Après un double échec au concours d’entrée à Normale Sup, le jeune Emmanuel Macron réussit celui de l’ENA. Déjà, il commence à s’y constituer un réseau. Puis très vite le voilà à l’Inspection générale des finances et bientôt secrétaire à la commission pour la libération de la croissance économique française présidée par Jacques Attali, l’homme qui murmure à l’oreille de tous les présidents depuis Mitterrand, le faiseur de roi, l’éminence grise de la république qui le présente à Hollande juste avant que celui-ci ne devienne président. Il en fera un secrétaire général de la présidence, puis son ministre de l’économie et des finances. Il s’apercevra trop tard que Macron joue double jeu, le ringardise, le pousse vers la sortie et qu’il monte son propre mouvement « En Marche ». Finalement, en mai 2017, Macron réussit « le hold-up politique du siècle ». Jamais élu, sans véritable parti, mais avec l’énorme soutien des médias et de quelques milliardaires, il parvient à s’emparer du fauteuil de celui qu’il a trahi.
« Le traitre et le néant », nouvel opus du duo d’enquêteurs du « Monde », se présente comme un très long article de journal plus attaché à décrire la personnalité ambivalente de l’actuel chef de l’État que de vraiment pousser loin l’investigation. Les deux auteurs ont essuyé une longue suite de refus de participation à cet ouvrage. La liste de ceux-ci tient d’ailleurs sur plusieurs pages en fin de volume. Ni l’intéressé, ni sa femme, ni ses principaux ministres n’ont accepté de les rencontrer. Ils ont donc dû se contenter des échos de seconds couteaux et autres personnages du cercle dont une bonne majorité reste d’une discrétion de violette et d’une prudence pas trop étonnante quand on sait combien Macron est craint. Ces témoignages distillés un à un, sans véritable souci de chronologie ni de cohérence, nous brossent un portrait psychologique assez précis du personnage : prétentieux, arrogant, intrigant, populiste mais libéral, fluctuant, opportuniste, cynique, pragmatique, sans convictions, mais supérieurement intelligent et disposant d’un charme indéniable. Ces potins de cour, ce « verbatim », ne nous apprennent finalement pas grand-chose sur le fond. On aurait aimé en savoir plus sur les financements de sa campagne, sur ces milliardaires qui, ayant payé l’orchestre, ont pu choisir les morceaux joués. La manière dont sont traités la plupart des sujets (vente à la découpe du pays avec Alstom, Alcatel, Technip, Lafarge, Safran Identity, les chantiers de l’Atlantique et l’aéroport de Toulouse-Blagnac, CSG, retraites, révolte des Gilets Jaunes, crise sanitaire) est tout à fait décevante. Les auteurs s’en tiennent au narratif officiel dont tout le monde découvre peu à peu combien il était mensonger. Les rares mesures utiles sont toutes à mettre au crédit du président, les erreurs à la charge de ses subordonnées. Au bout du compte, le lecteur finit par avoir l’impression que nos deux pseudo-enquêteurs cherchent à innocenter un personnage qui n’aime ni la France ni les Français tout en lui concédant une personnalité assez détestable, mais sans vraiment désapprouver son exercice solitaire du pouvoir pour ne pas dire plus.
2,5/5
Détails sur Le traitre et le néant (Gérard Davet et Fabrice Lhomme)
Auteur : Davet & Lhomme
Editeur : Fayard
Nombre de pages : 424
Format : 11X15