Ce livre de Martin Malia (professeur et spécialiste de la Russie) représente une grande oeuvre concernant le Totalitarisme Communiste Soviétique, de sa création le 25 octobre 1917 à Petrograd en Russie par Lénine, Trotski et Staline…, jusqu’à son effondrement en 1991.
Pour toute la suite du commentaire, je précise ici une indication terminologique importante : en effet, il faut comprendre dans cet ouvrage, le terme Socialisme, uniquement dans sa version maximaliste, c’est-à-dire : le Communisme.
D’abord, Martin Malia résume fort bien le rôle prépondérant de la VIOLENCE pour Karl Marx (page 63) :
« Soulignons une fois encore que, pour Marx, cette lutte des classes passe inévitablement par la confrontation physique : l’ »expropriation des expropriateurs » se ferait par une révolution violente, car « les révolutions sont les locomotives de l’histoire » et « la violence est l’accoucheuse de l’histoire ».
(…) Karl Marx n’était pas un social-démocrate. »
Martin Malia nous montre de quelle manière Lénine a puisé dans les écrits de Marx, pour fonder son système Totalitaire Communiste réel (page 108) :
« Le résultat de la rencontre de Marx par Lénine fut la création de la plus extraordinaire institution politique des Temps modernes, le Parti communiste. Le « Manifeste » de Marx accordait déjà un rôle d’avant-garde à ceux qu’il appelait « les communistes », et il est certain qu’il dirigea la Première Internationale avec des méthodes autoritaires et des techniques de manipulation que l’on peut très justement qualifier de « protoléninistes ». »
La vision manichéenne pour ne pas dire absurde et primaire de Lénine, reprise de celle de Marx, relevait de l’opposition viscérale entre une « classe prolétarienne » et une « classe bourgeoise » ; l’une des deux devant disparaître de la surface de la planète en étant…, EXTERMINEE !
Cette idéologie Terroriste et Génocidaire était d’autant plus aberrante qu’à cette époque la paysannerie représentait encore environ 80 % de la population Russe, alors qu’il n’y avait environ que 3 millions d’ouvriers sur une population totale de 170 millions de Russes, soit seulement 2% ; et une faible proportion de « bourgeois ».
Alors pour atteindre son objectif haineux de domination totale, Lénine créa en 1902 – 1903 son Parti Bolchevique (Communiste).
Après l’échec sanglant de la Révolution de 1905, le Tsar Nicolas II comprit enfin, qu’il était urgent d’entreprendre des réformes en Russie. Le ministre Stolypine fut chargé de cette lourde et cruciale mission. Mais il fut assassiné en 1911, ce qui stoppa l’élan de restructuration de la Russie. Nicolas II se renferma alors sur son régime autocratique hérité de la longue lignée des Romanov, famille à la tête du Pouvoir Tsariste depuis 300 ans, en Russie.
Puis survint la Première Guerre Mondiale en 1914.
Début 1917, le peuple se révolta contre les privations engendrées par le régime Tsariste et la guerre. Les ouvriers se mirent en grève à Petrograd (la Capitale) pour se plaindre de la pénurie généralisée.
En février 1917, la Révolution Populaire eut lieu, et le 3 mars, Nicolas II fut contraint d’abdiquer.
Immédiatement, il fut constitué un Gouvernement Provisoire.
En avril, Lénine qui vivait à Zurich rentra à Petrograd. Et avec ses « Thèses d’avril », il lança le slogan démagogique et propagandiste : « A bas la guerre, à bas le gouvernement provisoire, tout le pouvoir aux soviets ! ».
Pour Lénine comme pour Marx, la « lutte des classes » devant être prise au sens littéral du terme, la prise du Pouvoir ne pouvait se faire que par la violence. Suivant les préceptes de Marx, Lénine appelait donc les « masses » à « l’expropriation des expropriateurs » et à « voler ce qui avait été volé ».
Au mois de juillet, les Bolcheviques tentèrent un putsch qui échoua en quelques jours. Lénine dut alors s’exiler en Finlande.
Lénine rentra incognito à Petrograd le 10 octobre, et convoqua immédiatement le Comité Central du Parti Bolchevique, afin de prendre la décision qui devait conduire à l’Histoire de la tragédie du Totalitarisme Communiste réel : celle du vote du coup d’État ! Elle fut validée à 10 voix contre 2 (Zinoviev et Kamenev).
