« Paris était une ville mécanique, où chacun virevoltait dans un sens, dans un autre, et jouait simplement son rôle dans un film qui se tournait seul depuis des siècles. Les acteurs se reproduisaient, vieillissaient et disparaissaient. Les spectateurs manquaient et à vrai dire il n’y en jamais eu. Le film s’effaçait au fur à mesure, et d’ailleurs personne ne filmait. Paris était un spectacle vivant qui ne dépassait pas le stade des répétitions. Une foule de sketches qu’on improvisait dans le métro, à son bureau, en couple, en famille ou chez soi en solitaire comme un comédien si mauvais que personne ne voudra jamais lui donner la réplique. » (p.49)
Toutes les vies se valent. Peu importe de s’appeler Cruche Martinet, Nicolas Sarkozy ou Régis Jauffret, des gens aussi vrais que ceux que vous pourriez rencontrer banalement dans la rue. La bouffonnerie n’est pas seulement dans la vie politique et dans votre vie, on la croise aussi dans la réalité quotidienne et vice versa.
Le monde tel que nous le ressentons n’est pas différent de celui des fictions romanesques et, dans tout ça, il est difficile de fixer la limite entre le normal et le pathologique.
Il en est ainsi du successeur de Sarko, rencontré dans ce livre relatant les années 2015. S’agit-il d’un émule de Sarko ? Sans doute. Ne se souvient-il pas « de l’héroïsme dont avait fait preuve vingt ans plus tôt son prédécesseur Nicolas Sarkozy ? »(p.270)
Fort de cet exemple, le successeur de notre président actuel part dangereusement récupérer son Ministre des Affaires Etrangères, parmi des épaves humaines alcoolisées et gaudriolesques, squattant le haut d’une tour du Boulevard Vincent Auriol.
Du haut de ce perchoir, le Président de la République, marqué par la dérive du dernier quinquennat, songe à son successeur qui :
« serait peut-être conduit en cas de banqueroute absolue à mettre la France aux enchères et à accepter finalement qu’elle prenne le nom d’une marque de voiture indienne… L’Europe s’appellerait déjà du nom de l’émirat arabe qui sponsoriserait la construction des hôpitaux… »(p.276)
Folie d’hier, folie d’aujourd’hui, La pathologie de ceux qui nous gouvernent n’est guère différente de celle de Cruche Martinet, cette vieille maso qui jouit des sévices de son mari, le redoutable Galopin Martinet.
Mais les héros de cette folle équipée dans Paris, se sont Sévère et Marjorie, couple quasi-démentiel, à la recherche d’une humanité débarrassée du besoin sexuel à l’instar du Président de la République et de son Ministre des affaires Etrangères.
Marjorie, nymphomane comme la femme du Président, tente de cliver l’amour et la sexualité en s’envoyant en l’air avec des sex-toys. Elle dit continuellement « Moi, je t’aime » à Sévère. Parviendra-t-elle pour autant à l’aimer ?
Pas facile dans cette humanité à la Jauffret, où tout le monde est à la fois manipulateur et manipulé, le dominé utilisant sa souffrance pour se jouer de son bourreau.
L’humanité de Jauffret n’est ni bonne ni mauvaise. A l’Elysée comme dans la rue, c’est d’ailleurs la même réalité.
Régis Jauffret Tibère et Marjorie