait, de l’œil, de fusiller les prévenus. On avait encore la barbare compassion de leur taire leur sort. On les sortait du lieu des séances, qui ordinairement avaient lieu après dîner, pour les conduire, leur assurait-on, soit à l’hôpital, soit à l’ambulance ou derrière la haie. Le mot de maximum était, comme les précédents, l’indice certain de leur mort prochaine. Aussi, chaque jour voyait-il de nouveaux forfaits en ce genre. Je n’ai pas la plus légère notion d’où pouvaient provenir ces ordres sanguinaires, qui n’étaient exécutés que sur ceux, verbaux, de l’état-major. […]
Je tire le rideau sur tous les propos sanguinaires que j’ai entendus et sur les horreurs dont j’ai été témoin le long de la route de Cholet à Vihiers, qui était jonchée de cadavres, les uns morts depuis trois à quatre jours, et les autres venant d’expirer. Les yeux ne se portaient partout que sur des images sanglantes. Partout, les champs voisins du grand chemin étaient couverts de victimes égorgées. Voulant connaître et m’assurer par moi-même s’il restait encore des subsistances à enlever des maisons éparses çà et là et à moitié brûlées, je me transportai dans quelques-unes. Mais qu’y trouvai-je ? Des pères, des mères, des enfants de tout âge et de tout sexe, baignés dans leur sang, nus, et dans des postures que l’âme la plus féroce ne pourrait envisager sans frémissement. L’esprit se trouble même en y pensant.
Pendant mon séjour à Nantes, où les affaires de service m’appelaient, le représentant Carrier ne s’y est point trouvé. Je n’ai appris les fusillades et noyades qui y ont eu lieu, que par des voies indirectes et étrangères. J’ignore absolument d’où provenaient ces ordres d’atrocité et de barbarie. »
Arch. nat., W/22, dossier 1, pièce 29, déclaration reçue le 6 octobre 1794 par Antoine Mandard, officier de police et de sûreté générale à l’armée de l’Ouest. »
C’est le 6 février 1794 que Turreau reçoit enfin, la lettre qu’il attendait depuis le mois de décembre 1793 de la part du Comité de Salut Public. Cette lettre avalise donc le plan d’action Exterminateur par les 12 colonnes infernales (page 346) :
« [6 février 1794. Le Comité de salut public à Turreau :]
Tu te plains de n’avoir pas reçu du Comité l’approbation formelle de tes mesures. Elles lui paraissent bonnes et tes intentions pures ; mais, éloigné du théâtre de tes opérations, il attend les grands résultats pour prononcer dans une matière sur laquelle on l’a déjà trompé tant de fois, aussi bien que la Convention nationale. Les intentions de Comité ont dû t’être transmises par le ministre de la Guerre. Nous nous plaignons nous-mêmes de recevoir trop rarement de tes nouvelles. Extermine les brigands jusqu’au dernier, voilà ton devoir. Nous te prescrivons surtout de ne pas laisser une seule arme à feu dans les départements qui ont participé à la révolte et qui pourraient s’en servir encore. Armes-en les soldats de la liberté. Nous regarderons comme traîtres tous les généraux, tous les individus qui songeraient au repos, avant que la destruction des révoltés soit entièrement consommée. »
Arch. Nat., AF/II/280.
Et Turreau de jubiler fanatiquement à cette validation du Comité de Salut Public (page 347, 353 et 354 ) :
« [9 février 1794. Turreau au Comité de salut public, de Nantes :]
Après avoir donné aux différents chefs de colonne les instructions qui se sont trouvées conformes à l’arrêté que vous m’avez envoyé, et qui n’étaient qu’une conséquence de la loi du mois d’août, je m’étais rendu momentanément à Nantes, où m’appelaient plusieurs opérations relatives à la défense des côtes et aux autres points de mon commandement […].
[Il annonce le suicide du général Moulin]. J’avais raison de dire depuis longtemps que la guerre de la Vendée n’était qu’assoupie, qu’elle serait devenue plus terrible que jamais, si on ne se fût empressé d’adopter de grandes mesures. Il faut encore passer vingt mille de ces scélérats au fil de la baïonnette. Je ferai tout pour terminer, mais j’ai le plus grand besoin, pour y parvenir, du concours de représentants du peuple qui veuillent bien m’aider de leurs conseils et de leur autorité.