Dans la nuit du 24 au 25 octobre 1917, le Comité Militaire Révolutionnaire (C.M.R.) dirigé par Trotski, avec l’aide des marins de la flotte de la Baltique (ou marins de Cronstadt) et des Gardes Rouges, s’emparèrent des centres névralgiques de Petrograd.
Le 25 octobre, le Gouvernement Provisoire de Kerenski fut renversé par le coup d’État militaire Bolchevique ; et Lénine nommé : Président du Conseil des Commissaires du Peuple de la République Soviétique de Russie.
Les deux principaux responsables (avec d’autres dont Staline) étaient donc : Lénine pour ses rôles de théoricien, d’organisateur et de dirigeant depuis de longues années, du Parti Bolchevique ; et Trotski en tant que co-théoricien, qui a su méthodiquement organisé le coup d’État militaire.
Mais si ce coup d’État n’a fait que peu de victimes à Petrograd (le Gouvernement Provisoire manquait de régiments militaires disponibles à cette période) ; en revanche, les combats firent de nombreuses victimes à Moscou et dans le reste de la Russie.
Dès le 7 décembre 1917, Lénine fonda l’un des deux organes de répression du Parti Bolchevique, destiné à appliquer la « Dictature du prolétariat » : la Tcheka, la Police Politique dirigée par un Aristocrate Polonais rallié au Bolchevisme, Felix Dzerjinski.
A la fin de 1917 eurent lieux les élections au suffrage universel en vue de réunir l’Assemblée Constituante. Le vainqueur fut le Parti Socialiste Révolutionnaire avec 40 % des voix, alors que le Parti Bolchevique récolta seulement 24 % des voix et des sièges.
L’Assemblée Constituante fut donc convoquée le 5 janvier 1918, contre la volonté de Lénine. Et de toute manière l’Assemblée fut dissoute par la force, dès le lendemain sur ordre de Lénine.
En seulement 2 mois, depuis la prise du Pouvoir par les Bolcheviques, ceux-ci s’attaquèrent par deux fois aux institutions : d’abord, le 25 octobre donc lors du coup d’État militaire, puis en dissolvant l’Assemblée Constituante par la violence. Sans parler de la foultitude d’assassinats déjà commis contre les imaginaires « ennemis du peuple », en si peu de temps.
Début mars, Trotski fit signer à Brest-Litovsk une paix séparée avec l’Allemagne, mais en sacrifiant la Russie, d’importants territoires. L’objectif des Bolcheviques étant d’obtenir la paix, uniquement afin d’avoir les mains libres pour transformer cette Première Guerre Mondiale en une Guerre Civile, dans un premier temps intérieure, puis mondiale…
Au 1er trimestre 1918, le second organe de répression du Pouvoir Bolchevique fut créé. Il s’agit de l’Armée Rouge fondée par Trotski. Durant la Guerre Civile, entre 5 et 6 millions de Russes furent enrôlés dans l’Armée Rouge ; et environ 3 millions de soldats désertèrent.
L’idéologue qu’était Trotski, n’hésita pas à recruter des milliers d’officiers et de sous-officiers expérimentés de l’ex-Armée Tsariste pour encadrer son Armée Rouge. Eh oui ! Le Communisme réel devait parfois savoir se montrer pragmatique face aux contraintes du terrain…
Mais ce pragmatisme n’excluant ni le contrôle et encore moins la confiance, Trotski fit suivre les officiers de très près par un corps de Commissaires Politiques et en prenant soin de garder leurs familles en « otages ».
A partir du 12 juin 1918, le gouvernement Bolchevique décréta la Nationalisation de toute l’industrie lourde, puis de l’industrie légère, du commerce de gros, du commerce de détail, des coopératives, ainsi que des entreprises artisanales et commerciales à partir de cinq employés…, bref quasiment toute l’économie du pays appartenait désormais à l’Etat-Parti-Unique Communiste !
Dans le cadre du Communisme de Guerre, la « lutte des classes » aux villages fut déclenchée contre les « koulaks petits-bourgeois » (petits propriétaires terriens). En réalité, l’objectif du Communisme de Guerre consistait dans la réquisition par la violence des récoltes agricoles dans la paysannerie.
