« Cette volonté d’imposer à l’homme, créature d’évolution et susceptible d’exquise douceur, susceptible au dernier round, de téter la succulence aux lèvres barbues de Dieu, la volonté d’imposer, dis-je, les lois et conditions propres à une création mécanique, c’est la chose , contre quoi je lève le glaive ma plume »
A la fin d’une magnifique exposition sur Kubrick à la Cinémathèque de Paris, je peux enfin prendre entre mes mains les livres qui l’ont inspiré. Et « étrangement », ma curiosité s’éveille devant l’Orange Mécanique. J’ai envie d’en savoir plus sur ce scénario peu commun et forcément marquant. Et qu’elle fut ma surprise devant l’œuvre de Burgess !
Tout d’abord, ce langage inventé par l’auteur : le « nasdat ». Un peu effrayant en début de lecture car ce sont des mots dont on ne comprend pas le sens ! Mais après quelques pages, il devient presque familier.
« Ce soir là, au Korova, il y avait pas mal de vecks , des ptitsas et des dévotchkas avec des maltchicks, se bidonskant et drinkant à tout va. Et à travers tout leur govoritts et les bafouillis de plouks, genre : « Ouémec, supersassbalance et j’en ai le valdin qui durcit et les schmoulettes qui bleuissent » et autres gouspins, on pouvait sloucher un disque pop sur la stéréo – Ned Atchhimota qui chantait « Au jour, oui, d’aujouird’hui, oui »
Un langage musical et poétique atténue la violence qui devient paradoxalement pleine de douce. Comment vous dire ? C’est une violence qui ne m’a pas heurtée (certainement comparée à celle de Bukowski lu dernièrement!). Concernant l’histoire, le personnage principal, Alex, est en quelque sorte l’arroseur arrosé. Membre d’une bande d’amis un peu spéciaux, il passe son temps à agresser des gens gratuitement jusqu’à son arrestation. Il subit alors un traitement complétement futuriste qui consiste à le rendre gentil (voire trop) pour l’éternité !
Dans un univers de science-fiction, la torture, l’humanité, l’humiliation, la méchanceté, les mécanismes psychologiques son traités avec beaucoup d’humour.
» L’insincérité de l’acte était évidente. S’il cesse d’être malfaisant, il cesse également d’être une créature capable de choix moral.
– Arguties, a répliqué genre souriant le docteur Brodsky. Les mobiles, la morale supérieure, ce n’est pas ce qui nous préoccupe. Notre unique souci est la réduction de la criminalité […] Il y a eu tout un tas de govoritt et de discussions pendant que je restais piqué là, frères, comme si cette bande de brtchnis ignares avaient complétement ignoré mon existence; alors j’ai critché :
– Moi, moi, moi. et moi alors ? Qu’est ce que je deviens dans tout ça ? qu’est-ce que je suis un animal ou un chien ?
Sur quoi ils se sont mis à govoriter réellement fort et à me bombarder de slovos. Alors j’ai critché encore plus fort , critchant :
– Pour quoi vous me prenez ? Pour une espèce d’orange mécanique ou quoi ? «
C’est tout simplement génial et agréable, tellement loin du souvenir « choquant » que m’avait laissé le film. Et rassurez-vous, il y a un lexique à la fin du livre mais le mieux est encore de se laisser bercer par la logique du sens des mots…! Je n’ai conseille à vous donner pour comprendre : lisez-le !
L’orange mécanique – Anthony Burgess
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orange mécanique, le film est angoissant, le livre encore plus !
je dirais plutôt oppressant à la place d’angoissant… à méditer 🙂
le « nasdat » de Kubrick est en fait un mélange de tout et de rien mais qui reprend beaucoup de mots et expressions russes comme « dévotchkas » qui veut dire fille, « moloko » qui est du lait et même le nom du bar « korova » qui veut dire vache.