Le désarmement s’exécute, les subsistances abondent dans nos magasins. Sans la négligence des employés, les intentions de Comité de salut public eussent été mieux secondées. J’ai reçu avec plaisir l’approbation que vous avez donnée aux mesures que j’ai prises. Rien ne pourra altérer mon attachement à la cause sacrée que j’ai résolu de défendre jusqu’à la mort. »
SHD, B5/8.
« [10 février 1794. Arrêté du Comité de salut public :]
Le Comité de salut public arrête que les représentants du peuple Hentz et Garrau se rendront sans délai près du général en chef de l’armée de l’Ouest, pour concerter avec lui les moyens d’exterminer les derniers rassemblements de brigands qui viennent de se former. […] Ils rendront le général de l’armée responsable de négligence ou du défaut d’activité des opérations si, sous quinzaine, les brigands, tant en deçà qu’au-delà de la Loire, ne sont pas totalement anéantis. Ils sont enfin investis de pouvoirs illimités pour ordonner toutes les mesures que le bien de la République leur paraîtra exiger dans cette partie de son territoire. Jeanbon Saint-André, C.-A. Prieur. »
Arch. nat., AF/II/278.
« [10 février 1794. Décret de la Convention :]
La Convention nationale décrète que le Comité de salut public est autorisé à faire opérer, dans la Vendée et les départements qui ont participé à la révolte, les désarmements qu’il croira nécessaires à l’intérêt de la chose publique ; décrète que les citoyens qui, étant requis de déposer leurs armes en vertu d’un arrêté du Comité de salut public ou des représentants du peuple envoyés sur les lieux, s’y refuseraient, seront traduits devant une commission militaire et punis comme complices des rebelles. »
Archives parlementaires, t. LXXXIV, p. 540.
(…) « [15 février 1794, Turreau à Bouchotte, ministre de la Guerre :]
C’est un vrai plaisir pour moi, de t’annoncer les nouveaux succès qu’ont obtenus les armes de la République. Le général de division Cordellier m’annonce deux victoires remportées aux environs de Beaupréau et de Montrevault.
Quinze cents brigands ont mordu la poussière, deux cents se sont noyés dans l’Èvre. […]
Et l’on disait qu’il n’y avait plus de brigands, et depuis que je suis entré dans la Vendée, en voilà plus de douze mille qui sont exterminés, et je ne cesse de faire brûler partout et de tuer ces coquins, et l’on dit que je cherche à prolonger cette guerre et qu’il n’y a que Marceau ou Westermann qui puisse la finir.
Je braverai la malveillance, citoyen ministre, quand j’aurai ta confiance et que je serai sûr de n’avoir pas démérité auprès de toi et du Comité de salut public. Tu sais que, sans aucune autorisation, j’ai pris les mesures les plus rigoureuses pour terminer cette guerre affreuse. Le Comité de salut public a bien voulu, depuis, y donner sa sanction. Mais j’étais tranquille : je me reposais, qu’il me soit permis de le dire, sur la pureté de mes intentions. »
SHD, B5/8.
« [18 février 1794. Barère devant la Convention :]
On balaye avec le canon le sol de la Vendée, on le purifie avec le feu. On trie sa population, on épure ses principes, on élabore l’esprit public qui n’a été jusqu’à ce moment que l’esprit du fanatisme, de la rébellion et du royalisme.
Le Comité ne vous parle pas de cette partie honteuse de la République que pour ne plus vous en parler davantage pendant la campagne prochaine. Au moment où quatorze armées de Républicains vont se précipiter sur les royaumes ennemis, le royaume de Vendée doit avoir disparu avec ses aimés et fidèles sujets. »
Le Moniteur. »
Le 10 juin 1794, c’est l’instauration de la Grande Terreur par la loi du 22 prairial, faisant monter encore d’un cran (si cela est encore possible !), la volonté exterminatrice du Comité de Salut Public, à l’encontre de la Vendée, en supprimant les dernières garanties juridiques.
