Le mage Nysander confie à Seregil une mission secrète qu’il doit effectuer seul et hors de la présence d’Alec, son jeune compagnon d’aventures du tome précédent. Il l’envoie au pays des Dravniens ravagé par les exactions de marins plenimariens. Légèrement blessé à la main, Seregil en ramènera le trophée recherché avant de repartir en compagnie d’Alec sur la piste d’un certain Rythel, un espion qui organise le sabotage des circuits d’évacuation de déchets de la ville de Rhiminie. Alors que les rumeurs de guerre totale avec les Plenimariens se font de plus en plus insistantes, les aventures ne vont pas manquer à nos deux héros : escarmouches, enlèvements, tortures physiques ou morales, rencontre de nouveaux personnages et combats de toutes sortes. Pendant longtemps, le lecteur se demande quels rapports humains ces deux-là entretiennent. S’agit-il de simple amitié, d’une relation de maître à élève ou de beaucoup plus, si affinités ? Une réponse bien dans l’air du temps sera donnée. Il s’interroge également sur les secrets que Nysander refuse de révéler, sur le véritable rôle qu’il veut leur faire jouer et sur les buts ultimes des forces du mal, nécromants et autres monstres chimériques aux ordres du terrible Vargulah. Là encore, de grands pans de mystères seront levés, mais seulement tout à la fin du livre, ce qui laisse fort longtemps le pauvre lecteur dans l’expectative, lui demande patience et constance dans une lecture parfois un tantinet laborieuse. Il n’en demeure pas moins que ce second tome de la saga « Nightrunner », plus encore que le précédent, entraîne beaucoup plus loin dans un monde imaginaire foisonnant et fort dépaysant. Il permet de remonter dans le passé des héros et de retrouver, entre autres, la soeur de Sérégil, perdue de vue depuis de longues années.
Au total, un livre qui laisse une impression mitigée. Il relève du fantastique, de l’horreur ou de la fantaisie la plus débridée. Llewelling use et abuse de la magie noire ou blanche sous toutes ses formes, des plus anodines aux plus monstrueuses : passage dans des vortex de translocation permettant l’ubiquité, transsubstantiation des objets, télékinésie, télépathie voire apparition de monstres chimériques. Dans tous les compartiments de cet ouvrage, l’auteur pratique assez systématiquement la technique du flou artistique avec un foisonnement de personnages qui apparaissent et disparaissent, une abondance d’évènements survenant de manière quasi aléatoire et presque sans logique, de sorte que le lecteur se retrouve obligé d’abandonner tout rationalisme ou esprit cartésien pour se laisser emmener dans une sorte de tourbillon onirique qui menace de se transformer en un maelström des plus effrayants. Présentée par petites touches, un peu à la manière d’un puzzle géant, l’intrigue démarre lentement, presque péniblement, avant de monter peu à peu en puissance et d’arriver à une fin paroxystique qui semble fortement inspirée du monde de Tolkien. Du grand art. Ce dénouement digne d’une épopée rachète très largement les deux ou trois cent premières pages plus nébuleuses et pouvant pousser certains à abandonner la lecture de ce pavé de plus de 650 pages. Ce serait dommage car le meilleur est à venir et se révèle carrément époustouflant. Et quel plaisir de commencer à comprendre (un peu) les tenants et aboutissants de cette histoire si nébuleuse au début. Et quand on réalise que tout cela était voulu et soigneusement combiné, si on ne crie pas au génie (« Nighrunner 2 » n’est quand même pas du niveau du « Seigneur des Anneaux », cela va sans dire), on en redemande et on sait qu’on ne manquera pas de lire la prochaine livraison. D’ailleurs, Milady, l’éditeur, n’a pas manqué de placer, en fin de volume, un court extrait fort alléchant de la suite des aventures de Seregil et d’Alec, tiré du prochain tome à paraître, « La lune des traîtres ». De l’art et de la manière de rendre une saga totalement addictive !
4/5
Les traqueurs de la nuit / Nightrunner 2 (Lynn Flewelling)