En 2010, dans l’armée américaine, un viol était commis toutes les trois heures… Dans l’armée australienne, en 1995, 62% des soldates se disaient victimes de harcèlement… Dans l’armée suédoise, 35,9% des femmes déclaraient avoir été victimes de harcèlement sexuel… Dans l’armée britannique, c’est deux tiers. Dans l’armée israélienne, 500 soldates ont déposé plainte pour harcèlement et agressions sexuelles en 2012… Et dans l’armée canadienne, en 1997, la police militaire était saisie de 145 plaintes pour agression sexuelle… Et dans l’armée française ? Silence radio ! Circulez, y a rien à voir ! Ne pouvant pas y croire, deux journalistes ont mené l’enquête, épluché la presse, consulté les archives et découvert une soixantaine d’affaires jugées ou en passe d’être jugées. Elles ont également recueilli une centaine de témoignages de victimes. Cet ouvrage en est le résultat. Dans les écoles militaires, et même à Saint Cyr, au sein de l’armée de terre, de l’armée de l’air, de la Marine ou de la gendarmerie, c’est partout la même histoire. Depuis la fin du service militaire et l’ouverture aux femmes des métiers des armes, les femmes sont vécues comme des intruses, rejetées, moquées et parfois traitées comme des objets sexuels. Harcèlement, grivoiseries, rumeurs, photomontages pornographiques, attouchements, propositions indécentes et agressions pouvant aller jusqu’au viol en réunion peuvent à tout moment se produire et dans une proportion beaucoup plus importante que l’on peut s’imaginer. En effet, moins de dix pour cent des victimes portent plainte. Si elles ont le courage de s’y résoudre, la hiérarchie le prend très mal. En général, c’est la plaignante qui est déplacée alors que l’agresseur est maintenu dans son poste. Quand elles ne sont pas purement et simplement enterrées, les procédures sont interminables et les sanctions souvent minimes.
Une enquête de grande qualité. Tous ces témoignages font froid dans le dos. Ils permettent de se rendre compte que l’armée française, la plus féminisée d’Europe (avec 15% de femmes), n’est pas exempte des tares de ses consoeurs. Elle serait juste un peu plus hypocrite et même un peu moins disposée à lutter contre ce fléau. Livre utile et même indispensable pour lever un coin de l’omerta. Permettra-t-il de faire évoluer les choses ? On peut toujours l’espérer…
4/5
La guerre invisible (Minano & Pascual)