Et l’horrible litanie des Crimes individuels et de masse, plus abominables les uns que les autres, continue…
Finalement, la Grande Terreur livrée à elle-même s’effondre, par une purge du Parti. L’un des premiers purgés, le 9-Thermidor (le 27 juillet 1794), est Robespierre lui-même. La Grande Terreur ne prend fin que progressivement après la mort de Robespierre, tellement la violence s’est ancrée dans l’esprit de la Révolution.
À la fin de son passionnant ouvrage, Alain Gérard nous précise qu’il a fait le choix de ne pas élargir son étude aux systèmes Totalitaires du XXème siècle, compte tenu de l’immense somme fondamentale de documents déjà réunie ici.
Mais on ne peut pas ne pas évoquer le Totalitarisme Communiste tant les similitudes et les inspirations sont nombreuses entre les deux Terreurs. D’ailleurs, il s’agit d’une simple évidence, puisque depuis toujours : Lénine et Trotski, les premiers, se sont toujours revendiqués de s’être largement inspirés de la Révolution Française. Ils connaissaient parfaitement bien son déroulement, et même certainement beaucoup mieux que nombres d’entre nous. Malheureusement, ils se sont exclusivement inspirés de la Terreur de 1793-1794 ; et pas du tout, des Droits de l’Homme ! C’est le moins que l’on puisse dire…
Bref, le mimétisme est donc impressionnant entre la Terreur des Bolcheviques (Communistes) Soviétiques copiée sur celle des Jacobins Français. Voici quelques-unes des nombreuses similitudes :
1/ Première similitude et non des moindres : chacun des deux régimes Terroristes a fait officiellement décrété la Terreur : les Jacobins, le 5 septembre 1793 ; et les Communistes le 5 septembre 1918. Incroyable hasard du calendrier ou volonté de Lénine de faire correspondre les deux dates… ? L’anecdote calendaire reste saisissante.
2/ Ensuite la terminologie commune employée : « contre-révolutionnaires », « ennemis du peuple », « brigands », lois des « suspects » et des « otages », « buveurs de sang », la notion à caractère Totalitaire de l’ »Homme Nouveau », etc..
3/ L’instauration d’un Tribunal Révolutionnaire Terroriste et arbitraire ;
4/ Le régicide : l’exécution à la guillotine de Louis XVI et de Marie-Antoinette en France, en 1793 ; et les exécutions sommaires du Tsar Nicolas II, de son épouse, de ses jeunes enfants, des employés de maison, en juillet 1918, et d’une grande partie de la famille Tsariste, en Russie ;
5/ En ce qui concerne les noyades de masse dans la Volga en Russie, Lénine et Trotski se sont là encore largement inspirés des noyades de masse de Nantes, notamment… ;
6/ Les déportations massives de catégories : de « classes » sociales chez les Terroristes Bolcheviques (Lénine, Trotski et Staline), comme les « Koulaks » (paysans un peu moins pauvres que les autres), puis la « Dékoulakisation » sous Staline ; et entre autres, les prêtres réfractaires chez les Terroristes Jacobins ;
7/ L’Arme de masse de la faim : les réquisitions et/ou destructions de toutes les subsistances et récoltes sur le sol Vendéen, par les Jacobins ; et la politique Terroriste du « Communisme de Guerre », c’est-à-dire des réquisitions forcées des récoltes agricoles dans la paysannerie Russe par Lénine, Trotski et Staline. Dramatiquement, l’Arme de la faim a été une Arme de destruction massive largement répandue dans l’univers Totalitaire Communiste ! ;
Etc..
Bref, comme sous tous les régimes à caractères Totalitaires, les Vendéens (enfants, femmes, vieillards, hommes) ont été exterminés, non pas pour ce qu’ils faisaient, mais pour ce qu’ils étaient !
