Voici un livre dont la première caractéristique que l’on notera est le plaisir. Un plaisir d’autant plus fort qu’il naît sans complexité ou autre érudition : bien que l’œuvre transporte un contenu d’une profondeur indéniable, son écriture est simple, sans fioritures. Pennac nous y rappelle, comme il l’avait fait auparavant dans Comme un roman , des choses essentielles à l’éducation, et pourtant simples, mais oubliées. Et c’est à travers l’histoire du cancre devenu professeur et écrivain qu’il nous ramène ici à ce qu’il montre comme l’essence même de l’apprentissage, c’est-à-dire quelque chose, au fond, de parfaitement intouchable, dans l’envie d’apprendre, de connaître, d’apprivoiser, surtout, des choses qui ne nous parlaient pas jusqu’alors.
Mais revenons-en plus précisément à ce cancre dont il est question sur cette toile de fond. Son parcours est raconté de façon parfois très drôle, comme lorsque son lui dit, après l’obtention de son bac après mai 68, qu’ « il faudra une guerre mondiale pour l’agrégation ». Nombres d’autres anecdotes font naître le sourire, voire le rire aux éclats, mais c’est au plaisir du lecteur qu’il faut en laisser la connaissance.
D’autres épisodes ont, « au contraire », bien qu’ils ne s’opposent en aucun cas à ces touches humoristiques, quelque chose de particulièrement touchant, au fil de rencontres, par exemple, que fait le cancre devenu enseignant avec d’anciens élèves. On ne pourra rester insensible au récit de cet élève devenu cuisinier, qui avait lors d’un devoir dressé ce portrait exact de lui dans le futur, et est devenu ce dont il rêvait. Bien que l’on soit au cœur du domaine des études, nul besoin, donc, de courir après le doctorat ou autre diplôme prestigieux pour passer par la case avenir. Voilà quelque chose que l’on retrouve bien comme étant la patte de Pennac.
Ce dernier, nous peignant une sorte de portrait du cancre, n’est pas sans nous laisser entendre qu’il n’y a en fait pas de définition à proprement parler du cancre. Les élèves désignés par ce terme n’en sont pas pour autant bannis d’un système, auquel ils contribueront, d’une part sans être nécessairement des « rats de bibliothèque » et, d’autre part, s’ils bénéficient du même regard que celui posé sur les élèves dits brillants, ou en tous cas d’un regard qui ne les enferme pas dans un stéréotype.
Cet écrit éclairant sur les jeunes et l’école, ponctué de notes à caractère autobiographique, pourrait sans difficulté être considéré comme une sorte de manuel à l’usage de celui qui veut devenir enseignant. Mais n’oublions pas l’épigraphe de Comme un roman, œuvre qui semble étroitement liée avec celle dont nous parlons ici, où l’auteur nous disait de « ne pas utiliser ces pages comme instrument de torture pédagogique », formule qui peut également s’appliquer à Chagrin d’école, et semble contenir en elle l’essence de son écriture.
Chagrin d’école, Daniel Pennac
C’est un cancre « doré » que fait vivre Pennac sous sa plume. Certes il y a autant de cancres qu’il y a d’individus cancres. Il les imagine très bien. Mais la dorure se craquelle. Derrière ce bel ornement se profile un bon élève en mal de reconnaissance.