Lorsque j’ai découvert la trame de ce roman, je me suis franchement dit que j’allais passer des instants de lecture mémorables! Seconde Guerre Mondiale, réseaux de résistance, infiltrations, missions secrètes; tout un programme! Malheureusement, dans un premier temps – je dis bien dans un premier temps! -, bien que ce roman soit écrit d’une manière remarquable, je me suis ennuyé un moment. Mais attention, je vous rassure tout de suite, il y a un « mais », un grand « mais » non négligeable, bien au contraire.
Je m’explique, ou plutôt je vous explique. Pas de montée d’adrénaline, pas de grosses surprises; bref, durant une partie de la lecture, je pensais que je n’allais vraiment pas y trouver mon compte. Mais, au bout d’un certain moment, je me suis rendu compte que l’adrénaline, l’action, les surprises ou les rebondissements étaient largement remplacés par un aspect bien plus profond, prenant et poignant; l’émotion.
L’auteur nous raconte la guerre vue de l’intérieur; attention, je ne parle pas de l’intérieur d’un ou des pays, mais de l’intérieur de l’Homme. Joël Dicker m’a réellement surpris en narrant ce combat mondial vu par le cœur des Hommes. Une écriture qui m’a semblé bien intuitive et instinctive, couchée sur le papier avec une plume remplie d’émotion.
L’auteur nous projette donc quelques années en arrière, lors de la Seconde Guerre Mondiale, notamment en nous emmenant auprès des membres du SEO.
Pour faire simple, le SOE – Spécial Operations Executive – était un Service secret de l’armée britannique qui avait été mis en place par Winston Churchill. Sa mission principale était de soutenir les mouvements de résistance, dans un premier temps dans les pays d’Europe occupée par l’Allemagne, puis dans tous les pays en guerre. Prise de contact avec les mouvements de résistance, maintien du contact, communication, mise en place de diverses actions « coups de poing » telles que le sabotage, pour ne donner que quelques exemples.
Je dois reconnaître que le principe est assez remarquable et ingénieux; former en Grande-Bretagne des étrangers de l’Europe occupé, les renvoyer ensuite dans leur pays d’origine afin qu’ils puissent se fondre dans la masse et frapper de l’intérieur, derrière les lignes ennemies, pour exécuter diverses missions secrètes, il fallait y penser.
La guerre, c’est d’abord une déchirure pour celles et ceux qui y partent, à l’image de Paul-Emile « Pal », 22 ans, qui fait ses adieux à son père ou, on l’espère vraiment, un au revoir. Oui, nous l’espérons car après quatre pages nous ressentons déjà un certain attachement pour ces deux personnages qui nous introduisent dans le roman. Le père, dans cette histoire, nous bouleverse, nous rend triste, nous retourne le cœur et le fend en petits morceaux.
L’auteur nous démontre donc rapidement que son écriture va s’avérer être très vivante et, surtout, très humaine. Le courage sera à l’honneur, au grand désespoir des parents qui verront partir leur enfant vers un destin très incertain. Mais, paradoxalement, des parents extrêmement fiers du courage qui rayonne autour de leur progéniture. Cela sera le cas du père de Pal; fier, très fier, jusqu’à la folie; triste aussi, immensément triste, jusqu’à la folie.
Paul-Emile transitera par plusieurs pays avant d’atteindre la Grande-Bretagne, où il sera enrôlé dans l’armée, auprès du SOE, justement. Les recruteurs verront en lui un jeune homme intègre, intelligent, courageux et patriotique.
C’est dans des camps d’entraînement bien gardés secrets qu’il apprendra l’art de la guerre, en compagnie de camarades issus de milieux bien différents, mais ayant tous le même point commun, le courage et peut-être bien aussi un profond sentiment d’égarement, des jeunes gens quelque peu désemparés.
Combats rapprochés, efforts physiques très intenses et poussés, tirs, rien ne leur sera épargné. En contrepartie, ils auront l’occasion d’attraper au vol quelques valeurs inattendues qui vont de pair avec l’effort fourni, soit la camaraderie, l’entraide et bien sûr une amitié en béton.
Une équipe de jeunes combattants qui ne connaissent la guerre que par son nom, pour l’instant…
Les écoles d’entraînement vont s’enchaîner et le groupe de futurs guerriers clandestins va encore davantage se souder. Cette période d’entraînement est importante pour nous, pour la connaissance des personnages, notamment, mais cela n’empêche pas que je l’ai trouvée un peu ennuyante à certains moments. Mais, finalement, si on imagine le futur de ces jeunes gens, on est tout de même contents de les voir vivants!
La réalité de la guerre va débuter pour eux, les premières missions sont données, les premières angoisses sont déjà bien ancrées.
Les missions vont s’enchaîner, soit frapper dans le cœur, se fondre dans le paysage occupé pour taper dans la fourmilière et la détruire de l’intérieur. La peur au ventre, se faire prendre par la Gestapo ou même par l’Abwehr – le service du renseignement et du contre-espionnage de l’état-major allemand – signerait leur arrêt de mort.
Comme je l’ai mentionné au début, nous allons vivre avec nos recrues, au cœur de la guerre, dans le cœur des combattants. Ce côté-là de la guerre est finalement le plus représentatif! Les hommes que nous côtoyons ne seront de toute évidence plus jamais les mêmes; traumatisme, impression de ne plus être des Hommes pour certains, impression de n’avoir réellement existé que par la guerre, pour d’autres. Joël Dicker nous présente plusieurs personnages qui vont être confrontés à la mort, la torture – reçue mais aussi exécutée -, et qui vont réagir chacun à leur manière, à la manière dictée par leur corps et leur esprit. Mais ce qui va être assez similaire pour chacun, c’est le fait de ne plus vraiment être des Hommes.
Une phrase du roman résume assez bien la situation, et je vous laisserai avec celle-ci:
« … Les coups ne sont que des coups; ils font mal, un peu, beaucoup, puis la douleur s’estompe. Pareil pour la mort; la mort, ce n’est que la mort. Mais vivre en Homme parmi les hommes, c’était un défi de chaque jour… »
Bonne lecture.
« Les derniers jours de nos pères », de Joël Dicker