En conclusion :
Quelle curieuse façon d’appliquer la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, en mettant en place la Terreur Institutionnalisée et son ignoble et infini cortège d’actes de barbarie ! Chacun tentant vainement de minimiser sa responsabilité dans cet odieux Génocide Vendéen et/ou en la rejetant sur les autres, après le 9 Thermidor, lors des différents procès. La Convention Nationale chercha à minimiser et focaliser la responsabilité uniquement sur certains Terroristes importants comme Carrier, Grandmaison et Pinard qui furent guillotinés le 16 décembre 1794. En revanche, le « boucher » de masse, Turreau, responsable de ses 12 colonnes infernales a été acquitté à l’unanimité par le Conseil militaire, le 19 décembre 1795 !
De même que les Hauts Responsables Criminels de l’univers Totalitaire Communiste n’ont jamais été jugés pour l’immensité de leurs Crimes, il n’y a pas eu, non plus, de « Tribunal de Nuremberg » après le 9-Thermidor ; mais une cynique parodie de justice destinée à étouffer l’horreur de l’Extermination de la population Vendéenne (pages 575, 225 et 226 ) :
« Du reste, juger ce qui s’est passé en Vendée reviendrait selon eux à faire le procès des révolutionnaires et de la Révolution. « Veut-on que l’opinion d’aujourd’hui traduise en jugement l’opinion d’hier ? » ajoutent-ils, prenant à leur compte l’un des arguments majeurs de Carrier. »
(…) « Dépassés les droits de l’homme et la morale commune : « La liberté ne compose pas. Nous pourrons être humains quand nous serons assurés d’être vainqueurs. »
Mais comment un député réputé voter les lois pourrait-il ainsi s’en affranchir ? Comment un révolutionnaire censé incarner l’humanité pourrait-il la bafouer de la sorte ? Dans le passé, les grands massacreurs ordonnaient et endossaient. Maintenant il s’agit de susciter sans assumer, afin de toujours conserver les mains propres et la conscience pure. En gardant de surcroît suffisamment de distance, afin de ne rien voir, de n’être pas accessible, et ne pas risquer d’être pris de pitié. « Le caractère de la représentation nationale, écrit Hérault, se déploie avec bien plus de force et d’empire quand les représentants ne séjournent pas dans un endroit, quand ils n’ont pas le temps de multiplier leurs relations, leurs connaissances ; quand ils frappent en passant de grands coups, et qu’ils en laissent (sauf à la suivre) la responsabilité sur ceux qui sont chargés d’exécution. » Le mode d’emploi pour un crime sans mémoire, sans coupable et sans nom. Avec des pouvoirs illimités. »
Exterminer en masse au nom de la Liberté ! Que voilà un cynique et infâme concept… !
D’ailleurs, ce grand Criminel de Carrier aimait à dire : « C’est par principe d’humanité que je purge la terre de la liberté de ces monstres » (page 236) ; de même que… (page 248) :
« [Jean-Jacques Lamarie, administrateur de la Loire-Inférieure :]
Carrier disait à qui voulait l’entendre : « Nous ferons un cimetière de la France, plutôt que de ne pas régénérer à notre manière, et de manquer le but que nous nous sommes proposés ».
Journal des Lois, séance du 8 décembre 1794. »
Dans tous les systèmes Totalitaires, pour exterminer une population, il faut au préalable la déshumaniser, faire passer les victimes pour des monstres, et plus des êtres humains. Dès lors, les Vendéens représentent le Mal absolu. Et de surcroît, il faut aller encore plus loin dans l’ignominie en inversant carrément les rôles, en transformant ces victimes déshumanisées en bourreaux. Les Vendéens sont affublés par les Terroristes Jacobins, des termes les plus infâmes et abjectes : « race rebelle ; « race exécrable » ; « race abominable » ; « la race d’hommes qui habite la Vendée est mauvaise » ; « Tout est exécrable dans ce malheureux pays, et cette race doit être anéantie jusqu’au dernier » ; « des animaux à face humaine », etc..
Au final, la vie des Vendéens n’a plus aucune valeur aux yeux des membres du Comité de Salut Public ! (pages 619 et 620) :
« Mais comment appeler une action à laquelle on dénie toute existence ?
