Saint François d’Assise n’était indigent de rien puisqu’il était riche de sa foi et vivait dans l’extase, drapé dans les lumineuses guenilles de sa pauvreté volontaire. Antonin, le héros de Pascal Bruckner bascule dans la véritable pauvreté, celle qui est toujours involontaire. Embauché à La Maison Des Anges dans l’association humanitaire d’une grande bourgeoise assoiffée de malheur comme d’autres d’or, il rejoint pour de bon la meute des crevants de faim, validant la sentence de sa patronne, Isolde de Hauteluce – on devient clochard en quarante-huit heures- , et quand ce cadre de l’immobilier de luxe se retrouve à l’hôpital avec d’autres porte-loques, les soignants extirpent avec des pinces les œufs et larves nichés dans la centaine de plaies ouvertes pendant des mois d’errance.
Gifle absolue sur la face de la générosité chrétienne.
Comme disait le Marchenoir de Léon Bloy: » Après cela, si l’existence de Dieu n’est pas la parfaite blague… »
La Maison Des Anges, Pascal BrucknerÉtiquettes : Léon Bloy, Saint Fançois d'Assise
Ça, c’était complètement gratuit.
« Gifle absolue sur la face de la générosité chrétienne. »
C’est-à-dire? qu’un personnage fictif, un héros de roman, un être fait uniquement des mots assemblés par le romancier assis devant son papier ou son ordinateur,
– donc un gars qui n’existe pas dans la vie réelle et qui ne fait rien de concret pour soulager la misère -,
un gars, en outre, entièrement inventé par un deuxième gars – le romancier – qui passe plus de jours à écrire des livres qu’à servir la soupe aux pauvres,
est plus généreux qu’un type de chair et de sang comme François d’Assise, qui donne son temps et risque sa santé près des indigents ou des lépreux !…
Oh oui c’est bien commode, le virtuel !
Mais il y a pire.
C’est le troisième gars, celui qui lit un livre assez naïvement pour croire qu’il lit l’histoire d’un vrai bonhomme, et (je ne sais pas si ce critique aide beaucoup les pauvres à sortir de la misère, combien d’heures de présence il donne dans les centres d’accueil de sdf dans les hospices dans les hopitaux, combien chez l’abbé Pierre ou chez Emmaüs ou les Petites soeurs des Pauvres), ce lecteur qui passe assurément beaucoup de temps à la maison à bouquiner, qui vient donner des leçons de « générosité » vraie !!!
« Notre cerveau est trop fait de la pâte grise des livres » comme disait l’autre, on en a ici une preuve assez triste.
Comme Léon Bloy, Pascal Bruckner dénonce l’apostasie du catholicisme mondain qui vit de l’exploitation des pauvres: « La joie du riche a pour substance la douleur du pauvre ». Nous habillons d’angélisme libertaire une société violente et dure…et par ailleurs… vous ou moi avons la liberté de consacrer du temps à bouquiner ou à aider notre prochain, comme nous l’entendons. e taussi le droit d’être Je vous invite aussi à renoncer à l’anathème permanent, surtout quand il est départi de toute civilité.
Après les leçons de générosité vraie, la leçon de civilité..
Le « droit d’être… » (manque l’adjectif)
On ne se refait pas.
Pour ma part je ne donne pas de conseil ni n’invite à quoi que ce soit, pas même à renoncer à des défauts que je vous inventerais.. Votre critique parle pour vous.
Lisez donc « La Femme Pauvre » et sa transfiguration de la Pauvreté qui » rend l’âme disponible pour comprendre le sens de la souffrance ».
L’ingéniosité intellectuelle s’attache à donner un « sens » à ce qui dépasse notre entendement. Elle n’est pas nouvelle.
La souffrance et la mort sont le partage de tous les hommes,- bien avant d’être des faits littéraires dont la lecture puisse « rendre l’âme disponible pour » etc.
Et ils sont donc – cette souffrance, cette mort – le fond de commerce de toutes les religions – et le fondement véritable de toutes les extrapolations verbales des Védas Corans Bibles Evangiles Sommes théologiques Imitation de Jésus-Christ (…) kilotonnes de textes immémoriaux qui s’attèlent comme ils peuvent à leur donner un « sens » à cette souffrance et à cette mort.
Toutes les sagesses toutes les philosophies de même. La vie de chaque homme est trop courte pour qu’il prenne pleine conscience de ce ressassement verbal. Chaque génération redécouvre la Lune.
Avoir recours à la lecture pour comprendre la souffrance, et plus encore, y renvoyer son prochain, relève d’une candeur que je ne juge pas autrement.
Il y a toujours des hommes assez candides pour s’imaginer pouvoir guider les autres.