Pour ces réquisitions, le Commissariat de l’Approvisionnement était secondé dans son infâme mission par la Tcheka, contre les soi-disant ennemis « accapareurs » et les « koulaks ».
Le 5 septembre Lénine fit paraître le décret sur la Terreur Rouge Bolchevique.
En 1919, furent créées les premières fermes d’État ou Sovkhozes. Même si la sécheresse fut importante pendant ces terribles années, c’est surtout la politique du Communisme de Guerre qui fut responsable de la gigantesque Famine de 1921 – 1922, faisant 5 000 000 de morts.
Alors qu’en 1917 (comme nous l’avons déjà vu) les ouvriers étaient peu nombreux : 3 millions seulement, il n’en restait plus que 1,2 millions en 1920. Martin Malia nous présente alors l’ironie suivante (page 207) :
« Comme on le disait chez les mencheviks avec une belle ironie : tout ce qui restait, c’était une dictature sans prolétariat. »
En 1919 fut également fondée la 3ème Internationale ou Internationale Communiste (Komintern). Mais les premières tentatives de « Communisation » échouèrent entre 1919 et 1920 : à Berlin, en Pologne, etc..
En mars 1921, des grèves se produisirent à Petrograd ainsi qu’une révolte à la base navale de Cronstadt. Les marins de Cronstadt représentaient la dernière force militaire encore capable de menacer le Pouvoir Communiste. Trotski se chargea de mener cette énième répression, dans un massacre de masse engendrant un bain de sang indescriptible. D’autres foyers de résistance perduraient encore, comme dans la province de Tambov. Le Général Toukhatchevski qui avait déjà été missionné par Trotski pour écraser l’insurrection de Cronstadt, fit de même avec celle de Tambov.
En 1921, le marché économique fut remplacé par le Gosplan ou Comité d’État pour la planification, chargé de gérer « rationnellement » l’économie en terme de « besoins réels » et non plus en terme de profit ou de fonctionnement « anarchique » du marché. Au bout du bout de la régression économique, la monnaie fut abolie.
Et en plus de cette horrible débauche de violence et de cette aberration économique, Trotski proposa de Militariser le monde du Travail, cela signifiait donc de diriger l’industrie comme son Armée Rouge !
En parallèle, une campagne d’élimination de la religion et de persécution : des religieux, des artistes, des écrivains, des intellectuels, battait son plein. Car pour imposer l’idéologie Totalitaire Communiste, il ne pouvait exister qu’une seule « croyance ».
Chaque catégorie sociale considérée comme « ennemie du peuple » était décrite par une terminologie discriminatoire spécifique : « koulaks avides », « traîtres petits-bourgeois », « requins impérialistes », etc..
La propagande du Parti Communiste Soviétique consistait à décrire tous les évènements qui se produisaient dans le pays ou dans le monde, à travers l’unique prisme de la « lutte des classes » dans : la presse, la radio, le cinéma, etc.. Le langage était idéologisé, instrumentalisé, politisé et fanatisé, tel que le décrit avec sa « novlangue », George Orwell dans son fabuleux ouvrage 1984.
D’ailleurs, comme le disait Trotski lui-même lors de sa défaite face à Staline, en 1924 (pages 239 et 240) :
« En dernière analyse, le Parti a toujours raison, parce que le Parti est le seul instrument historique donné au prolétariat pour résoudre ses problèmes fondamentaux. (…) Je sais que l’on ne peut avoir raison contre le Parti. On ne peut avoir raison qu’avec le Parti, et par le Parti, car l’histoire n’a pas créé d’autre chemin pour réaliser ce qui est juste. »
En 1922 fut formée l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (l’U.R.S.S.), comprenant 15 pays : la Russie, la Biélorussie, la Moldavie, l’Ukraine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménistan, l’Ouzbékistan, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie.
Après la défaite des Armées Blanches et Vertes, la Russie étant exsangue, Lénine dut faire provisoirement marche arrière et instaura stratégiquement sa Nouvelle Politique Économique (N.E.P.). Cette N.E.P. fut un pseudo retour au Capitalisme, avec le libre échange, l’apparition d’une nouvelle classe d’entrepreneurs, les « nepmen », le retour de la monnaie, et de la « spéculation petite-bourgeoise » selon les termes communistes ; mais avec une industrie lourde toujours sous le contrôle de l’État.
