Fils de Jean-Baptiste, Comte de Sade, noble provençal désargenté, lettré et libertin, le jeune Donatien-Alphonse naît à Paris le 2 juin 1740 à l’hôtel de Condé. Après une enfance rebelle et difficile et une participation à la guerre de sept ans contre la Prusse, il devra épouser Renée Pélagie de Montreuil, de récente noblesse de robe, plus pour sa forte dot que pour sa beauté toute relative. Ses ennuis avec la police dirigée par le terrible Sartine et ses acolytes La Jeunesse et l’inspecteur Marais, débuteront avec ses premières débauches. Donatien est un client régulier des filles de joie. Il prend un malin plaisir à les humilier, les frapper et bien souvent ses actes dépassent très largement ce qui est acceptable et atteignent souvent une certaine forme de cruauté que l’on appellera plus tard « sadisme ». Arrêté et incarcéré pour violence aggravée sur une ouvrière pauvre, sa belle-mère parviendra à transformer sa peine en simple résidence surveillée dans son château de La Coste. Sa jeune belle-soeur, Anne de Launay, en profitera pour s’échapper de son couvent et pour venir l’y rejoindre. Il en fera sa maîtresse, une de plus sur une interminable liste. Condamné à mort pour empoisonnement et sodomie dans l’affaire des prostituées de Marseille, il sera à nouveau interné suite à une lettre de cachet du roi Louis XVI. Il passera ensuite treize années en captivité dans divers lieux de détention et finira son existence à l’asile d’aliénés de Charenton. Un temps libéré grâce à l’abolition des lettres de cachet, il deviendra, sous le nom de Sade (sans particule), président de la célèbre « Section des Piques », la plus radicale des factions révolutionnaires. Il s’opposera à Robespierre à propos de la question religieuse et sera à nouveau condamné à mort pour « intelligence avec les ennemis de la République ». Sauvé par la mort de l’Incorruptible (arrivée juste à temps et un tantinet aidée par une intervention « providentielle »), il échappera de peu au couperet de la guillotine et terminera sa vie en captivité après avoir écrit des milliers de pages et produit une véritable oeuvre littéraire qui connut un immense succès pendant la Révolution, puis une longue période d’oubli et finalement un retour sur le devant de la scène à notre époque par la grâce d’un certain Jean Jacques Pauvert.
« Les sept vies du Marquis » ne présente pas à proprement parlé comme une classique biographie de Donatien de Sade mais plutôt comme une évocation romancée très fidèle à la vérité historique. Jacques Ravenne a parfaitement su rendre vivante la personnalité de son héros en traitant son sujet sur le mode du thriller ou du roman d’action à l’américaine. Son style est si vivant et si punchy qu’il est quasi impossible de lâcher ce livre aussi passionnant qu’un « page turner ». Il a su éviter les écueils du salace et du graveleux en se montrant souvent d’une grande discrétion sur les pratiques sexuelles du Marquis. Une interminable description de sévices et de turpides aurait vite lassé le lecteur. Là, il n’en est rien, bien au contraire. Sade s’en retrouve complètement humanisé et peut être un tantinet idéalisé. C’est avant tout un amoureux (surtout de sa première maîtresse Laure et ensuite d’Anne) quelque peu infidèle et priapique et c’est également un esprit libre et révolté contre l’Eglise et contre la tyrannie. Libertin comme bien des aristocrates de l’époque, il semble qu’il ait payé pour servir d’exemple à un pouvoir qui ne savait plus comment détourner la colère du peuple. On ne peut que conseiller chaudement la si agréable lecture de ce livre, ne serait-ce qu’à titre d’introduction à la vie d’un personnage si célèbre qu’on n’en connait finalement que peu de choses. D’ailleurs, en fin de volume, le lecteur trouvera des annexes très utiles dont une bibliographie comportant la liste des ouvrages les plus importants sur le sujet, le devenir des principaux personnages et même celui des lieux et des textes. Nul doute que ce livre aussi instructif que divertissant devrait rencontrer un immense succès. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.
5/5
Les sept vies du Marquis (Jacques Ravenne)