Elle est spontanée, amoureuse de vérité.
Son livre s’avale d’un trait.
C’est profond.
Du Heidegger.
Combat contre une certaine » existence inauthentique » des africains en France.
Elle se souvient tellement de la vie, du côté du métro Château Rouge!
Comme Sartre, elle s’insurge contre le pratico-inerte.
Celui de ses compatriotes victimes du persistant mirage occidental.
Celui des idéologies occidentalistes, opposant l’occident développé au reste du monde.
Alors elle proclame:
« Ouvrir les frontières serait un autre idéal pour briser les tabous de l’interdit. Qu’il n’y ait plus de zone de non-droit pour la migration des peuples ! Donner à chaque citoyen du monde la possibilité de vivre dans le pays de son choix ». (p. 168)
Les mots ne sont pas neutres. En cause, ce refus d’altérité dont le monde occidental est coupable. Babacar, jeune avocat, n’est pas admis dans la famille d’Hélène, sa femme : « C’était une offense que leur fille convie une personne de couleur dans la famille ». (p. 36)
Refus d’altérité relevant d’une démarche essentiellement raciste. C’est toujours le monde occidental, le monde blanc que l’on oppose au monde de couleur. Notion d’occident. Produit d’une idéologie ne recouvrant aucune réalité géopolitique culturelle et même économique- où classer le Japon, pays de couleur hyper-développé ? Soukeyna, la narratrice, délaissée par Babacar, au profit d’Hélène, s’exclame : « Moi, cette autre, je suivais mon destin vers les eaux troubles de l’Europe blanche ». (p. 91)
Soukeyna résiste au langage infra-culturel occidental, si aliénant et, ne reposant sur le support anthropologique d’aucun peuple et ne véhiculant aucun sens. Soukeyna, comme les héroïnes de Marie Ndiaye, garde sa dignité. En plus la fierté d’être africaine : « Oh ! Chers frères, l’Afrique n’est pas un continent pauvre ! Evitez les pirogues ‘ les pateras ‘ et restez-y (…) Un continent ne peut rester pauvre et regorger de diamants, d’or, de cuivre, de fer, de caoutchouc ». (p. 99)
Soukeyna refuse cette aliénation occidentale qui menace les africains en France. Civilisation occidentale factice. Aliénation de la personnalité pour celui qui croit bon de l’emprunter. Alors la narratrice nous emmène dans son combat pour la vérité. On est mieux au pays. En France on est malheureux, comme d’ailleurs bien des français. Il ne faut pas risquer sa vie sur ces pateras dans une illusoire tentative vers un pays de cocagne.
Aïssatou Diamanka-Besland dans son opération vérité n’épargne pas le Sénégal. Description d’une société phallocratique où, la femme soumise souffre sans rien dire. Son héroïne, abandonnée par Babacar, trouve une force nouvelle : « Devenir. Etre. Dompter le Mâle. Terrasser leurs lois et leurs manigances. Agir ! Boul-fâlé ! oui boul-fâlé parce que, moi aussi, j’avais le droit d’avoir des droits » (p.19). La révolte conduit la narratrice à devenir porte- parole des « sans-voix » qui s’engouffrent dans les eaux profondes de l’océan. On pense à Victor Hugo :
« Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues !
Vous roulez à travers les sombres étendues,
Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus
Oh ! que de vieux parents qui n’avaient plus qu’un rêve,
Sont morts en attendant tous les jours sur la grève
Ceux qui ne sont pas revenus ! »
(Oceano Nox)
Patera , Aïssatou Diamanka-Besland