Philippe de Villiers ne reconnaît plus sa France, celle de son enfance heureuse dans le bocage vendéen, lui qui se présente comme boomer (quel horrible néologisme !), comme bocain et beur, car à la fois lorrain et normand du côté de son père, héros de la Résistance, et vendéen de celui de sa mère. Il vient donc d’un monde disparu aujourd’hui. Le pays en moins d’un demi-siècle a été ébranlé jusque dans ses fondations. Il dit l’avoir vu « partir par le fond ». Deux de ses murs porteurs, le pouvoir et l’entraide se sont effondrés. Même le maire ne décide plus de rien vu qu’il dépend de la communauté de communes. Le véritable pouvoir qui devrait se situer au sommet de l’Etat a été délégué aux technocrates de Bruxelles qui décident de tout, même de la taille des courgettes. La traditionnelle entraide de voisin à voisin a disparu, remplacée par la prestation anonyme de l’Etat-Providence. Et cette socialisation du risque a finalement tout désocialisé. On a déchu l’autorité paternelle et dévalué le cercle de famille. On a fabriqué une sorte d’homme nouveau, le solidaire-solitaire, un être interchangeable, un zombie sans attaches ni racines. Un ilote taillable et corvéable à merci. Pour Villiers, il faudrait remettre partout du voisinage, du local et de l’autonomie. En un mot de la souveraineté. Ne plus rien déléguer à une lointaine Commission…
« Mémoricide » est un essai magnifiquement écrit, plein d’intelligence et de lucidité. Cela aurait pu être un pamphlet, c’est un hymne à la France éternelle, à ses véritables valeurs, à son passé glorieux,un hommage à tous ses grands personnages. On retrouve d’ailleurs au fil des pages, Clovis, Saint Louis, Jeanne d’Arc et tant d’autres qui, dans des moments dramatiques de notre Histoire de France ont illustré à leur manière le constat de Bouvines : « Tout est perdu… Tout est sauf ! » En effet, le tableau de notre réalité actuelle est assez calamiteux. Le réquisitoire brossé avec intelligence et humour est sans appel. Il va de la mémoire pénitentielle avec cet alchimiste, ce Mozart de la finance, ce petit banquier fabriqué de toutes pièces par la grâce de médias enamourés qui a complètement plombé son mandat, à la journée ordinaire du « citoyen décarboné » en passant par la grande infiltration où se distinguent déjà toutes sortes de signaux de la partition naissante. Il constate avec tristesse que le serment d’Hippocrate qui avait tenu vingt-cinq siècles a été abrogé d’un coup de seringue par Big Pharma, que la corruption a détruit nos campagnes, que le sens du travail bien fait s’est perdu, que le pape s’est mué en président de l’ONG « Cathos sans frontières », que la république des juges a subrepticement pris le pouvoir et que toute l’Europe est lentement mais surement en train de sortir de l’Histoire des peuples. Le réquisitoire est terrible et difficile à contester à moins de tordre le cou à la réalité. Le lecteur parvenu au trois quart de sa lecture espère que le sage vendéen le gratifiera d’une potion magique qui nous permettrait de sortir de ce marasme. Villiers ne lui en offrira aucune. Il a mieux dans sa besace : une troisième partie d’une centaine de pages où il décrit toute une série d’évènements historiques calamiteux de l’Histoire de France où l’on crut que tout était perdu et où notre vieux et vaillant pays est parvenu à trouver l’énergie suffisante pour repartir d’un meilleur pied. Mieux qu’un espoir, une espérance… Magnifique ouvrage à lire, relire et méditer.
4,5/5
Détails sur Mémoricide (Philippe de Villiers)
Auteur : Philippe de Villiers
Editeur : Fayard
Nombre de pages : 384
Format : 11X15
Isbn : 9782213731087