Elève des Jésuites, Adam Weishaupt, fils d’un professeur protégé du Grand Electeur de Bavière, se passionne pour les écrits des philosophes français des Lumières et particulièrement pour Jean-Jacques Rousseau. En 1768, il obtient son diplôme de « Doctor Utriusque ». Il devient alors répétiteur avec un salaire très modeste et quatre années plus tard, en 1772, il entre à l’université d’Inglostadt comme assistant de la chaire de jurisprudence. Profondément irréligieux et même anticlérical, il entre vite en conflit avec les Jésuites qui forment la majorité du corps professoral. Il rencontre un étudiant protestant qui éveille son intérêt pour la franc-maçonnerie. Mais Weishaupt n’a pas les moyens de payer les frais d’admission de la moindre loge. Alors il décide de fonder sa propre société secrète. Il compte y recruter ses meilleurs étudiants. Il appelle d’abord son groupe « Ordre des Perfectibles » et le change ensuite pour « Ordre des Illuminés » en 1776. Il commença avec 5 membres qui s’affublèrent de noms secrets évoquant l’antiquité comme « Spartacus » pour lui-même, « Ajax » pour Massenhausen, « Agathon » pour Banhof, « Tibère » pour Merz, etc. Weishaupt cherchait surtout à recruter des fils de bonnes familles, intelligents et riches si possible. Mais l’ordre ne le sera jamais. Il institue trois grades, novice, minerval et illuminé. De ses adeptes, il exige le secret total et l’obéissance absolue. En plus des philosophes français, il leur demande de lire surtout Sénèque et Epictète. Il se rapproche des Francs-maçons et reçoit l’appui du baron Knigge qui participera grandement à l’extension de l’Ordre à Munich, en Bavière et en Autriche. On estime qu’à son apogée, les Illuminés furent au nombre d’environ 6000…
« Les Illuminés de Bavière » est un essai historique un peu ancien de très grande qualité, mais d’un abord un peu laborieux. C’est un gros pavé de 740 pages, une véritable somme sur ce sujet. Toute l’histoire de l’ordre est minutieusement étudiée, presque jour après jour depuis sa très modeste naissance jusqu’à sa fin entre 1784 et 1787. L’ordre est dissous suite à trois édits de l’Electeur de Bavière. Les archives sont brûlées, les adeptes pourchassés. Deux furent même emprisonnés quelque temps. Weishaupt, lui se réfugia à Ratisbonne où il reprit un modeste poste d’enseignant sans plus jamais se mêler de rien. Un chapitre particulièrement indigeste est consacré à la philosophie et aux idées politiques de Weishaupt. Un autre, nettement plus intéressant à la légende qui se propagea jusqu’à nos jours, un peu dans le style de celle des Templiers. L’auteur remet les pendules à l’heure. Il semble bien que certains auteurs comme Barruel aient accordé beaucoup plus d’importance aux Illuminatis qu’ils n’en eurent réellement. Même à leur apogée, ils ne représentaient même pas 10% des francs-maçons allemands. Ils étaient plus dans l’admiration et dans l’imitation des idées révolutionnaires jacobines que dans leur inspiration. Seul Mirabeau côté français aurait pu faire la liaison avec eux encore eut-il fallu qu’il ne les confondit pas avec les Rose-Croix. De même le rôle de Bode en sens inverse ne semble pas avoir été déterminant. Au total, un livre fort intéressant pour tous ceux qui s’intéressent à l’Histoire des sociétés secrètes dont le rôle dans la Révolution française ne fut pas négligeable quand même.
4/5
Détails sur Les Illuminés de Bavière (René Le Forestier)
Auteur : René Le Forestier
Editeur : Slatkine Editions
Nombre de pages : 742
Format : 11X15