Un mois avant Noël 2012, au moment du plus gros pic d’activité de l’année, le journaliste Jean-Baptiste Malet se fait embaucher comme intérimaire sur la plate-forme Amazon de Montélimar (Drôme). Il estime que c’est le seul moyen de découvrir ce qui se passe réellement dans cet entrepôt géant, grand comme plusieurs terrains de football car Amazon refuse de communiquer avec la presse et interdit même à ses ouvriers de parler à qui que ce soit de leurs conditions de travail. Il va découvrir le travail du picker, qui consiste à parcourir chaque nuit plus de vingt kilomètres pour aller chercher les produits dans les rayonnages, les scanner, les placer dans un chariot et les amener au packer, celui qui pendant ce temps reste six heures debout à emballer les dits objets culturels ou non. Et il va s’apercevoir que c’est un travail épuisant, que les cadences sont infernales, qu’il est perpétuellement surveillé par caméras et ordinateurs et poussé par des leads et des managers à donner le meilleur de lui-même quitte à tomber d’épuisement pour un salaire de misère.
Ce compte-rendu d’infiltration est à la fois édifiant (quel client commandant tranquillement sur Internet s’imagine vraiment ce qu’implique son acte ?) et inquiétant. Le lecteur sent bien qu’Amazon et ses méthodes à l’américaine, c’est à dire cumulant tous les inconvénients des principes de Henry Ford, de Taylor, de MaoTséToung ou de Moon, sans oublier les recherches sur la soumission à l’autorité ou le conditionnement, est une sorte de prototype de l’usine de demain, celle où le travailleur n’a d’autre choix pour survivre que d’accepter d’inhumaines conditions de travail et où le patron joue cyniquement sur l’offre car il sait que sa main d’oeuvre, taillable et corvéable à merci, est parfaitement interchangeable. Pour mieux maintenir les cadences et atteindre les objectifs de production, il fait miroiter au pauvre intérimaire la promesse fallacieuse d’un CDI, lui offre de petits cadeaux et le tympanise largement de sa devise d’entreprise : « Work hard » (travaille dur, ça a au moins le mérite de la franchise), « Have Fun » (Amuse-toi, prends ton pied ! On se demande comment…) et surtout « Make History » (Ecris l’Histoire, là c’est le comble de la forfaiture car seule la multinationale le fait en remodelant au bulldozer tous les circuits de distribution et en renvoyant aux poubelles de l’Histoire les petits ou gros libraires qui ne pourront malheureusement qu’imiter leurs confrères disquaires… Avec la complicité du pouvoir socialiste d’ailleurs. Impôts optimisés (euphémisme), emplois subventionnés (7500 euros payés par nos impôts pour chaque emploi créé avec un Arnaud Montebourg se réjouissant d’une telle aubaine, un comble de sottise !). Il faut absolument lire ce livre ne serait-ce que pour ne pas consommer idiot !
4/5
En Amazonie Infiltré dans le « meilleur des mondes » (Jean-Baptiste Malet)