« Si je trouvais Léon Daudet divertissant, le colonel de La Roque m’ennuyait. Horace de Carbuccia et Béraud m’invitaient quelquefois pour me parler du complot judéo-anglais. Maurois m’enviait mes amitiés fascistes. Je lui donnais la recette : abandonner définitivement son exquise pudeur de juif honteux. Reprendre son véritable nom. Devenir comme moi, Raphaël Schlemilovitch, un juif antisémite. » ( Paris, Gallimard, 1968, p.25)
On connaît le début de ce premier livre de Patrick Modiano : un officier allemand demande à un jeune homme où se trouve la place de l’Etoile ?
Le jeune homme désigne simplement le côté gauche de sa poitrine.
On s’interrogera sur l’ironie de la citation de la page 25.
Forme de résistance ?
Refus de s’engouffrer dans la souffrance ?
Modiano emprunte la voix de Schlemilovitch (en yiddish « pauvre type ») pour essayer d’incarner la voix de tous les juifs.
Mais est-ce bien la voix de tous les juifs ?
De mon point de vue, Schlemilovitch, caïd de la traite des blanches est d’abord un de ces personnages hallucinatoires qui peuplent l’œuvre de Modiano.
A relire ce premier livre, je me rends compte que 40 ans après, avec Horizon, la voix de Modiano est moins vibrante et sans doute plus subtile.
La voix devient comme chuchotée et sans ironie. Mais pourquoi la voix de Modiano au fil des ans a-t-elle perdu de son ironie ?
Patrick Modiano La Place de L’étoile