Les boutiquiers parisiens qui jugent les prisonniers, au début de septembre 1792, ne prononcent pas la mort : ils envoient à l’Abbaye ceux de la prison de la Force, et réciproquement. Les Vendéens condamnés à Angers, qui n’ont pas tous fait du latin, s’entendent expédier in cappella. Quant aux noyades, elles n’existent pas davantage : on administre le baptême patriotique, on envoi à la pêche au corail, ou au château d’eau, ou encore boire à la grande tasse. Enfin, du côté des colonnes infernales, on ne fusille pas : on fait passer derrière la haie, on fait donner leur déjeuner aux prisonniers, on les expédie au quartier général, à l’ambulance ou à l’hôpital. Princes de l’euphémisme, rois de la périphrase, les exterminateurs ne sauraient cependant être sérieusement accusés d’humour. De même qu’entre eux et leurs victimes ils interposent leurs exécuteurs, de même ils tentent de dissimuler leurs crimes aux autres, et sans doute d’abord à eux-mêmes. S’ils répandent le sang, c’est pour éviter que davantage encore en soit répandu. S’ils immolent des parties du peuple, c’est pour sauver la Peuple en général. S’ils commettent le mal, c’est un nom du bien. « C’est par principe d’humanité, se rassure Carrier le 20 décembre 1793, que je purge la terre de la liberté de ces monstres. »
Rien d’étonnant au fond si, en se séparant, les Conventionnels prononcent une auto-amnistie générale qui n’est que l’actualisation de ce déni. Comment juger des non-crimes non-commis par des non-coupables ? La foule, comme d’habitude, réclame-t-elle des têtes ? On lui sacrifie de rares boucs émissaires comme Carrier, Grandmaison et Pinard, mais qui sont guillotinés pour crime de contre-révolution, et les plus méprisables dans ce procès ne sont peut-être pas les accusés. Comment de surcroît juger des actes qui poussent leurs racines si loin dans la société ? C’est pour cela que le négationnisme est constitutif du massacre démocratique, qui s’assortit naturellement d’une heureuse amnésie autorisant jusqu’à la célébration des bourreaux, tandis que les victimes sont au mieux niées, au pire culpabilisées. Plus tard, les rescapés sont tentés de se murer dans la honte d’avoir survécu au massacre des leurs. Tentés aussi par l’occultation d’une mémoire intolérable. Tentés enfin par un inextinguible ressentiment, expression de l’indéfectible fidélité aux disparus, au péril toutefois de s’y enfermer et de demeurer ainsi peu ou prou les otages des massacreurs. »
Les historiens estiment aujourd’hui que l’Extermination de la Vendée a fait environ 165 000 morts pour une population Vendéenne totale de 800 000 habitants. Si l’objectif d’Extermination totale n’a pas été atteint, cela est essentiellement dû à l’inexistence, à cette époque, d’armes de destructions massives. Hormis le canon, en effet, la plupart des armes ne tuaient qu’une personne à la fois (fusils, pistolets, baïonnettes, guillotine, sabre, etc.). On peut alors considérer que la noyade collective fut l’Arme de destruction massive de l’époque. Mais dans le cadre de la volonté du Comité de Salut Public d’anéantissement total de la population Vendéenne, les noyades collectives restaient encore trop limitées en nombres de morts et, qui plus est, revenaient extrêmement chères (chaque noyade collective faisait perdre un bateau).
L’État Français a donc décidé sciemment et « légalement » (par des lois et décrets) d’exterminer une partie de sa propre population. C’est ce que Reynald Secher nomme le : « Génocide Franco-Français ». Qui plus est, depuis plus de 200 ans, la France tente de cacher, voire de nier cette Extermination de masse (ou Génocide). Reynald Secher parle alors de « Mémoricide », puisqu’en niant ce Génocide, l’État Français nie qu’il y a eu des victimes, et par conséquent, nie jusqu’à leurs Mémoires !
Détails sur Vendée : les archives de l’extermination
Auteur : Alain Gérard
Editeur : Centre Vendéen de Recherches Historiques
Nombre de pages : 684
Isbn : 978-2911253553