La tragique ironie de cette période, fut que des millions de Russes avaient été sacrifiés et massacrés durant la Guerre Civile et le Communisme de Guerre pour réaliser dans la barbarie, l’utopie Communiste, et voilà que Lénine avait recours au « savoir-faire »…, Capitaliste.
Le terrible bilan humain de cette courte période entre octobre 1917 et 1923 s’élève à plus de 10 000 000 de morts civils et militaires, autant que durant tout le conflit de la Première Guerre Mondiale !
Lénine mourut le 21 janvier 1924 et ce fut alors la course à sa succession principalement entre Trotski et Staline. Trotski très intelligent mais excessivement condescendant et trop sûr de lui, perdit face à un Staline nettement moins intelligent mais fourbe et rusé.
Fin 1929, le Politburo (bureau politique du Parti Communiste d’Union Soviétique, le P.C.U.S.) décida, sous l’impulsion de Staline, d’abandonner la N.E.P. pour un retour à la collectivisation forcée du Communisme de Guerre et à l’industrialisation de masse. Que ce soit pour Trotski ou Staline, la N.E.P. représentait une anomalie voire une hérésie dans la mise en place du système Totalitaire Communiste, comme Martin Malia le précise (page 244) :
« Aussi le Parti mit-il fin à la NEP avant qu’elle ne détruise le Parti lui-même, pour revenir à son itinéraire initial, celui du « communisme de guerre ». »
Et Staline lança donc son premier plan quinquennal.
Il n’avait désormais pas d’autre objectif que celui consistant à continuer, reproduire et perpétuer : les mêmes moyens de Terreur que Lénine, pour appliquer impitoyablement la politique de « dictature du prolétariat » par la « lutte des classes », le Communisme de Guerre, etc., mis en place par l’Etat-Parti-Unique Communiste de Lénine.
Le « catéchisme » Communiste s’appelait désormais le : Marxisme-Léninisme.
A partir de janvier 1930, Staline proclama le « grand tournant », c’est-à-dire la « liquidation des koulaks » en tant que classe. Cette « Dékoulakisation » consistait à confisquer par la force les biens des « koulaks », ou de tout paysan refusant la collectivisation forcée et d’entrer dans les kolkhozes. Plusieurs millions de « koulaks » furent ainsi « Dékoulakisés » c’est-à-dire : déportés dans des wagons de marchandises dans des régions hostiles ou dans les camps de concentration du Goulag.
Cette collectivisation forcée a engendré en 1932 – 1933 la « famine de terreur » dans la vallée de la Volga et en Ukraine, faisant 6 000 000 de morts ; Génocide nommé par les autorités Ukrainiennes, depuis 2006 : HOLODOMOR.
Dans le cadre de cette Terreur de masse : 25 millions d’exploitations agricoles Russes furent transformées en 240 000 kolkhozes, plus des fermes d’État (les sovkhozes).
Dans un discours de janvier 1931, Staline décida de payer les ouvriers à la pièce en fonction de la quantité produite en fixant des objectifs, afin de stimuler la productivité.
Dans le même temps, pour éviter la « fluidité de la main-d’oeuvre », il instaura le passeport intérieur, comme décrit par Martin Malia (page 278) :
« (…) Chaque citoyen devait se faire enregistrer auprès de la police pour vivre dans une ville donnée ; l’attribution d’un logement et des tickets de rationnement était conditionnée par la fixité de l’emploi, et l’absentéisme était assimilé à un délit et puni comme tel. C’était le début d’un processus d’asservissement de l’ouvrier à son travail qui, à la fin de la décennie, ramènerait au système policier du livret tel que l’avait connu le XIX siècle, sans parler de la déportation au Goulag. »
La propagande productiviste nommée le Stakhanovisme et basée sur la légende de l’ouvrier hyper productif : Stakhanov, devait servir d’étalon de productivité pour tout le monde ouvrier, dans le plan d’industrialisation à marche forcée.
Comme Lénine et Trotski, Staline était un adepte des concepts du Taylorisme et du Fordisme, provenant du système Capitaliste.
