« Tortuga’s Bank », d’André Blanc — très bon polar lyonnais!

Critique de le 11 juin 2013

Je n‘ai pas aimé...Plutôt déçu...Intéressant...Très bon livre !A lire absolument ! (35 votes, moyenne: 4,57 / 5)
Loading...
Actualité, politique

L’auteur Lyonnais André Blanc appuie – ou frappe – là où ça fait mal et atteint par son intrigue une sphère sensible, explosive et névralgique, celle du secteur bancaire, immobilier et politique. Mais il nous rassure tout de même en nous précisant que cette oeuvre est une pure fiction. Coïncidences fortuites? S’il le dit… L’actualité n’est jamais très loin, me semble-t-il. Bref…

Belle performance au niveau des personnages, plus particulièrement concernant Guillaume Farel, chef de groupe de la BRB de Lyon (brigade de répression du banditisme). Un chef de groupe que chaque brigade voudrait sans doute avoir à son actif. Extrêmement observateur, intuitif, perspicace et très à l’écoute envers les personnes qu’il côtoie, mais surtout envers les suspects ou témoins qu’il interroge. Une force de persuasion assez remarquable.

Mais Farel, c’est aussi un ex-commando ayant oeuvré dans la jungle africaine, notamment, et c’est aspect là va prendre une importance non négligeable au cours du roman.

Nous rencontrons également sa compagne, Maude, lieutenant à Interpol, qui ne manque pas une occasion pour lui donner deux ou trois tuyaux, et qui va endosser un rôle capital dans l’histoire.

Il y a aussi le chat Ubu, qui lui n’a pas vraiment un rôle déterminant dans l’intrigue, quoi que… Déjà son nom, Ubu, qui est « le symbole du délire du pouvoir et de l’absurdité des hiérarchies politiques ». Est-ce un hasard, ce nom, dans un tel contexte? Faudra demander cela à l’auteur! Je reconnais être un peu taré d’aller vérifier la signification du nom du chat dans une encyclopédie, j’avoue…

Il y a aussi les gens du pouvoir, influents, ceux qui se sentent intouchables, imprenables et bien protégés. L’auteur ne leur donnera pas vraiment l’occasion de garder une immunité permanente! Lorsque le commandant Farel et la juge Fournier forment une alliance le temps d’une enquête – appelés le binôme F2 par certains -, plus personnes n’est à l’abri et tout le monde est égal face à la loi!

Lyon, un mois de juillet étouffant, le commandant Farel se retrouve sur une affaire de meurtre, une sale exécution, suivie d’une mise en scène que je qualifierais d’ésotérique. Joseph Decosterd, Préfet du Rhône jusqu’en 1987, a été abattu dans son appartement puis disposé d’une manière qui laisserait imaginer que l’auteur aurait voulu transmettre un certain message. Position du Christ, mais à l’horizontal et placé au centre d’un tapis, une croix sur le front, une sur le mur, le tout bien orienté. Vu la chaleur ambiante, un tape-mouche aurait même été de rigueur! L’auteur nous donne d’ailleurs une description assez visuel de la scène; appréciable.

Secondé par le lieutenant Jean-Baptiste Lucchini, excellent flic qui en veut, Perez, les techniciens Gérard Comont et André Balme, Henri Dumont, Alain Moyat, ou encore Maurice Aknin, le légiste tombeur de femmes, – soit une équipe soudée! -, Guillaume Farel va prendre une direction d’enquête qui va diriger le groupe vers un monde peuplé de gros poissons.

« Tous forment l’équipe Farel. Celle qu’on jalouse dans la maison, qu’on envie et que l’on voudrait rejoindre. Mais selon Farel, cynique: « Les places sont prises et le ticket d’entrée prohibitif. Il faudra me supporter, me suivre, sans broncher, en enfer ou pire encore, en sachant que quoi qu’il arrive, je vous ramènerai vivants ou… morts. »

Ils vont évidemment se diriger vers les centres d’intérêts et les secteurs d’activité de la victime qui occupaient de hautes fonctions dans des cabinets ministériels. Préfet, puis retraite politique – jeté comme un malpropre -. S’ensuit une carrière dans le secteur immobilier dans lequel il ne manquera pas de faire fonctionner ses atouts d’ancien Préfet.

Mais il s’agit également un homme apparemment droit, au franc-parler, un Préfet qui est sorti des rangs et qui dérangeait, c’est certain. Dans le monde politique, il est conseillé de rester à sa place et de fermer sa gueule, visiblement.

La victime était également un grand collectionneur de bibles et de vieux documents officiels et il venait de faire une grande découverte en expertisant des annotations manuscrites cachées dans une de ses bibles.

A ce sujet, l’auteur nous en dit beaucoup et ce côté très instructif est très bon à prendre! Un thème qu’André Blanc pousse pas mal loin – également dans le temps – et je dois reconnaître y avoir suivi ses herméneutiques (si ça existe!) avec une certaine fascination. Je soupçonnerais presque que l’auteur ait un attrait irrésistible pour ce thème là.

Le meurtre de cet ancien Préfet fait bouger le monde politique, le secoue comme un prunier, même jusqu’à Matignon. Visiblement, cela pose certains problèmes. Une vieille affaire sensible pourrait-elle refaire surface? Des réseaux politiques parallèles vont immanquablement entrer dans cette danse stratégique pour prendre position, ou plutôt agir.

Au fil de l’enquête, des magouilles à profusion sortent gentiment de l’eau. Imaginez un endroit très sélect et fermé où se serait rassemblé une partie du gratin politique de la ville, entrepreneurs, financiers, qui se seraient amusés gaiement, comme des fous, avec l’argent public. Arrangements, décisions gardées bien secrètes sur l’urbanisation, ceci juste pour donner un exemple. La victime en faisait partie. Quel rôle aurait-t-il joué dans cet amphithéâtre aquatique rempli de requins?

Magouilles bancaires, blanchiment d’argent, banques exotiques, dont la Tortuga’s Bank – pour comprendre le titre  -, donc bien entendu enquêtes dans le milieu bancaire, avec ses ambiguïtés, ses secrets – évidemment – avec des protagonistes qui veulent aider, mais pas trop, juste ce qu’il faut pour satisfaire – ou non – les enquêteurs; en tout cas pas Farel. Déstabilisations, pressions, gros poissons, ça se bat dans un aquarium à requins, dans la cours des grands; mais Farel en fait également partie, des grands. La pression, il semble bien la connaître et l’apprivoiser.

A mi-parcours, le ton change radicalement. Lorsque l’étau se ressert enfin sur un homme influent ayant la mainmise sur la ville, un ancien cadre communiste nommé Vauclin, la réplique est instantanée; un flic est exécuté et un autre – une autre pour être précis – est dans le coma, blessée par balles.

Le commandant Farel, guidé par son indignation, laisse de côté son âme de flic et endosse celle qui ne l’a jamais vraiment quitté, l’âme du guerrier, de l’ancien commando de marine. Et là, les méthodes changent, tout en restant calculées, méticuleuses et organisées. Pas de bains de sang, mais des prises de décision rapides et efficaces. Il fait donc appel à son propre réseau.

Au terme du roman, nous comprenons fort bien que cela ne peut pas se terminer ainsi. Il y a encore quelques détails qui nous intéressent; l’auteur ne nous a pas encore tout dit, me semble-t-il.

Le récit est froid, la narration direct, comme son héros; pas de chichi!

Bonne lecture.

« Tortuga’s Bank », d’André Blanc — très bon polar lyonnais!

Laisser un commentaire