« Délivrance » est le 3ème roman du danois Jussi Adler-Olsen traduit en français aux éditions Albin Michel. Les deux premiers, à savoir « Miséricorde » et « Profanation », ont suscité un intérêt non négligeable.
Cette fois-ci, l’auteur nous emmène dans le monde méconnu des sectes, en mettant en place une intrigue diabolique et sadique. Par cet ouvrage, il nous ouvre les portes sur ces communautés étranges qu’on ne peut comprendre. Des familles – adeptes -, ici, qui jouent le rôle de victimes.
Une grande partie de la problématique de l’enquête résidera sur ce point-là; les membres de sectes vivent en vase clos et ne parlent pas « aux autres », même en étant en grande difficulté.
Comme dans « Miséricorde », l’auteur nous présente deux prises de vue différentes qui s’alternent au gré des chapitres; ici, celle de l’enquête et celle qui nous fait suivre un prédateur. Cela nous permet d’avancer dans l’enquête de police en cours et en même temps de nous mettre dans la peau de celui qui tente justement de ne laisser aucune trace et de larguer les enquêteurs.
Jussi Adler-Olsen lance également « une bouteille à la mer » pour démarrer son récit.
Deux enfants – deux frères – sont retenus contre leurs grés dans une sorte de cabane, au bord l’eau, entravés et bâillonnés. L’aîné, avec le peu d’énergie qui lui reste, exploite l’ultime chance d’être retrouvés un jour; il lance in extremis une bouteille à la mer par l’interstice de la paroi de la cabane. A l’intérieur, un message écrit avec son sang, un appel à l’aide.
Une bouteille qui va être repêchée et qui va être longtemps, très longtemps oubliée sur le rebord d’une fenêtre dans … un commissariat à Wick, en Ecosse.
Parallèlement, nous découvrons une famille; si on peut l’appeler comme ça. Composée d’une femme seule, abandonnée par un mari qui est sans cesse en voyage professionnel, une profession dont elle ignore tout. Un mari présent tout de même quelques fois, soit pour la frapper, soit pour la baiser. Il y a aussi un enfant, leur enfant.
Mais cet homme, qui a visiblement une double vie, semble être un prédateur particulièrement dangereux, qui prend un soin sans précédent pour choisir ses victimes, ses terrains de chasse, avec un timing et une patience hors norme. Ses victimes sont principalement des familles issues de sectes, comme les Témoins de Jéhovah, pour ne donner qu’un exemple. Des gens un peu naïfs, peut-être… Ce prédateur manipulateur va choisir une famille avec cinq enfants pour exécuter son plan. Son tripe, ce sont les enlèvements d’enfants. Pourquoi?
Ce grand manipulateur très prévoyant commettra tout de même des erreurs, c’est inévitable. Son épouse, très souvent seule à la maison, va découvrir certaines choses sur lui en fouillant un peu dans ses affaires, respectivement dans son passé. Ce qu’elle va découvrir va dépasser tout ce qu’elle aurait pu penser. Son mari, visiblement, a établi un plan depuis bien longtemps.
Un piège va lui être tendu, mais étonnamment pas par la police, ni par son épouse…
Nous avons également le bonheur de retrouver Carl Morck, du département V, un nouveau département qui s’occupe de poursuivre de vieilles affaires qui n’ont jamais abouties. En plein remue-ménage suite à des problèmes de poussières d’amiante dans les sous-sols du bâtiment de police – emplacement de son bureau! -, Carl Morck va s’occuper de cette bouteille jetée à la mer, qu’il ne prend pas vraiment au sérieux.
Par contre, une affaire d’incendie qui n’a jamais été résolue capte un peu plus son attention, surtout lorsque l’affaire semble tourner en crime dissimulé. Trois autres incendies, provoquant à chaque fois un mort, ont également eu lieu récemment. Visiblement sans point commun; quoi que…
Concernant la bouteille retrouvée, après quelques expertises, l’affaire ressemblera de moins en moins à une plaisanterie et deviendra même prioritaire. L’appel au secours a été écrit il y aurait plus de dix ans et l’écriture semble provenir d’un enfant.
Voila pour l’histoire!
L’ambiance au sein de la brigade criminelle est franchement succulente; j’irais même jusqu’à prétendre que cela me fait penser parfois à du Camilleri à la sauce hollandaise… euh pardon, danoise. C’est plein de finesse dans les interactions, les dialogues – de sourd parfois! – sortent vraiment du même moule que l’écrivain sicilien. Le téléphoniste chez Camilleri me fait assez penser à Hassan, ici dans les bureaux de la criminelle de Copenhague. Etant un grand adepte de l’ambiance sicilienne de Camilleri, je ne peux qu’apprécier celle-ci, similaire, quoiqu’un peu moins méditerranéenne!
A contrario, l’ambiance entre cet homme prédateur et son épouse soumise est absolument oppressante et dérangeante. L’auteur est arrivé à tendre entre ces deux personnages un câble qui est prêt à rompre à chaque secondes qui passe. On retient alors son souffle et on attend que cela passe. C’est assez violent, c’est le moins que je puisse dire.
L’auteur nous démontre de quelles manières un être humain peut virer à la noirceur, à la folie totale. Nous pouvons en suivre le processus depuis l’enfance, une enfance qui s’est déroulée un sein d’une famille intégriste, dirigée par un père violent, ne jurant que par Dieu. Un homme respecté par la communauté mais pas tant respectable avec sa femme, ses enfants, qui en subissent les débordements.
Soit, Jussi Adler-Olsen nous démontre à quel point une secte peut mettre à mal une famille.
« Quand tu parles, on dirait qu’on égorge un cochon, lui dit son père, alors qu’ils passaient à table dans la cuisine. D’ailleurs, c’est à cela que tu ressembles. A un porc. Regarde-toi dans la glace. Regarde comme tes traits sont laids et grossiers. Colle ton horrible groin sous tes aisselles et sens comme tu pues. Va te laver, créature répugnante. » Page 279
Plusieurs pièces se mettent en place petit à petit et d’une manière intéressante. L’auteur nous présente plusieurs scènes qui, au bout d’un moment, se joignent les unes aux autres pour n’en former plus qu’une; et celle-ci n’est pas forcément réjouissante.
Bonne lecture.
« Délivrance », de Jussi Adler-Olsen