Puis, Martin Malia nous propose une excellente synthèse démontrant l’aberration du système, son impossible application en dehors de la Terreur, face à la réalité humaine, que représente le Communisme (page 302) :
« En d’autres termes, la faillite du socialisme intégral ne vient pas de ce qu’il a été mis à l’épreuve pour la première fois au mauvais endroit, elle est dans l’idée socialiste en soi. A l’origine de cette faillite, il y a le refus de comprendre que le non-capitalisme complet est une impossibilité en soi, parce que la suppression de la propriété privée entraîne la suppression de la société civile et de toute autonomie individuelle : quand bien même ce non-capitalisme peut être approché pendant un temps, il demande un usage de la violence qui ne peut être maintenu indéfiniment.
Le socialisme intégral n’est donc pas une attaque contre les abus spécifiques du « capitalisme » mais contre la réalité tout court. Il devient une tentative pour supprimer le monde réel, entreprise condamnée dans le long terme. Mais, pour une certaine période, cet effort peut réussir à créer un monde sur-réel, défini par son paradoxe : l’inefficacité, la pauvreté et la violence y sont officiellement présentées comme le souverain bien de la société. Un monde dont la société est impuissante à rejeter la fraude. »
Après l’ »affaire » de l’assassinat de Kirov, eurent lieux les faux « Procès de Moscou » en 1936. L’immense « Purge » commença par le Parti Communiste lui-même. Zinoviev, Kamenev, Toukhatchevski, Boukharine, etc., furent fusillés, c’était l’ancienne Garde Bolchevique, celle de l’époque du coup d’État d’octobre 1917. Et tragiquement, cette « Purge » s’étendit dans la population Russe pour finir par l’exécution durant la « Grande Terreur » ou « Grande Purge », de 750 000 personnes fusillées en moins de deux ans, entre 1937 et 1938.
Le futur remplaçant de Staline à la tête du Pouvoir en 1953, Khrouchtchev, un « pur produit » Stalinien fut chargé en 1938, en tant que Premier Secrétaire du Parti Communiste « Ukrainien » à Kiev, en pleine « Grande Terreur », d’établir de terrifiantes listes afin de remplir des quotas de personnes à exécuter ! Khrouchtchev faisait parvenir ces listes à Molotov ou directement à Staline. Khrouchtchev fit donc fusiller des dizaines de milliers d’innocents. Depuis l’ouverture des Archives de Moscou en 1992, les historiens détiennent l’ensemble des listes ayant conduit à l’opération d’extermination de masse que fut la « Grande Terreur ». Khrouchtchev recruta un autre futur dirigeant de l’U.R.S.S., un certain Leonid Brejnev. A cette nouvelle génération de Staliniens, il faut ajouter également d’autres noms très connus : Gromyko, Kossyguine, Souslov, Andropov, Tchernenko, bref, tous ceux qui gouvernèrent l’U.R.S.S. de Khrouchtchev, jusqu’à…, Gorbatchev.
Pour comprendre l’ignoble et véritable obsession systématique consistant à vouloir absolument obtenir et faire signer de faux aveux sous la torture avant d’être fusillé, dans l’ »univers » criminel Communiste (confer Arthur Koestler Le Zéro et l’infini) ; Martin Malia nous propose une pertinente aparté sur la comparaison de la Terreur entre les deux grands régimes Totalitaires du 20ème siècle : le Communisme et le Nazisme (page 349) :
« Les deux systèmes reposaient sur la violence, mais chacun l’utilisait différemment. Les camps de concentration nazis étaient majoritairement destinés à des non-Allemands, alors que les camps soviétiques étaient destinés à des « ennemis de classe » qui étaient citoyens de l’URSS. L’idéologie des nazis, simpliste, n’était qu’une idéologie de la volonté et de la force, ils pouvaient donc afficher leurs intentions agressives. L’idéologie soviétique était plus complexe, et, si elle proclamait la violence de la lutte des classes, elle la subordonnait au progrès de la raison et de l’humanité, ce qui l’empêchait d’admettre officiellement le seul règne de la force. Il était donc indispensable que les « ennemis » confessent leurs actions criminelles, reconnaissant d’eux-mêmes que leur élimination était juste. »
Justement, le 23 août 1939, Hitler et Staline signèrent l’infâme Pacte Germano-Soviétique à travers leur représentant respectif : Ribbentrop et Molotov. Les deux plus importants systèmes Totalitaires s’associaient afin de se partager, d’envahir la Pologne et d’anéantir une grande partie de la population Polonaise. Ainsi, ce monstrueux Pacte déclencha la Seconde Guerre Mondiale.
