26 octobre 2013 : journée de guérilla autour du portique de Pont-de-Buis entre Brest et Quimper. Les Bonnets Rouges apparaissent pour la première fois. Quatre blessés dont un grave.
2 novembre : Manifestation à Quimper. Les organisateurs espéraient la présence de 5000 personnes. Il en vient plus de 20 000 ! Quelques affrontements en fin de manifestation seront montrés en boucle à la télévision.
30 novembre : Démonstration de force à Carhaix. 17 000 manifestants pour la Préfecture, 35 000 selon les organisateurs.
Un slogan maintes fois martelé : « Vivre, DECIDER et travailler au pays ».
Une conséquence : suspension de l’écotaxe. En moins de deux mois, cette mobilisation massive et citoyenne qui verra défiler côte à côte, patrons et ouvriers, agriculteurs, commerçants et employers, riches et pauvres, déstabilisera le gouvernement au point de pousser J.M. Ayrault à annoncer une réforme fiscale. Ainsi le peuple de la pointe de Bretagne s’était levé et avait crié sa colère et sa détresse face à l’hostilité des syndicats (excepté FO qui le soutiendra un moment avant de se retirer très vite) et des partis de gauche, face à l’indifférence de la droite et à la très grande stupéfaction des médias. Alors, cet automne des Bonnets Rouges, crise passagère, tocsin qui sonne ou, comme l’explique Emmanuel Todd dans sa préface mesurée, « événement annonciateur d’une nouvelle révolution française ? »
« L’automne des Bonnets Rouges » est un essai socio-économique qui se présente sous la forme d’une étude comportant trois volets indépendants les uns des autres. Sous la plume du journaliste René Pérez du « Télégramme », on lira un compte-rendu très fidèle des évènements, relaté presque heure par heure. La parole est ensuite donnée à Jacques Baguenard, professeur de droit à l’UBO (Université de Bretagne Ouest) pour une première analyse et un décryptage fort pertinent dont le lecteur retiendra surtout le travail de recherche sur les interventions des députés et sénateurs socialistes bretons avec cette découverte sidérante : presque tous participent à des commissions n’ayant rien à voir avec les problèmes de leur région. Presque tous interviennent à la tribune pour tout autre chose que ce qui préoccupe les gens et quand cela se produit, c’est à posteriori, juste pour commenter les évènements. Pas étonnant que tout le monde ait été surpris par ce sursaut populaire. Et pourtant « Prévoir, c’est gouverner », dit-on. Ecrite à quatre mains par Erwann Charles et Hervé Thouement, maîtres de conférence en sciences économiques, la dernière partie présente un aperçu de l’histoire économique de la région avec ses siècles d’or (XVème, XVIème et XVIIème siècle), et ses périodes de recul. Il fallut le volontarisme gaullien et quelques révoltes pour permettre un premier désenclavement de ce Far-West français et un joli décollage économique qui amena à parler de « modèle breton ». Pour eux, les causes de cette crise seraient les coups de boutoir du G.TE.V. Comprendre sous ce sigle barbare, la globalisation des marchés (mondialisation des échanges avec son dumping social et la concurrence déloyale de l’Allemagne dans les filière agro-alimentaires), la révolution technologique, la contrainte environnementale et le vieillissement de la population.
L’intérêt de ce livre bien conçu, bien écrit et bien documenté, au-delà des faits, de leur explication historique, sociologique, politique et économique, réside également et sans doute principalement dans le tout dernier chapitre intitulé « Des pistes d’avenir pour la Bretagne occidentale ». Le cap de l’Europe ne manque pas d’atouts du point de vue de la ressource marine, de l’agro-alimentaire, de l’exploitation de l’énergie éolienne ou hydrolienne, des pôles d’excellence comme les universités (nos professeurs n’oublient pas de prêcher pro domo), de la haute technologie et bien sûr du tourisme vert ou bleu. Au total, un ouvrage fort intéressant pour qui s’intéresse à un phénomène qui va bien au-delà du fait divers.
4/5
L’automne des bonnets rouges (Baguenard, Charles, Pérez, Thouement)