Dans Le Septième Sceau d’Ingmar Bergman, le chevalier joue une partie d’échecs avec la Mort pour obtenir un délai, durant lequel il veut accomplir quelque chose qui ait du sens. Dans Lol et Gimmy, nous comprenons dès le départ que les deux adolescents seront en sursis tout au long du roman, mais il semble au contraire qu’ils utilisent le temps qui leur est imparti, délai dont ils sont plus ou moins conscients, pour ajouter le préfixe « dé » à tout un lot de verbes qui expriment une volonté de sens ou de cohérence: ils peuvent tout aussi bien désarticuler une femme pour prendre sa voiture que démembrer, désosser un vigile pour venger une jeune fille abusée et ainsi « faire justice », ils dézinguent, dessoudent, défont et déjouent toute tentative de compréhension de leurs actes. Et ce à quoi ils s’attaquent peut-être le plus, c’est le langage, celui des adultes, de la morale, qu’ils déconstruisent, détissent, désagrègent, non en s’y opposant, mais paradoxalement en l’utilisant correctement et en croyant même, parfois, se conformer à ce qu’il véhicule. Quant à la partie d’échecs, XXIème siècle oblige, elle devient un affrontement entre des entités animales et métaphysiques traditionnellement associées au bien et au mal, sur un mode qui rappelle furieusement le monde des jeux vidéos.
Le rapprochement avec le film de Bergman pourrait paraître un peu tiré par les cheveux, mais il n’est pas totalement farfelu et donne, en tout cas, la mesure de l’ouvrage.
Ce qui frappe aussi, dans ce texte, c’est ce décalage, cette frontière qui existe entre le monde des adolescents et celui des adultes. Les premiers font preuve, lorsqu’ils sont ensemble, d’une cohésion, d’une énergie, d’une capacité à aimer l’autre, ami(e) ou amant(e) sans calcul ni demi-mesure, et à réinventer la vie au-delà des conventions, mais avec Lol et Gimmy cela tourne à la monstruosité dès qu’ils interfèrent avec le monde des adultes, auxquels ils offrent un miroir peut-être déformant, assurément terrifiant. Une grande question de société est traitée là de façon tout à fait originale et inattendue.
Je trouve en effet très intéressant le va-et-vient entre les deux plans de réalité, tous deux dans une ambiance bien créée, dérangeante parfois. Au non-sens de ces deux jeunes accomplissant sans états d’âme des actes d’une violence extrême, parfois d’une grande injustice, tout en émettant des jugements moraux que la société jugerait légitime, répond le non-sens d’un affrontement métaphysique qui n’est qu’un jeu, dont les hommes semblent n’être que des pions, ou des mises. Un questionnement sur l’innocence et la culpabilité. Il reste au lecteur à se frayer son propre chemin à travers ses doutes et certitudes.
Pour toutes ces raison, Lol et Gimmy vous attachent, dans toutes les acceptions du terme selon les cas, vous scotchent à leur parcours jusqu’au bout d’un voyage qui, une fois n’est pas coutume, semble plutôt déformer la jeunesse.
Le roman Lol et Gimmy a obtenu le Label Ethique WBE
(http://web-book-edition.com/index.php?dest=1).
Il est notamment disponible ici:
http://actilib.com/ebooks/details/269/11/romans/fran%C3%A7ais/litt%C3%A9rature/lol-&-gimmy.html
Lol et Gimmy, de Salaber
Je l’ai lu dans sa version pdf enrichi.
http://actilib.com/ebooks/details/269/11/romans/fran%C3%A7ais/litt%C3%A9rature/lol-&-gimmy.html
C’est un ouvrage court mais très dense. On le lit une première fois pour voir où l’auteur veut en venir (impossible d’en deviner le dénouement). Une deuxième pour s’y confronter. Une troisième pour aller au fond.
Ce n’est pas vraiment une histoire qui y est racontée. C’est un cheminement qui force à sortir de ses schémas pour aborder autrement une question de société particulièrement ardue. On pourrait s’interroger, après lecture : Dans ce monde, que faut-il prendre au sérieux ?
C’est vraiment une lecture avec soi-même et il est bien difficile de dire j’aime ou j’aime pas. C’est assez dérangeant en fait. Le but ?
Un large extrait en présentant toutes les facettes est disponible ici :
http://actilib.com/ebooks/details/280/11/romans/fran%C3%A7ais/litt%C3%A9rature/extraits-1.html