Staline qui était particulièrement rancunier et revanchard (comme on a pu le constater durant la « Grande Terreur », avec ses anciens « camarades » de l’époque Léniniste), tenait cette fois-ci sa revanche ultime, suite à l’échec de « Communisation » de la Pologne en 1920.
Des centaines de milliers de Polonais furent déportés en camps de concentration ou fusillés, indifféremment, par les régimes Nazi et Communiste. Le massacre, par le régime Soviétique, le plus connu étant celui de Katyn, dont furent exhumés dans l’ensemble des charniers de cette opération d’extermination des « élites » Polonaises : 25 700 victimes, ayant été fusillées.
Cyniquement, lors du procès du régime Nazi à Nuremberg en 1945, les Soviétiques tentèrent de mettre ce massacre sur le compte du monstrueux régime du IIIème Reich de Hitler.
Puis, le Totalitarisme Communiste s’ »exporta » dans la Chine de Mao, dans la Yougoslavie de Tito, dans la Corée du Nord de Kim Il-sung, dans le Vietnam d’Hô Chi Minh, dans le Cambodge de Pol Pot, à Cuba sous Castro, etc..
Voici ce que déduit Martin Malia, de l’inexorable trajectoire du Totalitarisme Communiste, durant la période qui va de sa création en 1917 et jusqu’à la mort de Staline, le 5 mars 1953 (page 401) :
« Mais les idéologies, comme tous les desseins humains, sont soumises à ce que Hegel appelait la « ruse de la raison », et il n’y a pas de meilleure manière de comprendre Staline que de voir à l’oeuvre ce processus pervers dans la méthode barbare à laquelle il recourt pour bâtir le socialisme de Marx avec l’instrument légué par Lénine, le Parti. Que le résultat ait été monstrueux et absurde ne signifie pas que Staline ait trahi Marx et Lénine : il veut dire au contraire que l’entreprise était impossible autrement, que toute tentative pour réaliser ce programme demandait un usage massif de la violence, et ne pouvait déboucher que sur une surréalité privée de sens. »
« (…) Pour dire les choses autrement : l’utopie marxiste d’un socialisme intégral ne pouvait se réaliser par la logique de l’Histoire, il fallait que la logique de l’Histoire fût forcée par le Parti léniniste. Sans la prise de pouvoir par Lénine en 1917, le capitalisme n’aurait disparu nulle part, et la Seconde Internationale se serait desséchée face aux développements de la protection sociale dans les démocraties bourgeoises. (…) Le seul moyen de réaliser le marxisme était le léninisme, le seul moyen de mener à son terme le projet léniniste était le stalinisme. »
En 1956, Khrouchtchev réunit le XXème Congrès du Parti pendant lequel il lut son fameux « rapport secret », dans lequel il attaquait le défunt Staline : c’était la « Déstalinisation ». Pourtant, Khrouchtchev s’était lui aussi « couvert de sang de la tête aux pieds » notamment durant : la « Grande Terreur », les déportations de masse de Polonais au Goulag et les exécutions de masse (dont celles de Katyn) en Pologne à partir de 1939, l’écrasement de la révolution Hongroise à Budapest en 1956, l’édification du « Mur de Berlin » en 1961 séparant brutalement du jour au lendemain Berlin en deux, entre la R.F.A. et la R.D.A., etc.. Malgré le fait qu’il fut un loyal exécutant des basses oeuvres de Staline, il reporta donc les millions de déportations en camps de concentration du Goulag et les millions de morts en U.R.S.S. sous l’unique responsabilité de Staline. C’était pratique ! Car cela lui permit d’une part, de tenter de se parer d’une « virginité » criminelle, et d’autre part, dans la foulée, de régénérer et de revitaliser le dogme Marxiste-Léniniste.
