Oui… La couverture de ce roman est particulière. (Détail de l’Enfer; volet de droite du triptyque du Jardin des délices). Il s’agit de l’une des œuvres d’un homme un peu particulier, un peintre qui se nommait Jérôme Bosch – de son vrai nom Hieronymus van Aken -, né vers 1450 à Bois-le-Duc, aux Pays-Bas.
Soit dit en passant, vous constaterez que le nom ce peintre a inspiré celui du personnage principal des romans de Michaël Connelly, l’inspecteur Hieronymus Bosch – Harry Bosch. Parenthèse fermée!
Si vous allez jeter un œil sur le net, vous remarquerez assez rapidement que les peintures de cet artiste atypique sont surprenantes, dérangeantes peut-être, mais selon moi d’un style très avant-gardiste! Si vous m’aviez dit que tout ceci était l’oeuvre d’un peintre contemporain, je vous aurais certainement crus.
Ses oeuvres, où l’aspect religieux se mélange, se confronte au péché et la damnation, sont assez impressionnantes je dois dire. Je suis évidemment allé voir sur la toile à quoi elles ressemblaient; je ne peux me faire qu’une seule opinion, cet homme devait probablement être un peu perturbé, convaincu, vivant parmi des fantasmes relativement étranges et tout de même un peu malsain.
Mais peut-être voyait-il le monde comme il était réellement, justement.
Néanmoins, cet homme jouera un rôle clé dans cette intrigue se déroulant au XVIème siècle, notamment par ses oeuvres, plus particulièrement pour ce qu’elles représentent; péché, damnation… Donc punition!
Bois-le-Duc (Hertogenbosch), Pays-Bas, XVIème siècle. Une jeune femme est retrouvée assassinée, visiblement après avoir été sauvagement torturée, viscères à l’air. La victime, qui était enceinte, mais aussi célibataire – quelle honte! – se prénommait Katje, servante d’un chirurgien répondant au nom de Jacob Dagmar, alchimiste et un peu hors des normes de l’époque, selon l’Eglise, évidemment. Simple exemple, son attrait pour la dissection des corps amenés à son domicile par les bourreaux de la ville.
Le bailli (policier) de la région, Pieter van Ringen, secondé par l’horrible Jos, est chargé de l’enquête concernant la mort de la malheureuse. Pieter est un homme de guerre, ancien combattant, qui a été jusqu’au bout des choses, intègre, fidèle et juste. Les hommes qui sont sous ses ordres n’ont pas vraiment les mêmes qualités, certains s’amusant à casser du citoyen, bon ou non, innocent ou pas, histoire de se faire la main et montrer qui décide dans cette ville fortifiée.
Dès la découverte du corps, nous remarquerons que les premières mesures d’une enquête de police criminelle n’étaient pas vraiment les mêmes qu’aujourd’hui! Du style: c’est vous le responsable! Un coup de bâton… Non? Ah bon… Alors cela doit être quelqu’un d’autre. N’empêche, cela aurait pu marcher. Le médecin Jacob Dagmar s’avérera bien plus subtile et malin que la police pour dénicher quelques éléments utiles à l’enquête.
D’ailleurs, je relève le fait qu’établir le profil d’un individu par rapport aux actes commis ne date pas d’aujourd’hui, si je me réfère à ce personnage perspicace, passionné, fouineur et intuitif. L’enquête débutera tout de même à coups de bâton à travers la ville, un moyen comme un autre pour découvrir l’auteur d’un crime! Le côté rituel et mystique de la scène du crime inquiétera tout de même un peu les policiers; d’une part, ils n’y comprennent évidemment rien, d’autre part, l’Eglise ne va pas rester indifférente à ce sacrilège.
La découverte de corps mutilés, mis en scène dans des circonstances abominables, vont se succéder. La police, pas trop futée, va rapidement être un peu dépassée. Heureusement pour elle, le Dr Jacob Dagmar, très cultivé et observateur, va pas mal collaborer à cette enquête, si ce n’est pas la diriger carrément. Sa logique, sa perception de l’autre et surtout ses connaissances multiples vont amener les enquêteurs dans une direction assez correcte.
Une sérieuse relation va être mise en avant entre ces crimes aux scènes morbides et les oeuvres de l’honorable et talentueux peintre Jérôme Bosch. Un homme ou un groupe d’hommes semblent vouloir établir leur loi divine face à des personnes qui mériteraient d’être punie. Punies de quoi? Probablement de leurs péchés.
Nous apprendrons petit à petit que le responsable de ses abominations n’est pas un simple criminel, mais un être cultivé et dans un sens assez brillant. Nous allons donc être les témoins d’un face à face à un haut niveau de connaissances, mais aussi et surtout à haut risque. Le médecin va beaucoup s’impliquer, être impliqué peut-être aussi; la situation va s’avérer être relativement ambiguë.
L’auteur, par cette méthode très habile et bien menée, va ainsi consolider cette trame faite de doutes, rendant l’intrigue intéressante. Nous soupçonnerons un peu tous les protagonistes sans ménagement.
L’ambiance de cette époque du XVIème siècle est vraiment bien reproduite. L’auteur, historien, utilise son savoir à très bon escient! Cette petite ville d’Hertogenbosch – grande ville pour l’époque j’imagine! – est bien décrite. Nous n’avons pas de mal à nous y enfoncer et découvrir les us et coutumes qui y règnent. Surprenant au départ, évidemment, nous ne sommes pas vraiment habitués à croiser ce beau monde de cette époque de la Renaissance! Les gens sont rustres, pas trop recommandables pour certains, mais pas trop compliqués non plus.
J’ai été surpris par ce grand décalage face à la médecine, vis à vis de ce médecin Jacob Dagmar qui manie les fioles, les herbes et le bistouri à merveille. Le regard que porte les habitants du village à son encontre témoigne d’un grand dégoût, d’une énorme peur aussi, n’ayant pas de scrupule à l’associer à un sorcier venant droit de l’enfer. Paradoxalement, il en soignera plus d’un…
Claude Merle, que je ne connaissais pas encore, nous fait profiter de ses grandes connaissances en Histoire. Il semble bien connaître l’époque à laquelle se déroule cette intrigue, ce qui lui permet de composer son récit dans un contexte connu donc solide. Il semble également bien connaître l’âme de ce peintre hollandais passablement illuminé et troublant qu’il met adroitement en scène dans ce roman. Jérôme Bosch, un artiste aux pensées philosophiques, très accroché à ses convictions extrêmes, un homme qui reproduit finalement le monde tel qu’il le perçoit et le ressent. La folie des hommes!
Un excellent moment de lecture. L’intrigue en elle-même n’est pas vraiment surprenante, mais nous avons l’occasion de découvrir un vrai thriller se déroulant à une autre époque, ce qui pour moi sort tout de même des sentiers battus. C’est à ce niveau que ce roman m’a convaincu, surtout avec une telle justesse et profondeur. Mais aussi d’avoir suivi cette intrigue avec en image de fond ces toiles de ce peintre qui défilent et planent incessamment autour de nous jusqu’au dénouement.
Par ailleurs, j’ai pu constater que les tueurs en série n’étaient pas spécialement issus du monde moderne, mais qu’ils représentent un fléau qui semble avoir toujours existé. Celui qui nous préoccupe dans ce roman est très atypique, vous verrez.
Bonne lecture.
Détails sur « L’ange sanglant », de Claude Merle – un thriller issu de la Renaissance!
Isbn : 2822403007