Pendant les 40 années qui suivirent la mort de Staline, de 1953 à l’effondrement de l’U.R.S.S., en 1991, les dictateurs Soviétiques qui suivirent : Khrouchtchev, Brejnev, Andropov, Tchernenko puis Gorbatchev alternèrent inlassablement, selon l’expression de Martin Malia, entre un « Stalinisme mou » et un « Stalinisme dur » ou pour reprendre l’expression de l’historien du Communisme Stéphane Courtois, entre des périodes de « Totalitarisme de hautes et de basses intensités ».
Progressivement, les camps de concentration du Goulag furent remplacés par des « hôpitaux psychiatriques » dans lesquels étaient enfermés tous ceux qui étaient considérés comme des opposants et dissidents au régime (dont les plus connus sont : Alexandre Soljénitsyne, Vladimir Boukovski, Sakharov, etc.) ; ou bien ils étaient contraint à l’exil. Dans le même temps, les répressions sous Brejnev en U.R.S.S., ou dans les autres pays Communistes, se succédaient : l’écrasement du « printemps de Prague » en Tchécoslovaquie en 1968, l’instauration de l’état de guerre en Pologne en 1980 – 1981 avec la création par Lech Walesa du syndicat Solidarnosc, s’élevant contre le régime Totalitaire Communiste Polonais, etc.. D’ailleurs, Solidarnosc joua un rôle majeur dans la fragilisation du système Totalitaire Communiste d’U.R.S.S. conduisant à son effondrement, d’abord avec la chute du « Mur de Berlin » le 9 novembre 1989, puis définitivement en 1991.
Toujours sous Brejnev, le Communisme Soviétique pénétrait en Afrique en 1975 : en Angola, en Éthiopie, etc., avec l’aide des troupes Cubaines de Castro.
Et en 1978, ce fut l’invasion de l’Afghanistan par l’Armée Rouge Soviétique.
Après être arrivé au Pouvoir en 1985, Gorbatchev renonça en 1988 au sacro-saint dogme du corpus Marxiste-Léniniste, celui de la « lutte des classes ».
Cette même année, il annonça le retrait de l’Armée Rouge d’Afghanistan, ainsi que les troupes Soviétiques et Cubaines d’Angola et d’Éthiopie.
En 1989, ce fut le retrait du soutien : des sandinistes au Nicaragua et à Cuba. Il obtint également le retrait des troupes Vietnamiennes Communistes du Cambodge.
Malgré tout, Gorbatchev étant toujours un Communiste convaincu et comme pour tous ses prédécesseurs dictateurs Soviétiques, il voulait régénérer le mythe Léniniste. Il s’inspira, lui aussi, de la N.E.P. de Lénine pour créer sa « Perestroïka » et sa « Glasnost ». Il devait encore s’agir d’une nouvelle pose économique afin de relancer de plus belle, le régime Communiste.
Mais cette « Perestroïka » économique était incompatible avec l’économie collectiviste Communiste et la « Glasnost » (transparence) en démythifiant l’idéologie Marxiste-Léniniste, laissait apparaître auprès du Peuple Russe, le caractère intrinsèquement criminogène et Totalitaire du régime Communiste. Après 70 années de Propagandes et de Mensonges intensifs, la vérité commençait à être dévoilée en ce qui concernait l’immensité des Crimes du Communisme, en se prêtant ainsi à la critique des nouvelles générations de Russes. Bref, le mythe Idéologique Communiste tout entier s’effondrait et dans ce cas, comme le dit un proverbe Russe : « Un poisson mort pourrit d’abord par la tête ».
Gorbatchev était donc un véritable Communiste « à la sauce » Marxiste-Léniniste, mais en excluant certains « ingrédients » fondamentaux constituant l’ossature du régime, il devint (bien malgré lui), 74 années après sa formation par Lénine, le fossoyeur du système Totalitaire Communiste Soviétique.
L’année 1989 fut celle du début de l’effondrement du système Totalitaire Communiste dans le monde. D’abord en Juin avec les élections Polonaises donnant le signal d’un déclin du système en Europe de l’Est, ensuite avec le massacre, toujours en juin, de la place Tienanmen à Pékin en Chine, puis le 9 novembre avec la chute du « Mur de Berlin », et enfin avec le renversement de Ceausescu en Roumanie suivi de son exécution en décembre de la même année.
En 1991, l’U.R.S.S. s’effondra définitivement et Boris Eltsine fut élu Président de la Fédération de Russie en juillet 1991. Ce furent les premières élections libres en Russie depuis…, 1917 !
Comme le système Totalitaire Communiste tenait exclusivement par la Dictature de l’Etat-Parti-Unique et de la Terreur, pour maintenir l’illusion d’un « avenir radieux » du Communisme, tout relâchement de ce corpus Idéologique était automatiquement en proie à l’unique autre alternative de ce régime : son effondrement. Ce qu’explique parfaitement bien Martin Malia (page 603) :
« la construction du socialisme soviétique ne pouvait donc se faire que dans un mélange d’illusion idéologique et de recours à la violence. Ce qui veut dire que toute l’ »expérimentation » s’est déroulée selon des modalités perverses depuis le début, c’est-à-dire depuis la première tentative bolchevique de forcer le cours de l’histoire qu’est le coup d’État d’octobre 1917 et la politique de « communisme de guerre » adoptée en 1918 pour construire le socialisme par des moyens militaires. De ce « péché originel » découle le flot des autres violences, la collectivisation imposée d’en haut de 1929 – 1933, les purges, et la remise sur pied du système stalinien après la guerre. »
Et également (page 604) :
« Dans la pratique, ce choix initial impliquait une révolution imposée d’en haut en permanence. Mais, à la poursuivre sans relâche, le régime courait le risque de détruire le pays, et il fallait périodiquement se replier sur une forme ou une autre de NEP, d’où l’alternance structurelle entre communisme « dur » et communisme « mou ». Impossible pourtant de laisser triompher le communisme « mou », car il aurait détruit le régime. Ce qui fait que ni la NEP ni la « solution Boukharine » n’ont jamais été de vraies alternatives au stalinisme. Les vraies options d’un système fondé sur le choix léniniste étaient soit de faire à peu près ce que Staline a fait, pour le défendre ensuite sans faiblir, soit d’abandonner tous ses principes. Et c’est précisément ce à quoi est arrivé le néoboukharinisme de Gorbatchev en 1989 – 1991. »
Pour conclure, Martin Malia nous livre son excellente définition du Totalitarisme Communiste (page 608) :
« Il faut savoir, enfin, affronter l’horrible vérité. Car si l’on veut bien regarder de près ce que « socialisme » veut dire, la réponse évidente à ce faux paradoxe des bonnes intentions produisant de mauvais résultats est que l’expérimentation soviétique n’a pas tourné au totalitarisme EN DEPIT DE son socialisme mais PARCE QU’elle était socialiste. On doit même aller jusqu’à dire que le socialisme, dans le sens intégral que lui donnaient Marx et la Seconde Internationale, est la formule achevée du totalitarisme car la suppression du « capitalisme » (entendu comme propriété privée, profit, marché) signifie l’extermination de la société civile et l’étatisation de tous les aspects de la vie ; et comme un ordre des choses aussi contraire à la nature ne saurait s’instaurer de lui-même, le socialisme intégral signifie aussi violence institutionnalisée du Parti.
Réduisons la question à des termes encore plus simples : l’étatisation complète qu’opère le socialisme, concentrant le pouvoir politique et économique dans quelques mains, mène inévitablement à de monstrueux crimes contre les personnes et le peuple dans son ensemble. Même si Staline est l’apogée de ce processus, la théorie léniniste de l’accumulation primitive socialiste du pouvoir dans la dictature du Parti reste en vigueur jusqu’à la fin du régime. »
Et enfin (page 613) :
« Le socialisme était conçu comme le couronnement de l’égalitarisme démocratique, et pourtant sa mise en pratique par le communisme soviétique a conduit au totalitarisme le plus complet des Temps modernes, et celui qui aura duré le plus longtemps. Pire encore, pendant des dizaines d’années, sa profession de foi humaniste a empêché une grande partie de l’humanité d’en discerner la vraie nature. La perversion soviétique de l’idéal démocratique a pris la forme suprêmement cruelle d’une déshumanisation de l’homme au nom d’une humanisation future de l’humanité. La tragédie socialiste soviétique se sera jouée pendant soixante-quatorze ans sous le signe de ce paradoxe : seul un immense idéal peut produire un crime immense. »
Détails sur La tragédie soviétique
Auteur : Martin Malia
Editeur : Seuil
Nombre de pages : 704
Isbn : 978-2020362832